• Elle reviendra... Elle reviendra prendre la pillule de mon âme, boire le verre de mon sang et fumer la cigarette de mon souffle... Elle reviendra... Et de nouveau, nous nous aimerons

    Si j'ai décidé de vous parler d'elle, c'est pour ne pas l'oublier. Je l'ai rencontrée quelques mois auparavant, comme une fleur qui pousse en plein milieu de l'hiver. Elle a poussé la porte de ma petite maison sombre et empestant la fumée. Mais ces odeurs nauséabondes, ce désordre à vomir et moi, dénudé, la peau blanche, les lèvres bleues et une cigarette entre l'index et le majeur, ne semblaient pas l'affecter. Au contraire, cela l'amusait presque. Je lui ai rapidement demandé de fermer la porte, d'une car je ne supportais pas l'air frais et de deux, je ne voulais pas que qui que ce soit sente ma cigarette et alerte quelqu'un. Elle a obéi et s'est adossée à cette porte. Je l'ai longuement observée silencieusement. Elle avait de longs cheveux d'un blond inhabituel, des yeux d'un noisette envoûtant et une peau qui paraissait douce et délicieuse. Bien qu'elle semblait fragile, c'était une fille forte, plus forte qu'on ne le pensait. Elle aussi m'a longtemps regardé. Pourtant, il n'y avait pas grand chose à voir. Mes cheveux d'un blanc argenté naturel étaient en bataille et sales ;  ma peau était livide et plus que pâle ; mes yeux bleus pâles, presque blancs, reflétait l'état dans lequel je me trouvais (pitoyable) et mon corps tout entier semblait détraqué et mort. Mes joues creuses, j'en suis certain, devaient lui faire pitié. Ainsi que mes abdos inexistants, remplacés par mes côtes bien visibles. La fille ne semblait pas du tout dégoûtée, même pas un peu choquée. En fait, son regard était rempli de sympathie et de compassion. 

    -Comment tu t'appelles ? lui ai-je demandé.

    Elle m'a répondu qu'elle s'appelait Erysiane. Un nom peu commun mais, ma foi, très joli. A son tour, elle me demandait comment je m'appelais.

    -Martin, ai-je répondu.

    Elle avait hoché la tête tout en regardant sans expressions sur le visage, les boîtes de pilules, les seringues remplies et vides, les bouteilles sombres et claires et les cigarettes mortes et celles encore vivantes. Elle avait alors avancé d'un pas, mais je l'ai stoppée d'un geste de la main.

    -Si tu veux rester ici, je te préviens, il y a des règles à respecter.

    Elle avait acquiescé, j'en ai conclus qu'elle était d'accord.

    -De un, tu ne parles à personne de ce que tu vois, fais, et parles ici. Ensuite, si tu veux amener tes doses, fais-toi plaisir. De plus, dès que tu arriveras, tu te déshabilleras. Non, je ne suis pas un pervers, regarde-moi : je suis nu aussi. Te dénuder, c'est juste pour prouver ton humanité et ta pureté.

    -Je pensais pourtant que se droguer, boire et fumer étaient considérés comme une marque d'impureté.

    -Eh, tu peux te casser d'ici et fermer ta gueule si t'es pas contente !

    Elle n'avait pas répondu. Son petit air légèrement supérieur, mais compréhensif, m'agaçait presque. Mais néanmoins, j'avais continué d'expliquer.

    -Ici, tu fais ce que tu veux. Plante-toi autant que tu en as besoin, bois autant de fois qu'il te le faudra et fume tous les paquets que tu veux. C'est peut-être pas toi le chef ici ; mais c'est pas moi non plus. 

    Après l'avoir regardée hocher la tête, j'ai détourné la tête vers le mur en face de moi, reportant ma cigarette à mes lèvres. Puis, après un moment de silence, elle a recommencé à marcher et s'est assise contre le mur que je regardais tous les jours. Elle a commencé à enlever sa robe noire, puis ses bottes et ses gants. Je l'ai de nouveau regardée de haut en bas. Ses formes étaient parfaites. Les courbes de ses seins étaient parfaitement dessinées, sa taille était légère et fine, ses épaules étaient gracieuses et ses cuisses attirantes. J'ai pu regarder de plus près son visage. Ses yeux noisettes possédaient de merveilleux reflets verts. J'étais presque charmé par sa beauté. Mais il fallait se l'avouer, n'importe qui l'aurait dit : elle était très belle. Je voyais qu'elle tremblait. Bien qu'il ne fasse pas froid dans ma minuscule habitation, il n'y faisait pas grande chaleur non plus. Elle s'habituera sûrement, comme je l'ai fait.
    D'ailleurs, vous vous demandez certainement qu'est-ce qu'il m'est arrivé pour que je finisse comme ça ? Buveur, drogué, fumeur, ... Ben ça vous regarde pas. Même Erysiane, je ne lui ai jamais dit. Parce que ça ne la regardait pas. Je lui ai raconté bien d'autres trucs, et elle m'a jamais interrogé là-dessus. C'était une chouette fille.
    Au début, elle hésitait un peu. Elle regardait de temps en temps le sol, de temps en temps moi. Je faisais à peine attention à elle. Un moment, ça m'a énervé qu'elle ne fasse rien et je l'ai regardée.

    -Si tu n'as rien à faire, tu peux te casser, lui ai-je dit.

    Sur ces mots, elle a saisi une bouteille de vodka qui se trouvait à côté de moi, courbant son dos gracieux. Elle a porté la bouteille à sa bouche et a bu le quart de son contenu d'un coup. Pas mal. Mais je peux faire mieux. J'ai alors pris la sa bouteille et l'ai vidée plus rapidement. Je me suis essuyée la bouche et l'ai regardée, l'air victorieux. Elle a serré les dents et s'est emparée de deux cigarettes, les allumant toutes les deux et les portant à ses lèvres en même temps. Cependant, je lui en ai arrachée une de sa bouche.

    -Evite de faire ça. On ne savoure qu'une cigarette à la fois, ma belle.

    Elle ne m'a pas répondu et a fumé SA cigarette tranquillement. Un moment plus tard, elle a pris l'une des seringues et se l'est plantée dans le bras gauche. J'ai vu son visage se crisper. La première dose, elle est jamais très agréable. Elle a commencé à transpirer et j'ai remarqué que cette idiote avait utilisé la totalité du contenu de la seringue.

    -Eh, la drogue, ça coûte cher et à trop forte dose d'un coup, tu fais un malaise. J'ai pas envie de m'occuper de ton cadavre.

    Encore une fois, elle n'a pas répondu. Jusque là, elle ne m'avais que dit son nom et demandé le mien. C'est tout. Moi, je trouvais ça étrange. Etrange qu'elle parle si peu. Elle a soudainement relevé les yeux et son regard noisette et vert a croisé le mien, froid et enneigé. Sans que je m'en sois rendu compte, mes joues, d'un habitude blanc mort, sont devenues roses. Et aujourd'hui encore, j'ignore pourquoi. Erysiane n'avait pas réagi. Au contraire, elle a continué de me fixer. Ce que j'avais remarqué, c'est que son regard ne s'était jamais posé sur mon corps. Aurait-elle peur ou honte ? Peur de violer mon intimité ? Honte de se retrouver face à une personne de sexe opposé nue ? Non, ce n'était sûrement pas ça... Elle n'avait rien dit ou montré quelque émotion qu'il soit en me voyant ainsi. Mais, n'importe qui m'aurait regardé de haut en bas. Mon cou, mes bras, mon ventre, ma partie génitale, mes jambes, mes pieds... Elle, n'avait observé que mon visage. Pourtant, je l'avais étudiée de la tête aux pieds. Et, bien que j'ai regardé jusqu'à sa partie intime, elle n'avait toujours pas l'air gênée. Cette fille aurait dû faire partie d'un camp de nudistes. Je n'y accordais aucune importance. N'y a-t-il pas eu une époque où tout le monde vivait nu et cela ne choquait personne ? Je parle de Adam et Eve, dans la Bible. Oui, j'ai étudié la Bible.
    Erysiane avait fini par se rhabiller, j'en avait conclus qu'elle allait partir. Ce qu'elle a fait après m'avoir promis qu'elle reviendrait demain.

    Et elle l'a fait. Cette imbécile est revenue le lendemain, en ouvrant très légèrement la porte, comme si elle avait peur qu'on nous voit. Tout comme la veille, elle s'était assise au même endroit et s'était déshabillée de la même façon. Puis, notre routine revint. Drogues, alcools, cul-secs, pilules, cigarettes, ... Plus je l'observait, plus j'avais l'impression qu'elle trouvait ça amusant. Ce jour était le même qu'hier. A un détail près : nous avons parlé. Oui, nous avons discuté durant des heures, qui m'ont semblées être des jours. Quand elle m'avait demandé ce que j'aimais, j'avais eu du mal à répondre. Je n'aimais pas spécialement ce que j'étais et ce que je faisais, donc je n'aimais en fait rien. Mais une réponse m'est venue à l'esprit. Mais je me suis dit que je ne pouvais pas lui dire, qu'elle le prendrait au premier degré. Pourtant, c'est sorti tout seul de ma bouche.

    -Toi.

    Je l'avais dit sèchement, directement, sans ton particulier. Je lui avais jeté un rapide coup d'oeil. Ses joues étaient à peine roses et elle ne semblait pas trop suprise. En fait, elle avait sourit.

    -Moi aussi je t'aime !

    Je n'ai pas réagit à sa réponse. Bon, je dois avouer que j'en étais même plutôt flatté. A ce moment-là, on ne parlait pas encore d'amour au premier degré. Je n'étais pas encore amoureux d'Erysiane et vice-versa. Mais je l'aimais. Car c'était la seule amie et la personne à qui j'avais parlé depuis des mois, voire des années. Je l'aimais pour ce qu'elle était.
    Après quoi, on avait continué à se planter en ricanant et en se moquant du monde. Celui que je détestais.
    Cette routine a duré des jours et des jours. Même si mon état se dégradait petit à petit, celui d'Erysiane avec, j'avais l'impression qu'il s'ameliorait en même temps. Peut-être était-ce le goût à la vie qui me revenait ? Sans doute grâce à Erysiane. Elle m'avait fait rire tellement de fois que j'avais l'impression de ne pas l'avoir fait depuis des lustres. Seulement, quelque chose changeait, ou évoluait de jour en jour. Ou plutôt, plusieurs choses changeaient. La façon dont Erysiane se déshabillait devenait de plus en plus excitante ; son rire et sa voix devenaient plus graves, plus provocateurs ; ses jours n'étaient plus roses, à peine, mais rouges, légèrement mais clairement et ce n'était pas à cause de l'alcool. Non, j'en étais persuadé : c'était à cause de moi. Et, bizarrement, bien qu'il n'y ait pas de chauffage, je sentais quelques fois, l'espace d'un instant, la température grimper.
    C'est ce jour-là que tout a vraiment changé. Je ne savais pas quel temps il faisait, sûrement le ciel devait être ensoleillé (comme toujours) et je ne savais pas quel jours nous étions. J'avais perdu la notion du temps depuis belle lurette. Erysiane était arrivée normalement, comme toujours et s'était déshabillée comme d'habitude. Mais cette fois, je l'avais observée tout le long. Du premier bouton de sa robe à sa deuxième botte. Je... J'étais incapable de décrire l'atmosphère qui régnait dans la pièce. Pesante, oui. Et... presque gênante... J'ai voulu regarder Erysiane mais son regard était posé sur une petite bouteille de whisky qu'elle faisait tourner avec ses mains. Je me suis avancé un peu vers elle, faisant glisser mes fesses sur le parquet inconfortable. J'ai serré les jambes, histoire de cacher un minimum mes attributs. Erysiane, elle, s'en fichait. Elle s'était habituée depuis longtemps à la température assez fraîche, aux cigarettes tueuses de poumons, aux drogues qui déglinguent le cerveau et aux alcools qui embuaient l'esprit. Cela m'étonnait presque. J'ai alors posé une question à cette petite Erysiane, trop belle pour être réellement humaine.

    -Pourquoi tu fais ça ?

    La question à laquelle je n'aurais jamais répondu si elle me l'avait posée, je la lui posait maintenant. Elle ne m'avait toujours pas regardé, et a pris son temps pour me répondre.

    -Parce que tu étais seul.

    Elle n'avait rien ajouté d'autre. "Parce que tu étais seul"... Si j'avais été déjà été en compagnie, m'aurait-elle laissé à l'abandon ? Aurait-elle refermé la porte directement ? M'aurait-elle craché au visage et dénoncé ? Je ne saurai jamais, Dieu seul le sait... Non, Erysiane seule le sait...

    -T'es vraiment une gamine, lui ai-je dit. Niaise, pleine de pitié...

    -Il y a quelque chose que je sais faire, avait-elle répondu, pas un truc de gamine.

    J'avais détourné la tête pour la questionner du regard. Que voulait-elle dire ? Et... cette chose dans ses yeux... On aurait dit une flamme. Brûlante, prête à exploser, comme si on avait jeté une bouteille de gaz à côté.
    C'est alors qu'Erysiane s'est penchée vers moi, ses genoux fragiles entrant en contact avec le sol, et m'a embrassé. J'ai mis un moment à comprendre ce qu'il se passait et à réagir. J'ai commencé par me détendre, à fermer les yeux, puis à mêler ma langue à celle d'Erysiane. Mes mains ont parcouru son visage et son corps, caressèrent ses joues, prirent ses épaules, effleurèrent sa poitrine, se posèrent sur sa taille, ses hanches et ses cuisses. Notre baiser, ou plutôt nos baisers s'intensifièrent. Je me suis retrouvé dos sur le sol, Erysiane au-dessus de moi, sa poitrine et son ventre collés à mon maigre torse. Je n'avais jamais ressenti une telle passion venant de moi et d'une autre personne. Nos bouches et nos langues ne faisaient plus qu'une. C'est quelques instants plus tard que nous sommes partis plus loin. Erysiane a lâché un gémissement, mêlé de douleur et d'excitation. J'étais dans le même état qu'elle. Nous suions tous les deux et étions rouges de la racine des cheveux au cou. Tout comme Erysiane, je ne pouvais m'empêcher de gémir aussi, excité par notre rapport soudain et innatendu. J'ai pris la place de ma partenaire, me retrouvant au-dessus d'elle. Je ne savais pas trop ce que je devais faire, je l'ai donc regardé en respirant bruyamment. Sa main s'est alors posée sur mon bras et l'a serré. Elle n'a rien dit, elle était trop occupée à reprendre son souffle aussi. Mais son expression d'extasie me faisait comprendre que nous devions continuer. J'ai donc commencé à remuer doucement et les autres gémissements de plaisir d'Erysiane m'indiquaient que nous faisions ce qu'il fallait. Je l'ai plaquée contre le mur, lui embrassant le cou et des cris commencèrent à sortir de sa bouche. Mes gouttes de sueur tombaient sur elle et les siennes humidifiaient le parquet sombre. Plus je mettais d'ardeur à notre acte, plus les sons émits par les cordes vocales de ma partenaire devenaient forts. Nous savions tous deux que les murs étaient isolés, alos nous pouvions hurler aussi fort que nous le voulions. Erysiane en avait profité. C'était tellement beau que je ne voulais plus arrêter... L'excitation avait pris le dessus, je... je ne sais même pas comment l'expliquer. Erysiane me plaisait. Je l'aimais. Je l'adorais...
    Depuis, rien n'avait changé. Chaque jour, Erysiane était revenue, plus joyeuse qu'avant. Nos doses de drogues amplifiaient et les bouteilles s'accumulaient plus vite. Ma maison n'avait jamais senti aussi mauvais. Bien sûr, ni moi, ni Erysiane n'y prêtaient attention. Nous étions devenus des amants, obsédés et sombrants dans les substances illégales, la vodka et les seringues. Parfois, je voyais Erysiane vaciller et sur le point de s'évanouir. Je lui avais même déjà demandé si elle ne voulait pas arrêter. Mais elle n'avait jamais accepté. Nous avions aussi continuer à faire l'amour, tous les jours, chaque fois qu'elle venait. Ca pouvait durer des heures... Erysiane devenait de plus en plus sauvage chaque jour. Elle n'était pas seulement accro au sexe, elle était accro à moi. Nous ne nous sommes jamais lassés.
    Le passage que je vais vous raconter est le dernier jour que j'ai passé avec Erysiane. Ce n'était pas la pire, ni la meilleure, c'en était juste une autre.
    Ca avait commencé comme tous les jours ; Erysiane était arrivée normalement, s'était penchée pour m'embrasser, s'était assise et déshabillée. Puis après drogues, cigarettes, alcool, sexe... On avait parlé du monde, de la vie, de la mort, ...
    Un moment, j'ai posé une question à Erysiane.

    -Quand arrêteras-tu ?

    Je ne la quittais pas des yeux, j'étais très sérieux. Elle a tourné la tête vers moi, ses yeux se sont plantés dans les miens. Elle s'était alors levée pour s'assoir à côté de moi et poser sa tête dans le creux de mon épaule. Puis elle a répondu.

    -Lorsque tu arrêteras.

    Mon esprit s'était figé sur cette dernière réponse. Si bien que je n'ai rien dit d'autre. Nous étions restés silencieux toute une éternité. Nous nous étions fait une séance de baisers qui a duré quelques dizaines de minutes. Finalement, Erysiane est repartie en souriant et m'a dit à demain. Voilà. C'est tout. C'était la dernière journée que j'ai passé avec Erysiane. Pas la plus belle, pas la plus nulle. La dernière...

    Erysiane était donc revenue le lendemain. Mais rien ne s'était passé comme il le fallait. Bien que j'étais inconscience, je la voyais. Je la voyais ouvrir la porte et s'effondrer, éclatant en sanglots. Elle avait refermé la porte et s'était laissée glisser contre pour cacher son visage entre ses genoux. Ses hoquetement faisaient un bruit pas possible, mais les murs isolés les arrêtaient. Elle avait commencé à crier, puis plus encore, à supplier. Elle s'était mise à genoux et avait imploré Dieu pendant plusieurs minutes. Mais il n'a jamais répondu. Les larmes d'Erysiane inondaient le parquet, brûlé par ses cigarettes. Elle me regardait, moi, mon corps nu et dénudé de vie. J'avais fait, quelques heures plus tôt, un malaise. Avant l'aube, je m'étais injecté une énorme dose de morphine et d'héroïne. D'un seul coup. Je n'avais pas tenu le coup. C'en était trop pour moi. Ma seringue était posée à côté de moi, tout aussi morte. J'avais passé une nuit agitée : je savais que j'allais mourir. Je me suis défoulé, j'ai balancé des bouteilles partout, j'ai mis le feu à tout les papiers que j'avais trouvé et avait hurlé ma haine. Ca m'avait fait un bien fou. Et au matin, j'ai craqué. Je l'ai fait pour Erysiane... Elle a sans doute été la plus belle drogue que je n'ai jamais prise. C'était magnifique. Merci, Erysiane...
    Merci...

     

     

     

     

     

     

     


    votre commentaire
  • PROLOGUE : Présentations

    Depuis le début du règne de la Reine Grace et du Roi Tristan, les Terres de Mélorah connaissent une paix totale. Aujourd'hui, le Royaume compte deux héritiers. Laissez-moi vous les présenter...

    -Lisandre ! cria Grace, lève-toi tu veux ?!

    La petite princesse ne répondit pas, malgré sa mère qui tambourinait continuellement à sa porte.

    -Si tu ne viens pas, j'appelle Marco pour qu'il défonce la porte ! menaça la Reine.

    -Oui, oui d'accord, j'arrive ! répondit enfin Lisandre.

    Cette dernière ouvrit la porte. Ses longs cheveux roses pâle étaient en bataille et ses yeux, mi-bleu mi orange pour le droit, et brun pour le gauche (étrangement) fatigués. Lisandre avait une trouille bleue de Marco, devenu Chef de la Garde Royale et de l'Armée. Il était devenu une brute féroce de l'extérieur, capable de soulever des rochers, mais c'était un ange à l'intérieur ; Grace l'a toujours su. Ce n'est pas son meilleur ami pour rien !

    -Je me prépare..., grogna la petite adolescente de treize ans.

    -Et dépêche-toi !

    Lisandre referma brutalement la porte.


    -Terrence, je peux rentrer ? demanda Tristan.

    Le Prince accepta et le père entra dans la chambre de son fils. Celui-ci était affalé sur une chaise, son regard orange et brun perdu dans le vide. Il tourna la tête vers son père. Ce dernier prit la parole.

    -Tu es levé depuis longtemps ?

    -Quelques heures je crois, répondit le Prince, une once d'ennui dans la voix.

    -Le déjeuner est prêt. Je pense que ta mère a réveillée ta sœur, on l'entend crier dans tous les étages !

    Les deux hommes rirent puis sortirent de la pièce.

    Terrence avait trois ans de plus que sa sœur, il était l'aîné. Il était plus ou moins différent de sa cadette, qui elle était turbulente et rebelle mais douce et adorable. Lui était très rêveur, le trône ne l'intéressait pas plus que sa jeune apparentée. Les deux s'entendaient à merveille, inséparables comme on disait. Ils chassaient souvent ensemble ou exploraient avec leur petit groupe d'amis composé de Aude, une servante de la Cour de quinze ans ; Adrien, qui avait dix-sept ans déjà, tout comme Erysiane, la source d'envieux de tout le village tant elle était belle ; Roman, le fils de Marco et Catherine, le Médecin, avait le même âge que Terrence mais était loin de s'entendre avec lui. Les deux garçons se bagarraient sans cesse pour tout et n'importe quoi. Pour Lisandre, c'était une autre histoire. Elle avait déjà réussi à parler calmement avec Roman, et même à rire avec lui, sans que son frère le sache. La Princesse avait appris que ce garçon blond n'était pas qu'un sauvage plein de haine, mais une âme intelligente, impatiente et avide de savoir. Au bout d'un certain temps, les deux adolescents étaient finalement devenue amis dans le secret.

    La Cour entière était réunie à la grande table dans la Salle du Trône pour le petit-déjeuner. Un véritable festin se dressait tout le long de la planche de bois et personne ne se retenait. Aude et Valérica, la chanteuse de la Cour, faisaient le tour de la table, Aude en rapportant des plats, Valérica en entamant un air joyeux au violon. Toute la Cour riait et chantait sous le plafond de verre laissant passer les splendides rayons du soleil. Personne ne manquait à l'appel. Basil, le Mage et Savant de la Cour, ainsi que le frère de Tristan, faisait tomber de la neige sur sa nièce pour la taquiner ; Catherine discutait gaiement avec Grace ; Marco riait avec l'un de ses soldats haut gradé et Wendy, la fiancée de Terrence faisait connaissance avec Tristan. Wendy et Terrence s'étaient rencontrés dans la forêt, la jeune fille, de Nature Nymphe trahie par ses yeux vairons (bleu et violet), vivait dans une petite grotte en compagnie d'autres Fées. Elle ne pouvait pas quitter la Forêt dont elle était la gardienne mais pouvait bien rendre visite à sa future belle famille de temps en temps. C'était une Nymphe aux longs cheveux roux bouclés et à la beauté surpassant celle d'Erysiane.

    Qui aurait cru qu'un évènement d'une telle importance viendrait gâcher, peut-être à tout jamais, le bonheur régnant dans la belle ville de Walandriah.. ?

    CHAPITRE 1 : La douleur parle

    L'après-midi venue, Lisandre se rendit dans le village. Elle n'y allait pas vraiment souvent, en particulier à cause des villageois. Car bien qu'elle soit la Princesse, cette petite était persécutée, et la cause, ce sont ses yeux. Ses yeux si étranges, de trois couleurs différentes, faisaient frémir toutes les personnes les voyant. D'après les habitants du village, c'était anormal, bizarre, ... monstrueux. Lisandre était très complexée par ce détail, que pourtant un certain nombre de personnes trouvait sublime. Pour quelques uns, c'était un signe du Diable ; pour d'autres, il s'agissait d'un signe de chance ou d'un don de Dieu. Le dégradé de l'oeil bleu et crépusculaire de Lisandre était tout simplement magnifique. Cet orange soleil couchant était le même que celui de son père.
    Lisandre traversa le village tout en évitant les regards malveillants ou même dégoûtés des paysans. Le Festival des Etoiles approchait, Lisandre et son frère avaient des tas de choses à préparer pour cet évènement. Ce Festival annuel tombait durant la Semaine Enchantée où, pendant une semaine, les étoiles filantes, les constellations et les planètes sont visibles. Le ciel est également plus beau que pendant le reste de l'année. C'est une période que tout le monde, y compris les enfants, attend avec impatience chaque an. Lisandre, amatrice de décoration, fouillait tous les étals du village pour trouver les plus beaux matériaux, les plus beaux objets et les décorations les plus pertinentes. Aude, grande couturière, lui avait également demandé de lui prendre des tissus couleur de la nuit. Tâche difficile quand tout le monde vous regarde de travers, vous insulte ou vous pousse. Les adultes ne se le permettaient pas mais les adolescents prenaient l'affreuse liberté de pousser Lisandre, parfois de la frapper. Ce jour-là, deux garçons lui firent un croche-pied, ses achats s'écrasant au sol. Lisandre ne regarda pas les adolescents partir en ricanant bêtement et accourut vers ses articles. Celle-ci fut dépitée en voyant que la majorité des bocaux de verre qu'elle avait achetée s'étaient brisés. Elle les serra contre elle, se forçant à ne pas faire couler ses larmes. Elle finit par se relever sous l'oeil amusé et moqueur des villageois puis ramassa ses objets malgré tout. Agacée, elle se retourna en courant, retournant vers le château. Mais elle n'y entra pas. Elle se rendit vers le mur extérieur droit où était posée une immense échelle qui menait au toit. Lisandre adorait y aller, comme beaucoup de monde. Elle grimpa à l'échelle, ses cheveux roses lui barrant la figure à cause du vent qui prenait en puissance. Une fois à son point d'arrivée, Lisandre dominait tout Walandriah et bien plus. Chaque hectare, chaque plaine, chaque montagne. Quelques pétales de cerisier volèrent autour d'elle tandis qu'elle respirait la liberté, la solitude et la douleur. Quand sa respiration fut calmée et ses larmes coulées, elle se mit sur la pointe d'un pied et leva les bras lentement. Elle tourna sur elle-même, balança ses jambes et fit d'autres figures de danse. Elle avait appris la danse seule, contrairement au chant que lui a enseigné Valérica.

    -Lise ?

    Lisandre, à l'entente de son surnom, s'interrompit pour regarder son frère. Celui-ci avait bien compris ce qu'était venue faire sa soeur ici. Expulser sa colère, laisser parler sa douleur et se libérer de la haine des autres. Terrence s'approcha d'elle et Lisandre se jeta dans ses bras, éclatant en sanglots. Le Prince lui caressa doucement les cheveux, ce qui avait pour effet de l'apaiser. La petite Princesse se calma au bout d'un certain temps mais ne lâcha pas son frère. Ses bras étaient le seul endroit où elle se sentait en sécurité.

    CHAPITRE 2 : Le Fantôme de l'oubli

    Le frère et la soeur se hâtèrent de rentrer. Basil répara les pots de verre pour le plus grand bonheur de Lisandre. Son oncle faisait vraiment des merveilles avec sa magie.

    -C'est pour la chasse aux Astres ? demanda Basil.

    -Oui ! Et aussi pour les lucioles !

    La chasse aux Astres était tout simplement l'une des nombreuses activités que l'on pratiquait lors du Festival des Etoiles. Elle consistait à attendre le moment où de la poussière d'étoile tombait du ciel et à en récolter dans des bocaux de verre afin d'en faire des décorations où des lanternes.
    Lisandre reprit ces précieux objets raccommodés et se précipita dans sa chambre. Durant plusieurs heures, la petite travailla d'arrache-pied pour organiser le Festival. Car si ses parents s'en occupait en grande partie, Lisandre et Terrence aussi. Tous les habitants participaient. Activités, décorations, buffets, ...
    Vers la fin de la journée, Lisandre descendit jusqu'à la Salle du Trône où Aude l'interpella. Celle-ci tenait deux robes ; une bleue nuit et une blanche.

    -Laquelle m'irait le mieux d'après toi ?

    -La bleue ! répondit Lisandre sans hésiter, cette couleur te va beaucoup mieux que n'importe quelle autre !

    Aude sourit.

    -C'est noté ! Merci, Lisandre. Mais...

    Elle se mit à chuchoter.

    -Tu penses qu'Adrien aimera.. ?

    Aude était secrètement amoureuse d'Adrien. Cependant, elle n'était pas au courant que ce drôle et beau garçon était gay. Lisandre avait mal au coeur pour elle rien que d'y penser.

    -J'en suis certaine !

    Aude rit et salua la Princesse avant de partir. Mais alors que Lisandre allait s'en aller elle aussi, une voix grave et assurée raisonna dans la pièce. Lisandre tourna la tête et manqua de lâche un énorme "Oh non !". Le Prince d'Italie, Piccolo, était en voyage en Mélorah et s'était arrêté depuis quelques semaines à Walandriah. Son père, le Roi d'Italie, avait proposé à Grace et Tristan l'union de son fils et de la Princesse. Chose que personne n'approuva. Lisandre détestait Piccolo. Celui-ci, bien qu'il soit très beau, avait un ego sur-dimensionné. Il était "amoureux" de Lisandre dès l'instant où il l'a vue, charmé par sa beauté. Seulement, comme tout le monde le dit, Lise n'est pas belle, mais elle est la plus mignonne des jeunes filles de Walandriah. La plus belle était Erysiane, partageant sa place avec Wendy et ces deux jeunes filles étaient suivies de Grace, la Reine. D'après ce qu'on dit, toutes les Princesses et Reines de Mélorah étaient considérées comme les plus belles femmes du pays. Enfin, les hommes aussi. Terrence faisait beaucoup d'envieuses. Et Roman également.
    Piccolo fixait Lisandre de son regard noir, de façon très... gênante. Il était très envahissant et ne manquait aucune occasion de voir ou parler à la Princesse. Il était accompagné de son plus fidèle serviteur et ami, Lero, qui semblait blasé. Les filles, comme les hommes, lui importait peu. Lisandre ne rougit pas, au contraire, mais leva les yeux au ciel, dégoûtée. Piccolo rêvait d'épouser Lisandre, en priorité pour devenir Roi de Mélorah. Le trône d'Italie est insignifiant, alors que celui de Mélorah est dominateur et convoité par beaucoup d'autres pays. Régner sur Mélorah, c'est régner aussi sur les pays les plus petits aux alentours. Et ça, Piccolo le savait. Son regard restait fixe sur Lisandre qui finit par s'enfuir en courant. Elle connaissait une sorte de passage secret menant aux coures arrières du château. Celle-ci contenait plusieurs jardins, les écuries, un autel de Lullaby, nom que l'on donne à "Dieu" en ce monde ; ainsi que le fameux cimetière de Walandriah. C'était l'un des endroits les plus connus de la région, tout simplement parce-qu'il était immense et avait une particularité : jamais un brin d'herbe ne poussa ici. Aucune fleur, aucun arbre, même les animaux ne s'y rendaient pas. C'est comme si l'endroit lui-même était mort. Et cela, depuis des siècles. Cette terre était plus que sèche. Personne n'a jamais réussi à y faire pousser quoi que ce soit. Lisandre se rendit dans le fameux cimetière. Elle ne connaissait pas grand-monde de mort, excepté sa grand-mère maternelle, la mère de Grace, Lynl et une certaine Serena dont son père lui avait parlé quelques fois. Lisandre s'assit devant leurs tombes posées côte à côté, où elle s'était rarement rendue. Lisandre n'aimait pas spécialement ce genre d'endroit. Et penser aux morts ne servait à rien pour elle. Il valait mieux les laisser reposer en paix et reprendre sa vie comme ils l'auraient voulu. Etre triste ne ramènera pas les défunts. 
    La Princesse se fit songeuse un moment, tandis que le soleil se couchait. Elle observait ce spectacle, dont la couleur lui rappelait les yeux de son père, de son frère et d'elle-même. Elle se releva et s'apprêtait à partir quand elle entendit une voix, très douce mais très mélancolique. Elle se retourna et sursauta quand elle vit une jeune fille, immatérielle, le corps entièrement transparent. Lisandre connaissait l'existence des Fées-Fantômes, qui était l'une des huit natures existantes en Mélorah. Mais elle avait toujours pensé que les Fantômes n'étaient que des mythes, des légendes et des contes. La jeune fille qui se tenait en face d'elle était très belle. Elle avait de courts cheveux d'une étrange couleur (une sorte de violet très pâle), des yeux blancs et vides, et la robe qu'elle portait intrigua Lisandre. Celle-ci ne correspondait pas du tout à son époque, la Princesse en conclut que le Fantôme devait être mort depuis très longtemps. Celui-ci s'inclina.

    -Qui... qui êtes-vous.. ? demanda timidement Lisandre.

    -Je ne suis pas quelqu'un, j'étais quelqu'un, répondit le Fantôme lentement.

    Lisandre ne comprit pas trop la réponse de la défunte mais comme elle était morte, cela lui semblait logique.

    -Mon nom est Leslie, continua-t-elle, je suis le Fantôme et la gardienne de ce cimetière. Je suis la chef des Fées-Fantômes.

    -Oh et bien... Enchantée, répondit la petite adolescente, je suis...

    Leslie la coupa.

    -Lisandre Merphel, Princesse de Mélorah.

    Lisandre ne sut quoi répondre, elle était un peu surprise. Comment ce Fantôme pouvait la connaître ? Peut-être l'observait-elle depuis toujours ? Cette Leslie l'inquiétait, bien qu'elle paraissait inoffensive. Cette dernière s'approcha d'elle.

    -Vous n'avez pas à avoir peur. J'ai veillé sur chaque famille que ce château abrita.

    -Depuis quand êtes-vous là ? demanda Lisandre.

    Leslie ne répondit pas. Elle se contenta de regarder le soleil se coucher. Lisandre vit, l'espace d'un instant, une once de tristesse dans les yeux de la défunte. La Princesse ne posa plus de questions, et quand le silence se fit long, elle se retourna et s'éloigna. Elle regarda derrière elle un instant et s'aperçut que Leslie avait disparu. Et dès qu'elle quitta le cimetière, Lisandre oublia l'existence de la morte.

    CHAPITRE 3 : Un mystère peut-être naturel.. ?

    Par un après-midi assez frais, Terrence et Lisandre se rendèrent à la bibliothèque pour passer du temps avec leur oncle Basil. Celui-ci était une immense source de savoir et un grand livreur d'anecdotes. Il était presque impossible de compter le nombre de livres qu'il possédait, au mieux, il fallait y passer plusieurs journées. Ils étaient tous rangés par rapport à leur sujet : dragons, bêtes légendaires, magie blanche et noire, Histoire du pays, poésie, chant, philosophie, littérature, ... Les romans étaient rangés ailleurs. Lisandre et Terrence adoraient écouter leur oncle et pouvaient passer des heures avec lui, à l'entendre parler de romance, de magie et de légendes incroyables. La Princesse poussa la porte, un sourire aux lèvres.

    -Bonjour mon oncle ! s'exclama-t-elle.

    Basil, assis à son bureau, leva la tête et sourit à sa nièce et son neveu. C'était un homme plutôt mince et frêle, pas très musclé, de quatre ans le cadet de son frère Tristan. Il avait de beaux yeux bleus océan trahissant sa nature de Magicien. Il avait de courts cheveux châtains virant au blond. Dans l'ensemble, il était assez mignon, bien qu'il soit encre célibataire..

    -Bonjour vous deux ! dit-il joyeusement. Qu'est-ce qui vous amène ?

    -Tu devais nous parler des Sirènes aujourd'hui, dit Terrence en entrant dans la pièce, tu as déjà oublié ?

    -Bien sûr que non ! répondit Basil en se levant. 

    Il se dirigea vers une étagère et réfléchit un moment avant de choisir un livre. Sa couverture était couverte d'écailles turquoises s'illuminant au soleil. La peinture d'une sirène brune était reproduite au centre dans un cercle doré. Le titre, "Le Chant des Sirènes", était écrit à l'encre noire. Lisandre et Terrence s'assirent par terre tandis que Basil ouvrit le livre.  Il parla longuement de leur Histoire, leur caractéristiques, leur beauté, leurs chants, ... Les yeux des adolescents s'illuminaient plus à chaque mot du jeune homme. Il paraît que les Sirènes peuvent endormir instantanément les gens rien qu'en chantant.. Leurs écailles seraient magiques.. Basil parla longtemps... Longtemps.. Jusqu'à la tombée de la nuit.

    Le lendemain, quelques membres de la Cour se réunirent devant l'entrée du village. La famille Sable-Blanc, composée de Roman, Catherine et Marco, partait en pèlerinage comme souvent. Pendant leur absence, Grace s'occupait des soldats et Aude des blessés avec l'aide d'autres domestiques.
    Leurs énormes sacs tombaient sur leur dos. Le soleil était en train de se lever, ils partaient toujours à l'aube. Grace s'approcha de son amie, un sourire amical aux lèvres. Elle lui prit les mains.

    -A bientôt, dit-elle.

    -Nous serons de retour dans trois semaines au plus tard ! répondit la blonde. 

    Son mari et son fils saluèrent tout le monde d'un hochement de tête puis commencèrent leur voyage à travers plaines et plateaux. 
    Tout le monde rentra joyeusement. Lisandre ne pouvait s'empêcher de jeter quelques regards derrière elle. Elle rougit en s'apercevant que le jeune blond avait tourné sa tête pour la regarder. Elle posa son regard ailleurs, ricanant légèrement. Bien qu'elle n'y croit pas trop, Lisandre avait déjà entendu Erysiane ou d'autres filles (même des garçons) lui faire remarquer les joues rouges de Roman quand il la regardait. Certains affirmaient que le jeune Sable-Blanc était amoureux. A chaque fois qu'elle entendait une chose pareille, la Princesse levait les yeux au ciel en souriant. L'amour... S'y était-elle déjà intéressé ? Pas vraiment... Peu de garçons tournaient autour d'elle. Elle n'avait que Terrence, Roman et Adrien. L'un était son frère, l'autre n'aimait pas les filles.. Et si les hypothèses étaient fondées ? Lisandre songeait à en parler au blond dès son retour.. Oui, elle devait en avoir le coeur net ! Mais une voix masculine interrompit ses pensées.

    -Ma chère nièce m'a-t-elle seulement écouté ?

    Lisandre sursauta et regarde son oncle, les yeux écarquillés de surprise. Elle était droite comme un piquet. 

    -Ah heu excuse moi ! Oui, je t'écoute, que se passe-t-il ? 

    -Viens avec moi, tu vas m'aider.

    -Bien sûr ! Mais.. t'aider à faire quoi ?

    Le jeune homme ne lui répondit pas et l'empoigna par le bras, la tirant parmi les couloirs du château. L'adolescente ne comprenait pas. Pourquoi son oncle devenait si sérieux d'un coup ? Certes, il l'était souvent, mais pas avec elle. Pour Lisandre, la situation paraissait grave, chaque question qu'elle posait, peu importe son insistance, restait sans réponse. Les deux membres de la même famille entrèrent dans le laboratoire du Magicien et s'assirent à une table. La Princesse interrogea Basil du regard ; mais que lui voulait-il ? Le jeune mage prit une inspiration et regarda sérieusement sa nièce qui avait abandonné toute tentative de le questionner. 

    -Lise, commença Basil, il est temps qu'on en parle vraiment..

    -Mais de quoi parles-tu ?

    L'impatience se faisait sentir dans la voix de la jeune fille. Le jeune homme encra son beau regard bleu dans celui de Lisandre.

    -Tes yeux. Il faut qu'on perce leur mystère.

    La Princesse écarquilla les yeux. Elle savait son oncle franc mais pas à ce point-là. La confusion prit place dans sa tête d'adolescente. En quoi le mystère de ses yeux avait-il une importance capitale ? Elle ne s'en fichait pas totalement mais était-ce réellement nécessaire de perdre son temps sur ce sujet ? Malgré son cerveau embrouillé, elle parvint finalement à construire une phrase, ou plutôt une question.

    -A-Attends.. Qui te dit qu'il y a toute une enquête à faire là-dessus ?

    -Que veux-tu dire ? demanda le Magicien en fronçant les sourcils.

    -Si ça se trouve, c'est tout à fait naturel... C'est juste.. 

    -Une erreur de la nature !!

    Lisandre se retourna d'un coup pour voir qui avait prononcé une chose pareille. Ca ne pouvait être un membre de la Cour.. Mais comment un villageois avait-il pu entrer ? Elle soupira et se retourna, de la tristesse plein les yeux, quand son frère entra, soulevant un petit garçon blond aux yeux dorés, dévoilant sa nature de Magicien-Dragon. 

    -Excuse toi et que ça saute ! s'exclama le jeune homme brun.

    -Non ! cria l'enfant en se débattant.

    La colère déforma les traits du Prince qui jeta brutalement le petit au sol. Sur ce geste, la Princesse se leva.

    -Terrence ! dit-elle. Pas la peine d'être aussi violent !

    -Si ! rétorqua son frère. J'en ai plus qu'assez de ces idiots juges ! Il va s'excuser maintenant ou il sera puni par mes propres moyens, et ce ne sera pas une gifle qu'il recevra !

    -Terrence ! hurla la jeune fille.

    C'en était trop pour elle. Comment son frère adoré pouvait dire de telles atrocités..? Lui qui est d'un naturel calme et d'une grande douceur, il semblait prêt à être très sévère avec le gamin, autant qu'avec un adulte.

    -Il suffit ; laisse-le partir.

    A contrecœur, Terrence releva le sale gosse qui s'enfuit en courant, blanc de peur. Il marmonna quelques jurons tandis que sa soeur reprenait son souffle. Celle-ci le regarda, le regard assombri.

    -Tu ferais mieux d'apprendre à garder ton sang-froid ! dit-elle. Qu'est-ce que tu feras quand tu seras Roi ?

    Suite aux paroles de Lisandre, Terrence releva la tête, toujours en colère.

    -On croirait entendre notre mère ! Pour qui te prends-tu ?! J'essaie de t'aider !

    -Etre violent avec la population n'arrangera pas les choses ! Tu sais ce que nos parents nous ont toujours dit ! "Un souverain sage est plus respecté qu'un souverain fort".

    Le Prince soupira.

    -Tu es une Princesse Lisandre.. Un jour, tu seras Reine. Et ce n'est pas en te comportant comme une guimauve que tu arriveras à régner correctement. 

    -Je ne te permets pas ! J'imposerai ce que bon me semblera et la violence sera bannie du royaume ! 

    -Tu n'es qu'une rêveuse ! Tu veux créer une utopie ? Ne te gêne pas mais essaie de ne pas y passer ta vie.

    En entendant ces répliques blessantes, la Princesse gifla son frère. Basil, lui, n'avait pas pu interrompre leur dispute, à aucun moment. Il était très rare que les deux adolescents se disputent. En fait, ils ne s'étaient jamais énervés pour ce sujet, qu'ils n'avaient pas l'habitude d'aborder. Terrence se retourna rageusement et sortit de la pièce. Lisandre se retourna vers son oncle, les yeux humides et rougis. Le jeune homme la prit dans ses bras afin de la rassurer, tout en caressant ses longs cheveux roses, doux comme de la soie. L'adolescente serra Basil contre elle, imaginant son futur. En vérité, elle ne souhaitait pas être Reine. Elle détestait son statut. Leçons ennuyantes, paroles futiles et courtoisie ridicule.. Cela ne l'intéressait point. Tous les jours de sa vie, elle avait souhaité se libérer de cette prison où elle avait grandi. Heureusement, elle n'y était pas toujours enfermée. Il y avait des jours où elle avait le droit de sortir. Elle en profitait pour chasser avec son frère, jouer avec Aude, Adrien et Erysiane ou bien explorer la forêt avec eux. 
    Au bout de longues minutes d'étreinte, les deux parents se lâchèrent et retournèrent à leur place. Basil attrapa quelques livres et les feuilleta rapidement, tandis que Lisandre le regardait faire. Il s'arrêta et montra une page à sa nièce qui fronça les sourcils. 

    -"Les yeux : particularités et exceptions" ? 

    -On peut peut-être trouver quelque chose d'intéressant.

    Le Mage se leva et se mit à côté de Lisandre qui lut attentivement ce que racontait la page. Elle s'arrêta sur un passage qui parlait des yeux possédant plus de deux couleurs.

    -"Pendant de nombreuses années, cette particularité fut vue comme une anomalie, mais vite prouvée scientifiquement. Les spécialistes prouvèrent à notre monde qu'il était bien possible de posséder trois natures ou plus, mais seulement génétiquement, si l'un des parents possède deux natures et un autre, une seule. D'autres exemples existent. Mais le cas de quatre natures ou plus n'a encore jamais été vu."

    Basil sourit. Il savait bien que sa nièce était normale !

    -Tu vois ! Il faut faire comprendre cela aux autres habitants du village ! Nous devons leur dire que tu es juste particulière !

    Lisandre réfléchit. Elle voulait être d'accord avec le jeune homme, mais elle ne pouvait pas, et la raison lui échappa. Si les yeux tricolores n'étaient plus considérés comme étrange depuis un moment, tout le monde devrait le savoir ! Elle poussa un petit soupir. Les gens sont vraiment ignorants de nos jours... 

    -Je vais tout de suite en parler à tes parents !

    Joignant l'acte à la parole, le Mage sortit de la pièce en trottinant, fou de joie d'avoir appris une si bonne nouvelle. Lisandre, elle, restait hésitante. Etait-elle seulement "particulière" ? N'y avait-il pas une autre raison, plus ou moins importante ? Lisandre restait sceptique, cette histoire de génétique ne la convainc pas. Mais son oncle semblait si enjoué qu'elle préféra garder ses suspicions pour elle-même. Il ne servait à rien de dramatiser ou d'en rajouter une couche. Elle était déjà bien occupée.

     

     CHAPITRE 4 : Une étrange rencontre...

    Ce jour-là, Lisandre avait passé plus de la moitié de la journée à travailler dans sa chambre. Vers la fin de l'après-midi, aux alentours de cinq heures, de petits et timides frappements sur sa porte la tirèrent de son travail. Elle reconnut parfaitement cette façon de frapper. 

    -Entre Aude ! dit la Princesse.

    La jeune servante fit son apparition dans la salle. Lisandre la regarda en souriant. C'était une très jolie fille dont les cheveux presque noirs et légèrement ondulés lui arrivaient aux épaules et encadraient son adorable visage. Ses yeux noisettes faisaient fondre n'importe qui et son petit nez retroussé était la cerise sur le gâteau. Lisandre trouvait Aude vraiment jolie, bien qu'elle n'arrive pas à la cheville d'Erysiane. Mais elle, c'était une autre histoire.. Erysiane, elle, était une femme fatale, avec des courbes prononcées et élégantes, des yeux noirs envoûtants et une cascade de boucles d'un blond décoloré impressionnante. Elle avait un visage fin, de belles lèvres roses qui donnaient envie, et un regard unique. 
    Côté caractère, Aude était très timide. Pas vraiment objective, plutôt réservée et silencieuse. Mais sa grande qualité était d'être toujours heureuse. Ses sourires matinaux illuminaient son visage, sa bonne humeur contagieuse était aux rendez-vous tous les matins et son talent pour le violon faisaient beaucoup d'envieux. Car Valérica avait enseigné cet instrument à Aude, qui lui allait à merveille. Surtout qu'elle était un réel prodige. L'écouter était un véritable plaisir. 

    La servante habillée de bleu s'avança dans la pièce en souriant.

    -Adrien et Erysiane proposent d'aller construire une cabane dans la forêt. Veux-tu venir ?

    Un grand sourire s'étira sur les lèvres de la Princesse. Elle sauta de sa chaise et alla chercher un sac.

    -Bien sûr que je viens ! Je dois emmener quelque chose ?

    Aude hésita et réfléchit.

    -Hum.. Adrien ne m'a pas dit quoi que ce soit à propos de ça.. Mais j'ai emmené des gâteaux !

    Lisandre sourit encore plus. Les gâteaux de Aude étaient les meilleurs du royaume. Elle n'en avait jamais goûté d'aussi bons. Tout le monde aimaient ses pâtisseries, y compris ses fameux cookies au chocolat dont raffolaient Adrien et Erysiane (et à peu près tout le monde en fait). Lisandre se retint de sauter de joie. Cela faisait un moment qu'elle n'était pas sortie avec ses amies et elle était plus qu'impatiente. Surtout qu'elle avait toujours rêvé d'avoir une petite cabane quelque part. Elle était aux anges. Aude reprit.

    -Adrien s'occupe des matériaux mais tu pourras l'aider, par exemple. Erysiane s'occupe des outils. 

    -Terrence ne vient pas ? demanda la Princesse.

    -Je n'ai pas pu lui demander, il est en réunion. Et à mon avis, elle va durer encore un moment..

    Lisandre baissa la tête, un peu déçue. Elle adorait son frère et savoir qu'il ne viendrait pas la dérangeait un peu, lui qui était toujours à ses côtés. Surtout que Roman aussi était absent.. Mais à cette pensée, elle rit.

    -Adrien va se retrouver seul !

    Aude rit à son tour.

    -Ah oui, tu as raison !

    Les deux amies éclatèrent de rire et sortirent de la pièce pour aller rejoindre les deux jeunes adultes qui attendaient déjà devant la porte du château, de lourds sacs à la main. Erysiane fronça un peu des sourcils, retroussant son joli nez.

    -Vous en avez mis du temps ! C'est lourd ces trucs !

    Aude rit légèrement puis tira timidement la langue.

    -Désolée ! Allez, on y va !

    Adrien renifla l'air et ses yeux commencèrent à pétiller. 

    -Eh, mais c'est des cookies que je sens !

    Aude rougit, toujours aussi sensible au charme du garçon.

    -Hum.. Oui, j'en ai préparé quelques uns.. et..

    Adrien la coupa, son immense et adorable sourire se dessinant sur son visage.

    -Génial ! Tu es vraiment super, Aude !

    La petite brune devint écarlate, ce qui fit rire les deux jeunes filles. Adrien se retourna et se mit en marche avec motivation.

    -Allez ! En route, mesdemoiselles !

    Et les trois filles le suivirent à travers le village. Erysiane ne prêta pas attention aux regards jaloux ou admiratifs des jeunes villageoises et à ceux amoureux et envieux des garçons. Lisandre elle aussi enviait la belle, elle aurait aimé être comme elle, aimée et admirée par tous. Les regards sur Erysiane se transformaient en se posant sur elle, devenant méfiants ou hautains. Lisandre baissa les yeux. Aude lança un de ses rares regards noirs aux villageois et passa un bras derrière le dos de Lisandre pour poser sa main sur son bras et l'attirer légèrement contre elle, comme pour la protéger. Elle approche ses lèvres pâles près de l'oreille de la Princesse et chuchota.

    -Ne les regarde pas. Ils n'en valent pas la peine.

    Lisandre acquiesça et baissa la tête, continuant de marcher, la mine triste. Adrien tourna la tête vers la petite adolescente et remarqua son air affligé. Il sourit et lança à voix haute, criant presque.

    -C'est qui la meilleure ?

    Erysiane et Aude relevèrent la tête et sourient à leur tour, scandant en coeur.

    -C'est Lisandre !

    Lisandre sourit, une petite larme de joie perlant au coin de son oeil bicolore. Ses trois amis continuèrent de balancer la même question-réponse à travers le village, sous les yeux blasés des passants. Ils s'en fichaient, ils étaient libres et heureux. 


    Quelques heures plus tard, la cabane était presque prête. Les quatre jeunes étaient affalés autour d'un arbre dans la forêt, à côté de leur construction assez grande pour les accueillir eux et les deux autres pièces masculines de la bande. Ils riaient, Adrien et Erysiane partageant une bouteille d'alcool (de la bière sans doute), Aude et Lisandre préférant de la simple eau. 
    Alors qu'Adrien et Aude étaient assoupis et qu'Erysiane s'était un peu éloignée pour allumer une cigarette, Lisandre entendit un bruit au loin, semblable à un gros craquement de branches. Erysiane était partie dans la direction opposée, était-ce un animal ? Dans ce cas, vu le bruit, un sanglier ou un ours.. Une goutte de sueur froide coula le long de la joue de la Princesse. Elle était une bonne chasseuse et avait déjà affronté des oiseaux, des petites bêtes mais son frère lui avait toujours dit de se méfier des grosses pièces plus dangereuses, comme justement les sangliers et les ours, mais aussi les loups, excepté les loups mélorhiens, bien qu'ils soient rares. La Princesse commença à s'éloigner, puis perdit finalement ses amis et la cabane de vue. Elle hésita à faire demi-tour pour les retrouver mais les bruits se rapprochaient et Lisandre était de nature très curieuse. Alors qu'elle s'enfonçait toujours plus dans la forêt, elle entendit quelque chose, comme si un objet ou une personne était tombé par terre. Elle s'approcha très prudemment de la source de ces sons peu rassurants et se sentit soulagée en voyant une personne, sans doute de son âge vu sa petite taille, recouverte d'une longue cape noire bleutée, affalée par terre. Elle s'en approcha.

    -Je.. Je peux vous aider ? dit-elle.

    L'inconnu(e) émit un petit son de surprise avant de se relever d'un coup et d'aller se cacher derrière un arbre, le corps tremblant. Lisandre leva un sourcil, pourquoi une telle réaction ? 

    -Ne.. ne m'approchez pas.., commença l'apeuré(e), qui êtes-vous.. ?

    -Vous d'abord. Vous n'êtes pas d'ici ?

    La personne encapuchonnée sortit un peu de sa cachette. Lisandre ne put voir son son visage, celui-ci étant caché. Cependant, sa voix aigüe et claire indiquait qu'il s'agissant d'une jeune fille. 

    -Non.. Je..

    -Calmez-vous et dites-moi votre nom. Je ne vous ferai pas de mal, promis.

    La petite Princesse paraissait rassurante, son timbre de voix était doux. La jeune fille en face d'elle se détendit un peu.

    -Je m'appelle Lisey. Je suis la Princesse d'un royaume secret.

    -Un royaume ? Secret ? Une Princesse ? Ca alors !

    -Pardon ? demanda la soi-disante Princesse qui avait désormais un prénom.

    Lisandre sourit.

    -Je suis moi-même une Princesse ! Celle de ce royaume !

    Les lèvres de Lisey s'entrouvrirent légèrement de surprise.

    -Mais alors.. vous êtes..

    -Lisandre, dit-elle en s'inclinant, seconde héritière du trône de Mélorah !

    Sa voix était désormais fière, tout comme son sourire. Et alors qu'elle se redressait, Lisey se jeta vers elle, prenant ses mains dans les siennes, sa capuche tombant en arrière au passage. Lisandre put voir le visage de la Princesse, qu'elle trouva ravissant. Lisey avait de beaux yeux marrons dans lesquels brillaient une étrange lueur et de longs cheveux bouclés et bruns tombant en cascade sur ses épaules. Quelques mèches étaient gracieusement coincées derrière ses oreilles légèrement pointues (bien que ses yeux ne soient pas verts) où étaient accrochées de magnifiques petites boucles d'oreilles en verre, ressemblant à du cristal. Sa peau était plutôt pâle, mais ses petites lèvres roses la rendait adorable, tout comme son minuscule nez tout rond. Sa bouche entrouverte, Lisandre put apercevoir de petites canines, pourtant la jeune fille ne possédaient d'yeux rouges..
    Elle fut surprise de la réaction de Lisey. Cette dernière la regardait avec curiosité et, bizarrement, elle y vit une pointe de soulagement. 

    -Alors c'est bien toi Lise !

    L'esprit de Lisandre s'embrouilla, seuls ses proches l'appelaient par son surnom, or elle n'avait jamais vu cette fille. Sous son regard ébahi, Lisey la prit dans ses bras en riant.

    -Je t'ai enfin trouvée ! Je suis tellement heureuse de te voir enfin !!

    Agacée de ne rien comprendre et du comportement de la brune, Lisandre posa ses mains sur les épaules de Lisey et la poussa doucement mais fermement. Elle la regarda avec un regard quelque peu sévère, ses sourcils légèrement froncés.

    -Ecoutez, je ne sais pas qui vous êtes mais je ne crois pas vous connaître.

    Son interlocutrice se calma et se racla gorge, s'éloignant de Lisandre. 

    -Hum.. tu as raison, je te dois des explications. 

    Elle scruta les yeux de la jeune fille aux cheveux roses et plissa un peu le regard, comme si elle se rappelait de quelque chose. 

    -Tes yeux me prouvent bien que tu es la personne que je recherche.. Laisse moi t'éclairer sur ce sujet.

    Lisandre s'assit par terre, prête à écouter Lisey qui l'imita, s'asseyant en face d'elle, l'air sérieux.

    -Bon, pour commencer.. Je suis.. ta "cousine éloignée".

    Elle vit la surprise s'installer dans le regard de la Princesse. Celle-ci allait répliquer mais la brune l'en empêcha en la coupant.

    -Je sais, c'est difficile à croire, mais je t'assure que nous avons d'infimes liens de parenté. 

    Lisandre n'y croyait pas. Comment pouvait-elle avoir une cousine éloignée ? Ses parents n'étaient pas au courant ? 

    -Ecoute, laisse-moi parler jusqu'au bout et tu pourras poser autant de questions que tu veux à la fin. Je te préviens, c'est une histoire plutôt compliquée et.. tu n'y croiras peut-être pas au début..

    La Princesse hocha la tête, tandis que Lisey prit une inspiration.

    -Je viens, comme je te l'ai dit, d'un royaume secret appelé Levalall. C'est un immense pays dont je suis la Princesse. Mais.. Une guerre approche, contre notre plus grand ennemi, le royaume de Leganall. Et nous avons besoin de toi ! Tu es la seule à pouvoir reprendre mon trône ! Tes yeux le prouvent. Bientôt, tu seras comme moi !

    Sur ces mots, elle porta ses mains à ses yeux et retira ses lentilles de contact marrons. Lisandre crut halluciner quand elle vit que les yeux de Lisey étaient.. comment dire.. multicolores. Ses pupilles étaient coupées en part qui possédaient chacune une couleur. Bleu, rose, orange, vert, noir, gris, rouge et jaune. Les huit couleurs ; les huit natures. Mage, Fée, Devin et Prêtre, Elfe, humain, Fée-Fantôme, Vampire et Mage-Dragon. La jeune Princesse ne comprenait pas.. Il était impossible de posséder toutes la natures existantes. Mais.. et si ses yeux de trois couleurs n'étaient qu'un début ? Deviendrait-elle vraiment "comme Lisey" ? Non.. Les gens la regarderait avec des regards de dégoût, d'horreur.. Elle ne pourrait pas le supporter ! Des centaines de questions se bousculaient dans sa tête. Mais la plus probable était : pourquoi ? Pourquoi elle ? Elle secoua légèrement la tête et regarda son interlocutrice.

    -Attends ! Pourquoi devrais-je être à la tête de ton royaume ? Vous n'avez pas besoin de moi pour faire la guerre ! Pourquoi tu ne t'en occupe pas ?

    -Je ne peux pas te le dire.., répondit Lisey en baissant tristement la tête.

    -Je suis désolée, dit Lisandre en croisant les bras, je ne peux pas accepter une telle chose sans raison valable.

    -Mais Lise ! C'est..

    -Dis-moi pourquoi. Et d'ailleurs, pourquoi devrais-je te croire ? Juste parce que tu possèdes les huit natures de Mélorah ?

    Fronçant les sourcils, Lisey tendit sa main où Lisandre vit une chevalière dorée où étaient inscrits un étrange emblème et les huit couleurs. 

    -C'est le symbole de mon royaume. 

    L'adolescente observa le bijou encore un moment puis releva la tête vers sa propriétaire. Son regard semblait suppliant.. Lisandre soupira. Pourquoi mentirait-elle ? Comment pouvait-on inventer un aussi gros mensonge. La Princesse devait se rendre à l'évidence. Ce bleu, cet orange et ce brun dans ses yeux.. Ils étaient les mêmes que les siens. Un bleu pareil à celui du ciel, un orange crépusculaire et un brun simple mais intense. 

    -Je ne peux pas accepter comme ça.., dit-elle enfin. Nous devrions en parler avec mes parents.

    -Bien sûr, répondit Lisey en hochant la tête. Encore une chose : j'aimerai que, pour l'instant, mon identité soit gardée secrète. Si quelqu'un te demande qui je suis, dis-leur que je suis simplement ta cousine venue de l'autre bout de Mélorah. Je ne tiens pas à ce qu'on fourre le nez dans les affaires de mon royaume. Ca risque d'engendrer des problèmes.

    Lisandre acquiesça et se releva. Elle réfléchissait, jusqu'à en avoir mal au crâne. Des voix la firent sortir de sa torpeur.

    -Lisandre ! Tu es enfin là ! cria Erysiane.

    -On t'a cherchée partout ! ajouta Adrien en prenant d'un coup la jeune fille dans ses bras.

    -Tu nous as fait peur.., finit Aude.

    Lisandre se retint de rire. Adrien la serrait trop fort, Aude était verte de jalousie malgré elle et Erysiane la regardait sévèrement. Elle s'écarta et les observa en souriant.

    -Tout va bien, j'ai simplement voulu faire un tour et..

    -C'est qui ? la coupa Adrien en pointant Lisey du doigt avec un regard curieux.

    La Princesse se tourna vers sa cousine qui recula d'un petit pas, intimidée. Elle lui sourit et lui tendit une main qu'elle accepta.

    -Je vous présente Lisey. Elle vient de l'autre bout de Mélorah et.. je viens d'apprendre qu'il s'agit de ma cousine éloignée.

    Lisandre vit les trois regards interloqués sur elle et Lisey. Adrien s'approcha de cette dernière et la prit dans ses bras, la soulevant.

    -Je suis tellement heureux de te rencontrer ! Vraiment ! Je suis ravi ! Je m'appelle Adrien, le garde du corps de Lisandre.

    L'interpellée rit, tandis que sa cousine devenait rose crevette suite au geste familier et amical du brun. Celui-ci et la reposa et sa main fut vite serrer affectueusement par Erysiane qui souriait.

    -Enchantée de te rencontrer, dit la belle, je suis Erysiane.

    -Hum.. Enchantée également, répondit timidement la petite brune. 

    Les deux doyens de la bande s'écartèrent et Aude s'avança vers Lisey puis s'inclina légèrement devant elle. Lisey l'imita, un petit sourire poli aux lèvres.

    -Aude Silbery, ravie de te connaître.

    -Moi également.

    Les deux allaient peut-être très bien s'entendre, pensa Lisandre en voyant les deux jeunes filles en aussi bons termes. Adrien était plus grosse guimauve que poli et courtois. Il adorait les câlins et Lisandre était sa petite protégée depuis qu'ils se connaissaient. Erysiane était sa meilleure amie et il adorait Aude aussi, bien qu'il ne connaisse pas les sentiments de la servante. Les cinq adolescents discutèrent un peu ensemble et firent visiter la capitale à Lisey. Elle trouva la ville magnifique. Il est vrai que Walandriah était considérée comme l'une des plus belles cités au monde. Avec son château au toit de verre, sa cathédrale aux cloches d'or, son conservatoire éblouissant, sa taverne iconique et son style médiéval ravissant, la curiosité attirait bon nombre de touristes chaque année. Y compris durant les festivals : le Bal de Noël, le Festival des Etoiles, la Fête Florale, ... C'était une ville pleine de charmes et de vie (si l'on oublie le cimetière tristement célèbre) que de personnes n'appréciait pas. 
    Quand ils se rendirent compte que le soleil se couchait, le petit groupe rentra chez eux. Lisandre, Lisey et Aude retournèrent au château. Aude devait préparer le repas de ce soir avec l'aide de Brutus, le chef cuisinier et Lisandre devait présenter Lisey à ses parents et lui donner une chambre pour séjourner. La Princesse aux cheveux roses se demandait quelle réaction pourrait bien avoir ses parents en apprenant que leur fille avait une cousine. Ils seraient sûrement heureux, de la famille en plus, c'est toujours bon à savoir ! 


    CHAPITRE 5 :

    Lisey avait connaissance avec Grace et Tristan qui ont été très surpris de l'existence de la cousine éloignée de leur fille. Basil n'avait pas d'enfant et Grace n'avait aucun parent proche autre que ses parents. Mais ils avaient beaucoup apprécié la jeune fille qui se montrait très enjouée de découvrir ce fabuleux royaume. 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


    votre commentaire
  • CHAPITRE 1 : Le magicien ennuyé

    C'est une journée comme les autres, toujours aussi ennuyante.  Même si il fait beau, comme d'habitude, que tout le monde est de bonne humeur et que tout va bien, il ne passe rien. Je m'ennuie à mort, tant le travail qu'on me donne est insignifiant. Soudain, ma belle soeur rentre dans la pièce avec une pile de livres à la main.

    - Bonjour Basil, dit-elle en posant les livres sur ma table de travail, voilà les derniers rapports faits par Adrien.

    Adrien est un adolescent, de l'âge de mon neveu Terrence, passionné par les créatures. Il passe son temps à chercher des monstres et à en faire des rapports pour réaliser son rêve : écrire un énorme livre sur des monstres et des créatures que personne n'a encore jamais vu. Il passe beaucoup de temps avec moi pour me parler de ses découvertes tandis que je lui parle en gros détails de ma passion à moi : les dragons. 
    Je regarde Grace, ma belle-soeur et me lève jusqu'à la pile de livres.

    -Il a encore fait du bon travail à ce que je vois, dis-je.

    -Aude dit qu'il y a passé la nuit !

    Aude est une amie d'Adrien qui a l'air de beaucoup lui plaire. C'est une fille adorable mais trop timide. 

    -Bonne chance, me lance Grace en sortant de la pièce. 

    Pendant plusieurs heures, j'analyse les rapports d'Adrien, qui sont toujours aussi intéressants. Pourtant, je m'ennuie toujours autant.
    Alors que j'allais terminer le dernier rapport, mon frère, Tristan, fait son apparition. 

    -Ca travaille ?

    -Je viens de terminer les rapports d'Adrien.

    -Je venais te prévenir que la réunion va commencer ; on attend plus que toi.

    -Laisse-moi deux secondes pour ranger ça.

    Je prends alors les rapports d'Adrien que je range dans les étagères que j'ai aménagées spécialement pour eux. Puis je réfléchis et me tourne vers mon frère.

    -Tristan, est-ce que...

    Mais il me coupe.

    -Tu sais bien que c'est impossible.

    Il s'avance vers moi et me prends par les épaules.

    -Je sais que tu veux partir, que tu veux faire quelque chose mais... dis-toi que tu n'es pas un guerrier et que sortir du pays est bien trop dangereux... Je suis désolé, Basil..

    Il me lâche et s'en va, tandis que je reste planté au milieu de la pièce à me lamenter intérieurement sur mon sort. Je descends finalement au rez-de-chaussée pour rejoindre les participants de la réunion. Le sujet abordé est à mourir d'ennui : le traité de paix avec l'Italie. L'Italie et Mélorah, bien qu'ils ne se soient jamais faits la guerre, sont en mauvaises relations et le Roi, mon frère, voudrait remédier à cela en signant un pacte d'amitié avec ce pays. Certains ne sont pas d'accord, d'autres le sont.

    -Nous ne connaissons pas encore assez bien le Seigneur italien pour pouvoir lui faire confiance ! proteste le Duc d'Archange.

    -Un traité de paix est sacré ! lance le Duc de Dragologia.

    -Comment peut-on apprendre à les connaître dans ce cas ? demande Grace.

    -Le Roi d'Italie a un fils qui n'est pas encore majeur. Pourquoi ne pas l'unir à votre fille ? propose Seran, le conseiller de la Cour et père de Grace.

    Suite à ces paroles, Tristan cracha le peu de vin qu'il buvait puis se racle la gorge.

    -Eh bien... Je ne suis pas sûr que Lisandre soit consentante.

    -Qu'importe ! intervient le Duc de Dragologia, c'est une Princesse et votre fille, elle n'a pas le choix !

    -Lui faire épouser quelqu'un qu'elle ne connaît pas est une insulte envers elle !

    -C'est pour le bien du peuple !

    S'ensuivit alors une bagarre de réflexions et d'arguments que personne ne puis arrêter. Enfin, si : Grace.

    -IL SUFFIT ! hurle-t-elle.

    Tous les invités se figent et se rassoient.

    -Il vaudrait mieux en parler avec l'intéressée. Je discuterais avec Lisandre plus tard. Merci à tous.

    Elle quitte la salle, le pas déterminé et précis.

     

    La réunion ne s'était finalement pas trop mal passée mais le sujet était vraiment... nul. C'est le mot. Quand je pense à cette pauvre petite Lisandre, je me dis que je ne devrais pas me plaindre ! Mais bon, chacun ses problèmes. 

     

    CHAPITRE 2 : Lauren

    Lorsque vient le moment du dîner, je remarque que la petite princesse ne se présente pas à l'heure. Grace n'avait pas l'air dans son assiette. Je devine bien ce qu'il s'est passé cet après-midi : Grace est allée parler à sa fille du mariage. J'avais entendu quelques cris mais je ne me doutais pas qu'il s'agissait de la discussion délicate des deux femmes. Nous nous asseyons et commençons à manger la soupe aux châtaignes que Brutus, le chef cuisinier, nous a préparés. Le silence est très pesant, c'est Tristan qui entame la discussion.

    -Hum... Grace, que dirais-tu d'inviter Elisif pour le Festival des Rêves ?

    Elisif est la haute-reine de Bordeciel, le pays voisin du nôtre et plus grande amie. Le Festival des Rêves, quant à lui, est une fête annuelle où les étoiles filantes sont visibles ainsi que les planètes. 

    -Pourquoi pas, répond la reine, mais tu sais bien qu'Elisif est très occupée. Elle n'est quasiment jamais libre. 

    Tristan ne dit rien après la dernière phrase de sa femme. Le reste du dîner fut incroyablement ennuyeux, personne ne parlait. Je peux enfin m'échapper de cet enfer silencieux et remonter dans mon laboratoire. Je passe une bonne partie de la nuit à lire des récits sur les Dragons. 
    Au petit matin, c'est Terrence, le frère de Lisandre qui accourt dans mon bureau pour me réveiller.

    -Mes parents ont reçu la visite de quelqu'un ! m'annonce-t-il, ils souhaitent que tu sois présent.

    -J'arrive tout de suite, répondé-je. 

    Je me lève et suit le jeune garçon. Je me demande qui pourrait être le soi-disant visiteur dont parlait Terrence. Peut-être est-ce un voyageur venu de contrées lointaines et inconnues ? Un autre magicien plus puissant ? Peut-être même serait-ce une belle jeune femme perdue en quête de logement ?
    Hélas, ce n'est qu'un villageois venu demander une insignifiante requête aux souverains. Je ne comprends même pas pourquoi le Prince a demandé à ce que je sois présent... C'était plutôt inutile. Je remonte alors les escaliers pour retourner à mon laboratoire quand quelqu'un me saute dessus.

    -Mon oncle ! Mon oncle ! J'ai quelque chose à te montrer !

    Je me retourne et voit l'adorable visage de ma nièce Lisandre, Princesse de Mélorah. Elle est vraiment mignonne avec ses longs cheveux roses pâle, ses étranges yeux bleu/orange et brun. C'est une fille de treize ans assez turbulente mais très gentille. Je lui souris.

    -Qu'est-ce que tu veux me montrer, Lise ?

    Elle sourit à son tour et exécute un tour de magie : une Fée-Fantôme apparaît dans le creux de sa main. Celle-ci fait un tour sur elle-même puis une révérence. Je ris suite à la prestation de ma nièce.

    -C'est très bien, lui dis-je, tu te débrouilles vraiment en magie.

    -C'est parce que c'est toi qui me l'a enseignée ! répond-elle.

    Je suis un peu flatté de sa remarque. Il est vrai que j'ai appris la magie à Terrence et Lisandre. Depuis, la petite Princesse peut passer ses journées à créer toutes sortes de choses : des fleurs, des Fées-Fantômes, de la nourriture, des armes et même des vêtements.
    Cependant, la petite est de nature Devineresse et Prêtresse, tout comme son père. Tristan pouvait avoir des visions, mais des visions très lointaines du futur. En fait, ce sont plutôt des prédictions. Il y a presque vingt ans, lorsqu'il a rencontré Grace, il a été le premier à entrevoir la fin du monde. Et la petite Lisandre avait très (trop) régulièrement des visions qui sont appelées "fragments" car ce ne sont que de petites parties de visions du passé, du présent et du futur. La plupart de ces fragments étaient effrayants et, d'après Lisandre, insupportables. Ils représentaient le plus souvent la mort, le chaos et les ténèbres... J'ai longuement essayé de lui créer différents remèdes mais rien n'y fait... Les pouvoirs de Lisandre sont bien trop puissants pour moi.
    Les deux jours suivant sont trop calmes et, pour moi, lorsque le monde semble trop calme, c'est que quelque chose se prépare...!

    Décidément, je suis sans doute un Devin, moi aussi ! Car en effet, deux jours plus tard, Marco, le chef de la garde royale, me presse de descendre : une personne encapuchonnée est mystérieusement arrivée à Walandriah. Grace et Tristan attendent de la recevoir. Au moins, il ne s'agira pas d'un vulgaire paysan ! Enfin, j'espère...
    J'arrive dans la salle du trône où la famille royale ainsi que la Cour est déjà installée. Roman, le fils de Marco, aide la mystérieuse personne à marcher jusqu'au milieu de la salle. Tristan prend la parole.

    -Otez votre capuche, je vous prie.

    L'inconnu emmena difficilement ses mains jusqu'à sa capuche qu'il retira. L'instant qui suivit, j'eus le souffle coupé et le coeur qui cessa de battre. L'inconnu en question est une jeune femme, comment dire... sublime. Sa beauté est incomparable, elle est juste magnifique. Ses longs cheveux bruns reluisent la lumière du soleil et ses yeux verts émeraude ont d'étranges reflets dorés qui mettent en valeur sa beauté. C'est sans doute la plus belle femme que j'ai vu jusqu'à ce jour. Même Grace peut aller se rhabiller !

    -Vous êtes ? demande cette dernière.

    -Mon nom est Lauren, répond la belle qui a désormais un prénom, je suis enchantée de faire votre connaissance.

    Grace sourit.

    -C'est un plaisir d’accueillir de nouvelles personnes à Walandriah mais... que faites-vous ici ?

    Le visage de Lauren s'attrista.

    -Eh bien... Pour tout vous dire, ma Reine... Je ne sais pas où je me trouve.

    Quelques sons de surprise retentissent dans la grande salle. Moi-même, je suis étonné. D'où vient cet ange ?

    -Que voulez-vous dire ? demande Tristan.

    -Je vis... ailleurs... Et quand je me suis réveillée, j'étais près de cette ville. Je vous en supplie, aidez-moi !

    La pauvre semble totalement perdue et paniquée. J'ai de la peine pour elle.

    -Vous pouvez bien rester un moment à Walandriah le temps que nous comprenions ce qui vous arrive, dit le Roi en se levant.

    -Vous aurez droit à une chambre, vous ne m'avez pas l'air d'une simple vagabonde.

    Lauren tente alors de se courber pour faire une révérence mais elle lâche un soudain cri de douleur et s'effondre sur le sol. Je me précipite vers elle ainsi que les souverains. Elle s'est évanouie et a une entaille profonde sur le bras gauche. Elle a du perdre beaucoup de sang. Catherine, le médecin de la Cour et mère de Roman, fait irruption dans la salle et nous repousse.

    -Poussez-vous ! dit-elle, laissez-la respirer !

    Catherine est sans doute la seule personne assez courageuse que je connaisse pour oser contredire Grace et Tristan. Moi-même, qui fait partie de leur famille, préfère ne pas leur manquer de respect. Mais Catherine, c'est Catherine....
    Avec l'aide de mon frère et de mon neveu, la jeune Lauren est emmenée à l'infirmerie où travaille habituellement le médecin.

    Quelques heures plus tard, j'arrête de tourner en rond en réfléchissant pour me rendre à l'infirmerie et voir si la dénommée Lauren va mieux. Je traverse les couloirs et pousse la porte de la salle du médecin. Celle-ci est en pleine écriture d'un diagnostic. Je m'approche d'elle.

    -Alors ? demandé-je.

    -Elle a perdu pas mal de sang, répond-elle sans lever la tête, je vais avoir un atelier couture avec anesthésiant quand la plaie sera totalement désinfectée et normalement, ça devrait aller.

    Je frissonne à l'idée de savoir que la blessure est si grave qu'elle doit être recousue mais je ne m'inquiète pas : Catherine est un excellent médecin. Je m'assois ensuite à côté du lit où se trouve Lauren et l'observe en silence. Je peux à peine détacher mes yeux d'elle tant elle est belle. Elle paraît si calme, si apaisée lorsqu'elle dort.

    -Je dois aller en ville, dit le médecin en sortant de la pièce, tu veux bien la veiller ?

    Je fais oui de la tête et regarde la blonde partir.
    Je reste avec Lauren plusieurs heures, jusqu'à la tombée de la nuit. Catherine n'est toujours pas revenue et je commence à fatiguer. Alors que ma tête pend dans le vide et que mes yeux sont clos, une main délicate se pose sur mon épaule.

    -Est-ce que tout va bien ?

    Cette voix... Serait-ce celle d'un ange ? Ou d'une fée ? Peut-être même d'une déesse... Elle est si douce, si harmonieuse et si apaisante que tout mon corps se détend. J'ouvre les yeux et relève la tête pour voir en face de moi le beau visage de Lauren. Je me redresse et fais comme s de rien n'était. Quelques minutes passent avant que la jeune femme ne prenne la parole en se frottant les yeux.

    -Depuis quand êtes-vous ici ?

    Sa question m'étonne un peu mais je m'empresse de lui répondre.

    -Hum... Je ne sais pas trop, un moment déjà.

    -Oh... Vous devez être lessivé !

    -Non, ça va, vous semblez plus fatiguée que moi.

    Elle a l'air si gentille et affectueuse. J'observe un peu sa blessure enroulée dans un interminable bandage de lin tâché de sang. Lauren lâche un petit et court cri de douleur lorsqu'elle tente de bouger son bras. Je pose ma main sur ce dernier, très doucement pour ne pas lui faire mal. Rien que ma peau sur la sienne me hérisse les poils.

    -Vous ne devriez pas bouger, lui dis-je, vous n'auriez même du vous lever, recouchez-vous et dormez pendant que je vais chercher le médecin.

    Je lui souris passivement et elle me répond par le même sourire, mille fois plus beau. Elle se recouche, tandis que je sors de la pièce pour aller chercher Catherine. Je retrouve cette dernière dans le cimetière de Walandriah derrière le château. Les bras croisés devant la tombe de sa mère, le médecin semble neutre. Je m'approche d'elle silencieusement  et me met à côté d'elle. 


    -Lauren s'est réveillée.

    La blonde tourne la tête vers moi, ses yeux bruns un peu vides. Elle sort de ses pensées et me répond.

    -Oh, très bien. Allons-y.

    Catherine me suit à travers le jardin puis la grande salle du trône. Nous arrivons dans l'infirmerie où nous trouvons Lauren en train de lire, adossée à son lit. Lorsqu'elle nous aperçoit, elle ferme rapidement son livre et fit comme si de rien n'était. 

    -Tu n'as pas besoin de te cacher, dit Catherine en riant. 

    -Qu'est-ce que tu lis ? lui demandé-je en m'asseyant près d'elle.

    -Euh... C'est... Je l'ai trouvé sur l'étagère, je suis désolée.

    -Ne t'inquiète pas, ce n'est qu'un livre ! dit le médecin, oh mais je l'ai lu en plus !

    Je lève la tête vers Catherine et regarde la couverture de l'ouvrage que lisait Lauren. Moi aussi, je le reconnais.

    -"La Déesse aux Dragons", par Eléonore Guvet ? Je l'ai dévoré au moins trois fois !

    Le visage de Lauren s'éclaire d'un sourire.

    -Vraiment ? J'ai toujours adoré Eléonore Guvet, elle est fabuleuse ! Tu as lu "Le Trésor Indien" ?

    -Et comment !

    Je suis vraiment heureux que quelqu'un connaisse les ouvrages d'Eléonore Guvet, Catherine ne la connait que peu et les autres personnes autour de moi ne l'ont jamais lue. J'ai déjà essayé de faire lire certains de ses livres à Lisandre et Terrence, mais la jeune fille n'aime pas spécialement lire et son grand frère préfère la philosophie. Désormais, je sais que Lauren aime cette auteure aussi et j'en suis vraiment content. Catherine nous regarde d'un regard malicieux, mais je ne m'en occupe pas. Le médecin se relève.

    -Bon, remontre-moi cette plaie que je la désinfecte une nouvelle fois !

    Lauren acquiesce et retire le bandage de lin ensanglanté sur son bras. Catherine remet un produit alcoolisé sur un papier cotonneux et le pose délicatement sur la blessure de la jeune femme qui se crispa un peu. Celle-ci sourit.

    -Merci ; vraiment. 

    -C'est mon travail de soigner les blessés, répond la blonde en souriant amicalement. 

    Catherine peut être très douce quand elle le veut. Elle peut paraître autoritaire et quelque peu agressive, mais c'est une personne très gentille et serviable. 
    Elle pose ensuite un pansement sur la plaie et se lave les mains.

    -Et voilà ! Maintenant, il n'y a plus qu'à attendre que ça cicatrise !

    -Encore merci, répond Lauren. 

    Catherine sourit encore, range son matériel et nous annonce qu'elle a un rendez-vous avec un villageois malade. Lauren et moi restons seuls un moment sans rien dire quand elle rompt le silence pour me poser une question.

    -Tu m'emmènes visiter le château ?
     
     
    CHAPITRE 3 :
     
    Bien que la question de Lauren m'étonne un peu, je lui prend une main pour l'aider à se lever. 

    -Que veux-tu voir en premier ? demandé-je à Lauren.
     
    Elle réfléchit un instant, mais cela doit l'importer peu.
     
    -Le plus bel endroit selon toi ! répond-elle quelques secondes plus tard.
     
    Je lui sourit et l'entraîne d'abord dans la grande Salle du Trône, qu'elle avait déjà vue. Celle-ci, bien qu'immense, n'est pas très remplie. Elle ne contient qu'une très longue table, où mange habituellement les membres de la Cour et de la famille Royale, et où se tiennent également les banquets. Il y a bien sûr les deux grands trônes du Roi et de la Reine, qui se tiennent au bout de quelques marches. Lauren observe un moment la pièce et s'émerveille en voyant le grand lustre de cristal. Mais la Salle du Trône n'est pas le plus bel endroit que je connaisse. Je l'emmène ensuite dehors. J'ai prévu de lui faire visiter en détail le château plus tard. Nous traversons le village en courant. J'avais l'impression d'être l'homme que j'étais quand j'avais vingt ans. C'était mon époque de liberté, où tout m'était indifférent. Je faisais ce que je voulais. Puis j'ai fini par mûrir et devenir plus sérieux. Là, maintenant, j'ai l'impression de replonger dans cette époque. C'est sans doute grâce à Lauren. Je me sentais différent depuis qu'elle était arrivée.
    Nous nous élançons dans la forêt durant quelques minutes avant que je ne demande à Lauren de fermer les yeux. Elle obtempère, je lui prend une main pour la guider. Une petite minute plus tard, elle peut ouvrir les yeux. Je regarde en souriant ses paupières se lever, dévoilant ses magnifiques yeux émeraude aux reflets d'or. Je lâche un petit rire en la voyant émettre un son de surprise et d'émerveillement. Son visage s'illumine en voyant l'immense prairie qui se présente devant elle. J'avoue que moi aussi, je suis je suis impressionné rien que de penser à l'immensité et à la beauté de cet endroit. C'est une splendide prairie où toutes les espèces de fleur peuvent pousser. C'est le meilleur endroit pour faire rentrer le soleil, il y règne toujours une légère brise qui n'inspire que de la bonne humeur. Cette prairie est si grande qu'on a l'impression qu'elle est infinie. 
    Lauren fait un pas en avant, tandis que j'observe le lieu où nous nous trouvons.
     
    -C'est... merveilleux.. ! dit-elle.
     
    Je sens un mélange de joie et d'envie de pleurer dans sa voix. Serait-elle émue par la beauté du paysage ? Je m'approche d'elle, met mes mains dans mes poches et lui sourit.
     
    -Ce sont les enfants qui ont découvert ce bijou.
     
    -Les enfants ?
     
    -Quand ils étaient petits, Lisandre, Terrence et Roman, ainsi que Aude, Erysiane et Adrien nous ont dit avoir trouvé cet endroit. Ils l'ont si bien décrit qu'on a tout de suite voulu le voir. Nous n'avons jamais été aussi heureux.
     
    -"Nous" ?
     
    -La Cour Royale.
     
    Lauren hoche la tête. Le silence s'installe entre nous deux, mais nous sommes si occupés par le paysage que nous ne nous en inquiétons pas. Soudain, la jeune femme s'élance dans la prairie sous mon regard amusé. Mais je la suis, entraîné par sa joie. Nous courrons à travers ce morceau de Paradis durant un moment, avant de nous arrêter, essoufflés. Le vent fait voler les cheveux de Lauren qui scintillent à la lumière de l'éclatant soleil. Elle tourne son regard émeraude vers moi, un sourire d'ange aux lèvres.
     
    -C'est vraiment fantastique... Merci beaucoup... !
     
    Je lui souris, touché par sa bonne humeur. 
     
    -Je crois me souvenir que tu ne m'as pas dit ton nom, me fait-elle remarquer.
     
    -Oh, tu as raison, excuse-moi ! Je m'appelle Basil, je suis le frère du Roi et le Magicien de la Cour.
     
    Je lui tend une main qu'elle accepte directement. Le contact de sa main me fait frissonner et fait rosir mes joues.
     
    -Nous devrions rentrer, dis-je, Catherine va s'inquiéter si elle ne te voit pas à l'infirmerie.
     
    -Tu parles du médecin ? Elle est très gentille...
     
    -C'est ma meilleure amie.
     
    Je dis la vérité. J'ai connue Catherine quand nous sommes entrés à la Cour, lorsque Grace et Tristan sont devenus souverains. Son caractère à la fois doux et autoritaire m'avait tout de suite plu. Elle aussi est une adepte de la lecture et c'est ce qui nous a rapprochés. Ainsi que le fait que nous travaillions souvent ensemble pour créer toutes sortes de potions et de philtres. J'ai été très heureux quand j'ai appris qu'elle était enceinte de Roman, au moment où elle allait se marier. 
    Lauren et moi rentrons à Walandriah en prenant le même chemin qu'à l'aller. Les villageois regardent Lauren étrangement, ce qui la met mal à l'aise. Pour la rassurer, je m'approche de son oreille et lui chuchote : 
     
    -Ne t'en fais pas. Ils sont pareils avec Lisandre...
     
    Il est vrai que les habitants trouvaient la petite Princesse très bizarre, bien qu'ils l'apprécient. Avec ses étranges yeux et son caractère inhabituel, cette fille se démarquait de notre société trop classique. 
    Lauren se détend un peu et nous arrivons au château le coeur léger. 
    Catherine nous attend. Les bras croisés et la mine sévère, comme une mère prête à punir son enfant parce qu'il est rentré trop tard. Catherine m'avait déjà grondé, j'espère qu'elle sera tendre avec Lauren. 
     
    -Je ne peux même pas avoir confiance en mon meilleur ami..., dit-elle d'un ton sarcastique.
     
    Je baisse la tête, gêné. Lauren s'approche d'elle.
     
    -Non, c'est de ma faute. C'est moi qui lui ai demandé de m'emmener.
     
    Le médecin lève un sourcil et nous regarde à tour de rôle.
     
    -Eh bien, je ne peux pas te blâmer dans ce cas, répond-elle, son visage s'étant adouci.
     
    Lauren sourit, tandis que je la regarde, étonné qu'elle m'ait défendu face à Catherine. Celle-ci n'aimait pas qu'on lui tienne tête ou qu'on lui réponde. C'est la première fois que je la voyais aussi calme dans un tel moment. Elle m'étonnait parfois. Si on devait décrire brièvement le caractère de Catherine, ce serait impossible. Pour moi, en tout cas.
     
    -Mais je veux que tu restes à l'infirmerie pour l'instant, dit sèchement le médecin, tu es encore faible.
     
    -D'accord, répond Lauren.
     
    Elle hoche la tête, me jette un dernier regard amical et redescend dans la salle de soins en compagnie de Catherine qui me fait un clin d'oeil. Je ne comprends pas trop son geste, mais je n'y prête pas plus d'attention. Je quitte la salle du Trône pour me rendre aux écuries, sans raisons. J'y trouve Roman, le fils de Catherine. C'est un garçon que je ne connais pas beaucoup mais qui n'est pas trop froid et distant. Le soleil fait briller ses cheveux blonds. C'est le portrait craché de sa mère, avec ses yeux bruns et son visage fin. Il me remarque enfin quand je m'approche de l'un des cheveux.
     
    -Bonjour, dit-il ni froidement ni chaleureusement.
     
    Je lui répondis par un hochement de tête et regarda un moment un étalon brun en lui caressant le museau.
     
    -Tu as besoin de quelque chose ? me demanda le jeune blond.
     
    -Pas vraiment... Je ne fais que tuer le temps.
     
    Roman ne répondit pas. Je l'observais vider un seau d'eau sale et le remplir d'une eau claire et translucide. Bien que Roman soit le fils d'un médecin et que sa mère lui enseigne la médecine, il s'obstinait sans que personne ne sache pourquoi à être garçon d'écurie. Son père, Marco et le chef de la Garde Royale ainsi que le chef de l'Armée, a toujours voulu faire de lui un guerrier. Mais malheureusement, le petit blond est aussi peureux que moi. Le pauvre Roman a du mal à être maître de son destin. Mais c'est le cas de tellement de personnes ici...
     
    CHAPITRE 4 : 
     
    Lauren s'est rapidement rétablie et Catherine lui a lâché la grappe. J'ai pu lui faire visiter tranquillement la totalité du château : la salle de bal, la salle de Cristal, la bibliothèque (qui est sous ma responsabilité et qui a failli la faire baver), mon laboratoire, etc... Plus je passais de temps avec Lauren, plus je me sentais moi-même. Son regard s'adoucit au fil du temps. 
    J'ai présenté Lauren à Lisandre et Terrence, qui l'ont beaucoup appréciée. Lisandre, très taquine, ne s'était pas retenue d'une petite remarque.

    J'ai plusieurs fois tenté de demander à Lauren d'où elle vient, mais à chaque fois, elle sourit, me fait un clin d'oeil et dit en posant un doigt sur ses lèvres que c'est un secret. Je finis par abandonner mon enquête, elle n'est pas prête de cracher le morceau. Mais c'est, heureusement, l'une des rares questions à laquelle je n'ai pas de réponse. Je lui ai demandé si elle a de la famille, elle a apparemment un frère. Je sais qu'elle n'est pas mariée, elle ne porte pas d'alliance et elle m'a assuré qu'elle n'a pas d'enfants. Une jeune femme aussi belle.. C'est un cadeau de savoir qu'elle est célibataire. Peut-être.. pourrais-je tenter. Après tout, qu'est-ce que j'y perds ? Je préfère attendre un peu, il est certainement encore tôt pour penser à une telle chose. Je n'ai jamais eu de copine, de femme ou quelque chose comme ça. Mon frère m'avait pourtant toujours assuré que j'étais très mignon et que je pourrais avoir quelques jolies filles à mes pieds. Mais ça n'a jamais été le cas. J'étais un peu jaloux de Tristan. Il avait une femme, deux enfants.. Et moi, je restais célibataire, vierge. J'avais légèrement honte mais je préférais ne pas y penser trop souvent.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


    votre commentaire
  •  Prologue - Le monde de Merlin

    Le monde de Merlin est un lieu bien vaste. En fait, ce n'est pas un monde ; ce sont plusieurs mondes. En effet, cet univers parallèle est constitué de huit royaumes très différents : Camelot, gouverné par le roi Arthur et la reine Guenièvre ; Faërie, capitale de la magie, gouverné par le roi Obéron et la reine Titania ; Gormenghast, le château-labyrinthe gouverné par Lord Tombal ; l'Au-Delà qui est en fait composé de plusieurs royaumes comme le Paradis, l'Enfer, l'Olympe ou Avalon ; Narnia, le Pays du Grand Lion où règnent les deux rois (Peter et Edmund) et les deux reines (Susan et Lucie) dont le passage ne s'ouvre que pour les enfants ; Oz, un pays vraiment étrange de forme rectangulaire ; la Terre du Milieu également composé de plusieurs pays gouvernés par un souverain chacun (exceptés la Comté, Fondcomb et Fangoen) ; et enfin Tir Nan Og, le paradis des fées et des chrétiens.
    Il existe aussi quelques îles enchantées, des forêts magiques et d'autres pays, mais ces huit sont les principaux. Il faut savoir que, dans le monde de Merlin, certes la magie fait bonheur et les créatures qui habitent ici-bas sont magnifiques, mais le chaos est proche et risque d'engloutir à jamais les mondes de la magie. Dans cette histoire, le royaume concerné est Camelot. La guerre n'est pas loin et le souverain, Arthur, a besoin d'aide pour vaincre la terrible fée Morgane, son espion Mordred et son armée de milliers d'hommes. C'est pourquoi j'ai été choisie, moi, Louise Brelynton, pour accomplir cette quête aux côtés du plus sorcier de tous les temps : Merlin.

     

    Chapitre 1 - Le Grimoire

     Je m'appelle Louise, je vis à Strasbourg en France dans un modeste appartement. Je vis chez mon oncle en attendant que mes parents rentrent d’Écosse. Mon oncle est libraire et bibliothécaire, il adore son boulot. Mais ses rayons de librairie ne sont pas comme les autres. De vieilles encyclopédies, des manuels d'ancienne médecine et de... "magie"... Moi, je n'y ai jamais vraiment cru. Si mon oncle prenait plaisir et passion à vendre et prêter ce type de bouquins, alors il était fou. Ou légèrement dérangé. Je n'y faisait ni attention, ni allusion. Quand je rentre du lycée, j'entends parfois des petits vieux parler de la librairie et j'avoue que ça me fait un peu peur.
    Ce soir, mon oncle prête un livre à une jeune femme quand je rentre. Je lui souris puis elle sort du magasin toute contente. Je regarde mon oncle en souriant. Je lève un sourcil.

    - Elle est plutôt jolie, non ? je demande.

    Mon oncle rit. Il n'a jamais rencontré l'amour et j'espère qu'un jour, il trouvera enfin car pour l'instant, il est coincé dans cette librairie seul et si ça se trouve ça restera comme ça jusqu'à la fin de sa vie. Ce serait lourdement dommage. Surtout que, pour un libraire de trente piges vendant des livres un peu louches, il n'est pas trop mal.
    Il se lève de son bureau et s'approche de moi.

    -Tu es drôlement drôle, répond-il ironiquement.

    Il m'embrasse sur les deux joues et retourne à son travail. J'enlève mon manteau puis dépose mon sac. Je monte dans ma chambre quand mon oncle me rappelle :

    -Au fait, Louise ! J'ai des bouquins à livrer à Montpellier. Il va falloir que tu restes seule pendant le week-end.

    -Ça marche.

    -Reste sage et pas de folies.

    -J'ai seize ans, pas dix !

    Il rit et rassemble ses affaires pour se préparer à son voyage. Je pars faire mes devoirs. Je termine juste quand mon oncle me crie qu'il s'en va. Folle de joie d'être enfin seule, je lance la musique. Je sors la clé USB qui ne contient que les meilleures chansons que je réserve aux fêtes. Bref, des chansons que j'adore. Je me lance dans une complexe chorégraphie que j'avais apprise lorsque je faisais encore de la danse, c'est-à-dire avant mes quatorze ans quand une blessure à la jambe ne m'avait pas encore privée de ces plaisirs. Je m'arrête quand la douleur me prend. Je n'ai pas vraiment mal mais une sensation désagréable trotte du bas de ma cuisse gauche jusqu'à ma cheville. Je mets un peu d'arnica sur ma jambe et pose un petit morceau de glace dessus. J'adore l'odeur de l'arnica, je la trouve très douce et il y flotte quelque chose de familier que je ne peux définir. Je m'installe devant la télé et zappe sur toutes les chaînes. Rien ne m'intéresse mais je finis par regarder une série dont je ne connais même pas le nom. Au bout de quelques heures, je reçois un appel de mon oncle.

    -Louise ? Je viens d'arriver mais j'ai oublié un livre ! Veux-tu bien me l'envoyer par colis ?

    -Bien sûr. Donne-moi l'adresse, j'ai de quoi noter.

    Il me donne l'adresse puis je raccroche. Je me mets à la recherche du livre en question. Je ne sais pas comme il s'intitule mais je suis sûre que je vais le trouver. Je fouille dans les armoires fermées à clé dont j'ai le double, les tiroirs du bureau, la réserve mais je ne trouve rien qui ressemble à un livre que l'on devait emporter. Je m'affale sur le grand fauteuil noir de mon oncle et le fait tourner. Mon regard s'arrête soudain sur un ouvrage où un Post-it est accroché. Je saisis le livre et décroche le morceau de papier jaune où il est écrit "A emporter". Enfin ! J'examine le bouquin. Sa couverture est couverte de dessins de créatures fantastiques telles que des licornes, des fées ou encore des dragons. Il s'intitule "Le Grimoire de Merlin". Encore un gamin qui croit à la magie et qui pense avoir trouver le moyen d'invoquer les bottes de Sept Lieus ! Je prépare le carton quand je sens une irrésistible envie d'ouvrir le livre. Je trouve ça très étrange parce-que je suis la première à dire à mon oncle que la magie n'existe pas. Il me dit souvent qu'il existe un monde, un univers parallèle où elle existerait. Mais nous sommes au XXI siècle et les savants n'ont pas encore trouvé le moyen de voyager à travers le temps ou les "Univers Parallèles". Bref, pour moi, quand rien n'est sûr, rien n'existe. Pourtant, je reprends l'ouvrage et monte dans ma chambre. Installée à mon bureau, j'ouvre le livre et fais défiler les pages. Elles renferment des informations sur les créatures, héros et lieux que l'on ne voit que dans les légendes. Les classiques (dragons, Narnia, Peter Pan, ...) et les moins fréquents (Baba-Yaga, Gormenghast ou bakemono, ...). Tout cela me fascine. Et quand j'en prends conscience, je me fais peur. Mon oncle m'a raconté des centaines d'histoires farfelues et je n'y ai jamais prêté attention parce-que ça ne m'intéressait pas. Je m'arrête tout à coup sur l'histoire de Camelot. Je connais très bien la légende de ce royaume : une terre splendide et riche gouvernée par le roi Arthur et la reine Guenièvre. Entourés de ses chevaliers tels que Lancelot, Gauvain ou Perceval et de son ami Merlin l'enchanteur, Arthur, chef de la Table Ronde et possesseur de l'épée Excalibur, cherche en vain le Graal, trésor merveilleux censé donner l'immortalité à son propriétaire. Mais Camelot finit par tomber entre les mains de Morgane, l'ennemie jurée d'Arthur. Comme toutes les autres, je n'ai jamais cru à cette histoire.
    Mais soudain, une aveuglante lumière blanche sort de la double-page et m'enveloppe. Je panique et tente de hurler mais, malgré tous mes efforts, je n'arrive pas à crier. Ma gorge est comme coincée et je ne peux parler. Puis, tout devient noir.

     

    Chapitre 2 : Merlin

    Je me réveille, le grimoire à la main, dans une forêt. Je me lève puis regarde autour de moi. Rien. Personne. Je suis seule dans cet endroit mystérieux. Je marche dans une direction qui m'est inconnue, dans l'espoir de trouver quelqu'un à qui demander mon chemin. La fatigue me gagne rapidement et alors que je songe à m'effondrer sur l'herbe, j'aperçois une maison en bois sur pilotis au-dessus d'un magnifique lac. Je reprends courage et m'approche de cette étrange habitation. J'emprunte le petit pont qui mène à l'entrée puis entre sans frapper. C'est une maison tout à fait normale, assez grande pour loger quatre ou cinq personnes. J'avance prudemment dans ce qui semble un salon salle à manger quand une voix me fait sursauter :

    -Tu es enfin arrivée, Louise !

    Je pousse un grand cri de surprise. Je me retourne si rapidement que je tombe à la renverse. Me voilà assise par terre, face à un vieil homme à la longue barbe grise, appuyé sur un bâton orné d'une très jolie pierre transparente semblable à du cristal, et vêtu d'une longue robe bleue. Au premier regard, je crois que c'est le Père Noël. Mais c'est impossible ; le petit papa Noël n'existe pas. Je me relève et demande :

    -Je vous connais ?

    -Toi, non mais moi, oui, répond-il avec un petit sourire amusé.

    -Je vous demande pardon ?

    -Mais ne t'excuse pas, voyons ! Tu n'y es pour rien ! Et, par pitié, ne prends par cet air dépité !

    En effet, je fais une sale tête mais je pense qu'il y a une très bonne raison : ce papi inconnu tout droit sorti d'un film de Tim Burton dit me connaître !

    -Mais vous êtes qui ? je demande.

    -Ah oui ! Merlin, mage et conseiller de la cour du roi Arthur !

    -Vous êtes... Merlin ?

    Il hoche la tête. Je me mords les lèvres pour ne pas exploser de rire. C'est grand-père qui s'est prit un délire en Cosplay, c'est ça ? Ou une caméra cachée ? Après tout, Mathieu, mon ami adore ce genre de blagues ! Je regarde autour de moi en espérant trouver une caméra miniature dans un coin ou un truc de ce genre-là.

    -Non, ce n'est pas une blague, dit Merlin.

    Je suis sidérée. Il lit mes pensées ?

    -Tu es dans la forêt de Brocéliande, continue le sorcier, autrement dit dans le royaume de Camelot.

    -Pourquoi suis-je ici ?

    -Ce grimoire est le mien. Je l'ai écrit.

    Je regarde l'ouvrage puis le tend au mage. Il me regarde d'un air interrogateur.

    -Si vous êtes un sorcier et que vous avez écrit ce livre, prenez-le et renvoyez-moi de là d'où je viens !

    Il rit. La colère déforme mes traits.

    -Ne t'énerve pas, voyons ! Je vais t'expliquer pourquoi tu es ici.

    Il se racle la gorge.

    -Louise, tu as été choisie pour sauver le royaume des griffes de la fée Morgane.

    Cette fois, je ne me retiens pas. Mon rire résonne dans toute la maison. Je me tiens les côtes tellement cette blague est grande. Mathieu a fait fort, parce-qu'il sait très bien que je ne crois pas à ces conneries. Quand je me calme, je m'adosse à une chaise pour ne pas tomber et essuie une larme de rire qui allait couler.

    -Laissez tomber, vous êtes un très bon comédien mais nous n'avons plus besoin de vos services ! dis-je au vieil homme qui reste très sérieux.

    -Je ne plaisante pas Louise ! C'est une affaire très sérieuse, bien plus que tu l'imagines !

    -Ah oui ? Alors peut-être que les petites licornes et les dragons cracheurs de feu, ça existe ?

    -Ici, oui. Je t'en prie, écoute-moi !

    -Mais vous ne comprenez pas que ce ne sont que de folles chimères inventées par l'Homme dans le but de se faire de l'argent ? L'argent, c'est tout ce qui intéresse le monde, aujourd'hui !

    -Peut-être bien mais si tu ne veux pas m'écouter, je vais devoir te montrer.

    Soudain, la pierre de son bâton s'illumine. Je ferme les yeux car la lumière est aveuglante et trop forte pour moi. L'instant d'après, je vois un jeune garçon de mon âge. Il a toujours le bâton de Merlin dans sa main et sa robe est la même. Il a de courts cheveux blonds et des yeux de saphir. Je crois devenir folle.

    -Mais..., je commence.

    -Le pouvoir d'inverser le temps, me coupe le garçon.

    -C'est toujours vous ? Vous avez rajeuni ?

    Il fait oui de la tête encore une fois. Je n'y comprends plus rien. La jeunesse éternelle est un rêve de l'Homme depuis si longtemps ! Et lui, il est devenu si jeune en un claquement de doigts. Les histoires de mon oncle étaient-elles vraies ? Non, impossible !

    -Mais..  comment puis-je sauver Camelot ?

    -Je t'aiderai ! Et puis, tu auras toute l'aide dont tu as besoin !

    Je réfléchis.

    -Bon, OK ! Mais après, vous me renvoyez chez moi !

    -Bien sûr ! Si tu le désires !

    -Évidemment !

    -Viens avec moi ! Oh, et enfile ça.

    Il me lance un vêtement d'époque, histoire de me fondre dans la foule. C'est ma tenue de camouflage ! Le sorcier me laisse seule, le temps que je me change. J'enfile le pantalon, les bottes et les protège-bras de cuir, ainsi que la tunique blanche et noue les cordons. Merlin réapparaît puis me fait signe de la tête de le suivre. Il me fait visiter sa maison, qui comporte trois étages : le premier, où il y a le salon, la salle à manger, les cuisines et le cellier ; le second, qui contient une gigantesque bibliothèque (mon oncle pleurerait de joie en la voyant), un immense laboratoire plein de divers ingrédients et de potions fumantes, et une grande salle d'études ; et enfin le troisième qui abrite les chambres, dont la mienne. Il m'emmène ensuite sur le toit, qui est une tourelle, où trônent deux grands télescopes et un observatoire. Sa baraque est tout simplement géniale ! La visite est finie (il m'a épargné le sous-sol), il me laisse dans ma chambre où je m'affale sur le lit et m'endors, épuisée.
    Lorsque je me réveille, le soleil est en train de se coucher. J'entends soudain un gargouillement et me rappelle que je n'ai rien mangé depuis des heures. Je descends donc les deux escaliers d'acacia et fouille la cuisine du regard. Merlin est absent, j'en profite pour me servir dans un panier de beaux fruits, quand une petite voix m'interromps :

    -Hé, toi, là ! On en touche pas aux provisions de Merlin sans son autorisation !

    Je suis terrorisée, mais je ne comprends pas pourquoi quand je me retourne et vois deux petits lutins mécontents, habillés de tablier et coiffés d'une toque. L'un est plus grand que l'autre. Quel étrange personnel de maison ! Il ne manque plus que les sorcières qui viennent passer le balai tous les dimanches !

    -Excusez-moi, dis-je aux deux petits énergumènes, mais je meurs de faim !

    -Alors repose ça ! rouspète le plus grand, qui n'a pas l'air de m'apprécier.

    J'obéis, mais je ne comprends pas pourquoi. Le plus petit s'avance vers moi avec un sourire :

    -Prépare-nous quelques ingrédients et dans une demi-heure, ton plat préféré sera prêt !

    -Une demi-heure, vous dites ? Ça semble un peu rapide, non ?

    -Fais ce qu'on te dit ! renchérit le premier, on repasse dans dix minutes !

    Puis ils disparaissent. Des lutins qui cuisinent ? Quelle drôle d'invention ! Néanmoins, je meurs de faim, alors je dispose les ingrédients de MON plat : le gratin dauphinois ! Mais sur la table, le grimoire est apparu, ouvert à une page intitulée "Cuisiner avec les lutins". Différentes consignes importantes sont écrites : "Ne pas remercier les lutins", "Ne pas leur laisser d'indications" ou "Bien penser à leur laisser une écuelle de lait", ... Les consignes en tête, je fouille dans les placards pour trouver de quoi cuisiner. Quelques minutes plus tard, tous les ingrédients sont disposés, ainsi que le bol de lait frais. Je remonte dans ma chambre, l'estomac dans les talons et impatiente de goûter ce plat.
    Une bonne demi-heure après, je redescends pour voir si les lutins ont finis leur ouvrage. Je laisse échapper un cri de surprise lorsque j'aperçois dans un grand plat d'argent le plus beau et le plus appétissant de tous les gratins dauphinois que je n'ai jamais vu. L'odeur alléchante envahit toute la pièce puis toute la maison. Je m'assois sur l'une des chaises de bois et saisis la cuillère argentée. Je me sers une grosse part du plat que je laisse tomber dans une assiette en bois. J'approche la cuillère de ma bouche. Que les dieux me pardonnent de les comparer à un gratin dauphinois ! Ce plat est tout simplement renversant ! Je n'ai sans doute rien mangé d'aussi bon jusqu'à aujourd'hui !

    -Je vois que tu as fait connaissance avec mes lutins, dit Merlin en s'approchant de moi.

    Je me retourne pour le voir.

    -Oui, ils sont fantastiques !

    -Quand je n'ai pas le temps de cuisiner, je leur demande de prendre le relais. C'est très pratique lorsque j'ai des invités.

    -Vous avez d'autres choses pareilles à montrer ?

    -Bien sûr ; suis-moi.

     Il sort de la maison,  je le suis. Il m'entraîne dans la forêt où nous marchons pendant plusieurs minutes, jusqu'à ce qu'il s'arrête dans une petite clairière baignée de lumière où je découvre le plus beau spectacle imaginable : deux licornes. Une crinière blanche éclatante, des sabots d'ébène et une magnifique corne aux reflets bleus et roses. Elles étaient splendides. Je m'approche doucement pour ne pas les effrayer, en tendant la main. L'une d'elles s'approche et pose son museau contre ma main. Son poil est bien plus doux que toutes les fourrures que l'on met dans les manteaux. La deuxième bête, visiblement jalouse, pousse légèrement son semblable, puis je lui caresse la tête à mon tour. Finalement, les deux créatures se retournent et s'éloignent jusqu'à disparaître dans les bois. Merlin me fait signe de le suivre. Durant une bonne partie de la nuit, je découvre des recoins garnis de petites fées, de lutins, de petits elfes et d'autres animaux que je n'avais jamais vu. Quand il se fit très tard, nous rentrons chez lui. Si j'avais su que tous ces machins de légendes existaient réellement, j'aurai sûrement trouvé le grimoire plus tôt. Tout au fond de moi, je savais que quelque chose du même genre que ces animaux vivait vraiment quelque part. Ce que je crois maintenant, c'est que tout ça est vrai et que ce monde est génial. 

    -C'était fantastique ! dis-je à Merlin.

    -Je vois ces choses tous les jours. Je me suis dit que ça te plairait.

    -Et comment !

    Soudain, je bâille bruyamment. Cette journée m'avait fatiguée sans limites.

    -Bon, va te coucher, m'ordonne Merlin. Demain, on part pour Camelot.

    Je souris, ravie de cette nouvelle et file dans ma chambre. Je regrette tant de ne pas avoir mon portable sur moi pour prendre des photos ! Non... Il vaut mieux que ce monde reste secret pour le mien. Et puis, je pense que c'est ce que veut Merlin. C'est mieux pour tout le monde.

     

    Chapitre 3 : Camelot

     Je me réveille, un immense sourire aux lèvres. Aujourd'hui, je vais à Camelot ! La cité légendaire du roi Arthur ! La Table Ronde, les chevaliers, les robes de princesse ! J'ai si hâte. J'enfile mes bottes de cuir puis descends au rez-de-chaussée où le petit-déjeuner est déjà prêt. Il y a des croissants, des pains et un bol de thé chaud. Je mange rapidement et cherche Merlin, car je ne le vois nulle part. En jetant un coup d'oeil par la fenêtre, je le découvre assis en lotus sur l'eau du lac, en équilibre. Je me frotte les yeux pour m'assurer que je ne rêve pas mais le sorcier est bien en assis sur de l'eau. Il semble si calme, si serein, si rêveur que je le laisse à sa méditation. Afin de patienter avant le départ, je monte au deuxième étage. Même si les livres d'histoire fantastique n'ont jamais été mon classique, j'adore lire. Mon oncle le remarque bien : à Noël et à mon anniversaire, il ne m'offre que des livres. J'entre dans la gigantesque bibliothèque et traverse cette mine d'or. Que j'aimerai ramener un ou deux de ces ouvrages chez moi pour les donner à mon oncle ! Mais je ne pourrais pas expliquer d'où ils viennent. "Oh, je les ai ramenés d'un monde où les licornes et les fées existent, où je me suis gentiment faite héberger par un vieux sorcier qui flotte sur l'eau et qui prétend que je dois sauver Camelot ! Dingue, non ?". Je me vois mal dire ça à ma famille... 
    Je choisis au hasard un petit livre à la couverture dorée. En l'ouvrant, je découvre avec surprise que toutes les pages sont vierges. Je me demande bien pourquoi le magicien garde un ouvrage pareil. Peut-être est-ce une sorte de journal intime dont les écritures ne se révèlent qu'à l'aide d'un sortilège. Ce serait super comme méthode pour garder ses secrets dans mon monde. Mais soudain, alors que j'allais reposer le livre, je vois avec stupéfaction que des lettres se mettent à apparaître et à former des mots, puis des phrases. Quand tout s'arrête, je parcours rapidement du regard ce qui vient de s'écrire. Je vois les noms Camelot, Merlin, Lancelot, Guenièvre, Morgane, ... Puis au beau milieu de l'histoire, mon nom apparaît. Intriguée, je lis encore plus vite et je pousse un cri d'effroi quand j'aperçois le nom de...

    -Je vois que tu as trouvé le Livre du Destin..., dit Merlin.

    Le vieil homme ne m'a pas du tout surprise. Non. C'est juste ce que j'ai lu qui m'a retournée. Que vient faire... Peu importe. Je suis encore sous le choc.

    -Qu'est-ce que c'est que ce... livre ? demandé-je au sorcier visiblement très calme.

    -Le Livre du Destin. Il raconte l'histoire de celui qui l'ouvre.

    -C'est pour cela que les pages étaient vierges ?

    Il hoche la tête.

    -Ce que j'ai lu est donc mon destin... ? dis-je faiblement.

    -Effectivement. J'aurais dû te prévenir de ces dangers. Je regrette.

    Mais je suis sourde à ses excuses. Je me concentre beaucoup plus sur ce bouquin. Il me rappelle un manga, Death Note où l'on peut tuer une personne en écrivant son nom et son prénom dans le cahier du même nom que la série. En lisant le Livre du Destin, on peut savoir quand nous allons mourir. C'est démentiel, mais effrayant. Je repose immédiatement l'ouvrage là où je l'ai trouvé et, pour ne pas tomber sur d'autres surprises, quitte la bibliothèque. Le magicien est sur mes talons et m'interpelle :

    -Louise ! Nous y allons !

    Malgré le petit "incident", je souris. Enfin, nous partons ! Je le suis jusqu'au toit, sur une plateforme, où se trouve une incroyable machine qui ressemble entre autre à un ancêtre de l'hélicoptère et du sous-marin.

    -C'est un aerothron, explique le sorcier, il permet de se déplacer d'un endroit à l'autre en rêvant.

    -En rêvant ?! m'exclamé-je.

    C'est comme une sorte de mort imminente, dans mon monde. Ou un voyage spatio-temporel !

    -Oui ; c'est ce que j'appelle un "voyage rêveur".

    -Dingue...

    Je suis émerveillée devant cette invention ; mais Merlin me ramène vite à la réalité.

    -Allez, monte !

    -Mais vous avez dit que Camelot n'était pas loin, protesté-je, on pourrait y aller à pieds ou en cheval, non ?

    Le magicien prend place à côté de moi.

    -La fée Morgane m'a jeté un sort qui m'empêche de sortir de la forêt. Je ne peux voyager que comme ça.

    -Pourquoi ne me l'avez-vous pas dit plus tôt ?

    -Parce que tu ne m'avais rien demandé.

    Je suis légèrement énervée par la remarque de Merlin mais je n'y prête guère attention. Puis, il pousse un levier et nous nous endormons subitement. 
    En ouvrant les yeux, je suis toujours dans l'engin avec le magicien. Seul le décor a changé, je crois. Je me lève pour comprendre ce que je viens de voir : un immense château aux murs blancs éclatant, des remparts de pierre identiques et un ciel reflétant toute la beauté de ce fantastique paysage de légende. Camelot. J'y suis enfin. 

    -Bon tu viens ?

    Merlin est déjà en avance. Je regarde derrière moi. L'aerothron est comme abandonné à la lisière de la forêt de Brocéliande. 

    -Il ne risque pas d'être volé ?

    -Non, lorsqu'il est à l'arrêt, il devient invisible.

    En me retournant une seconde fois, j'observe qu'effectivement, la machine a disparue. Nous continuons de marcher jusqu'à arriver aux portes de Camelot. Le rempart doit faire trente-deux fois ma taille tant il est gigantesque. Il est gardé par deux hommes en armure rouge, la couleur des emblèmes de Camelot. En apercevant Merlin, ils sourient :

    -Messire Merlin ! s'écria celui de gauche. Où étiez-vous passé depuis tout ce temps ? 

    Merlin s'avance vers eux.

    -Beaucoup d'expériences à faire et... 

    Il se tourne vers moi. Les gardes suivent son regard. Je les sens tous peser sur moi. Est-ce que le monde entier sait que je suis là pour sauver le royaume ? Comme une prophétie ? Non, impossible. Louise Brelynton n'a jamais existé dans quelque réplique quelle  qu'elle soit de l'histoire de Camelot. Les deux soldats ne doivent rien comprendre à ce que dit Merlin. L'homme de gauche se penche vers lui pour murmurer quelque chose que je ne comprends pas, ce qui m'agace. Je n'ai jamais supporté les messes basses. En primaire, une fille du nom de Candice Moraux chuchotait toujours dans mon dos avec ses "amies" et ça m'énervait tellement qu'un jour, je lui écrasé le pied et elle a hurlé de douleur. Ensuite, je lui ai dit : "c'est beaucoup plus simple de t'entendre quand tu pousses sur ta voix". Elle n'a plus jamais chuchoté. Mais il était hors de question que je frappe des gardes. Ce serait signer mon arrêt de mort. Merlin leur répondit un vague "oui". Les soldats me regardent à nouveau, se remettent à leur place puis ouvrent les portes blanches. Elles font place à un joli village où les maisons sont à colombages, où les enfants jouent encore entre eux à se courir après (dans mon monde, c'est presque impossible d'en voir de nos jours), où les femmes étendent du linge et surveillent les enfant, et où les hommes travaillent avec acharnement le bois, la terre, le métal ou le fer. Nous traversons le village en zigzaguant parmi les étals qui vendent de la nourriture, des armes, des armures, des vêtements, des bijoux etc... Puis nous passons la porte du château, toujours aussi blanche. La cour est envahie de servantes et de serviteurs avec des tissus, des seaux d'eau ou des boîtes en bois pleins les bras. Nous arrivons tant bien que mal à l'intérieur de l'édifice. Les vitres laissent difficilement passer la lumière à travers les carreaux multicolores et une statue de marbre représente un chevalier, l'épée haut la main, sur son cheval en équilibre sur ses deux pattes arrières. Les murs sont tous ornés de façon très régulière, ce qui fait que la décoration n'est pas trop lourde à voir. Arthur a dû faire appel à un décorateur d'intérieur de talent ! En tout cas, j'aime beaucoup. Merlin nous fait traverser de longs et nombreux couloirs et quand il s'arrête enfin devant une porte ( la salle du trône, je présume), j'ai mal à la racine des pieds. Marcher longtemps avec des bottes de cuir n'est pas le meilleur de garder des pieds en bonnes santé. Surtout que ce foutu mage ne m'a pas donné de chaussettes ! Bonjour ampoules et... et verrues ! Je n'ose même pas y penser, l'image dans ma tête est trop répugnante ! Mais je me reprends en main quand je vois les portes s'ouvrir. Derrière le magicien, je me tords les doigts, me ronge les ongles, me mords la lèvre ou encore, tripote mes cheveux, tout de manière machinale. Merlin s'agenouille et sourit aux souverains. Je lève les yeux vers eux. Arthur est assis à droite sur un trône aux accoudoirs d'or. Le roi a de courts cheveux blonds foncé et des yeux bleus comme l'océan. La reine Guenièvre, assise à gauche, est beaucoup plus belle que mes actrices préférées. Elle est splendide avec son teint mâte comme une Italienne, ses yeux verts comme deux émeraudes et de longs cheveux noirs comme du charbon. Le roi Arthur prend la parole pour saluer Merlin :

    -Quelle joie de te revoir, mon ami ! Comment te portes-tu ?

    Le sorcier se relève et serre la main du roi qui s'est avancé vers lui.

    -Parfaitement, Arthur, répond Merlin.

    Le souverain tourne soudainement la tête vers moi et me scrute de la tête aux pieds. Je suis figée.

    -Qui est-ce ? demande-t-il.

    Le mage se retourne et pose une main sur mon épaule.

    -Je vous présente Louise Brelynton, dit-il, ma filleul venue d'Irlande.

    Arthur s'approche encore de moi, prend ma main et l'embrasse. Je suis troublée et le rouge me monte à la tête. Si les garçons pouvaient faire ça tous les matins au lycée ! Mais évitons d'éveiller les soupçons, réagis Louise !

    -C'est un honneur, Sir, que d'être à Camelot en ce moment-même. 

    -Vous parlez fort bien, dit Guenièvre. 

    Je lui souris. La reine est adorable. Arthur s'incline puis retourne à son trône. 

    -Souhaitez-vous vivre quelques temps au château, mademoiselle ? 

    Heu... Peut-être... 

    -Euh, ce serait avec plaisir, votre Altesse, répondé-je finalement. 

    Merlin ne proteste pas. Guenièvre se lève.

    -Maxence ! appelle-t-elle.

    Sur ce, un garçon à peine plus vieux que moi s'avança dans la salle, les mains croisées dans le dos. 

    -Oui, ma Reine ? demande-il.

    -Veux-tu bien escorter cette jeune fille à l'un des appartements royaux s'il te plaît ?

    -Bien sûr, Majesté. Veuillez me suivre.

    Il m'entraîne hors de la salle, me fait retraverser le calvaire des couloirs et sors une clé puis ouvre la porte. 

    -Attendez-moi une seconde, dit-il.

    Je parcours la chambre du regard. Un grand lit à baldaquin suffisamment large pour y faire dormir quatre personnes ; une armoire de bois de chêne, une longue table en bois accompagnée de quelques modestes chaises de la même matière et une cheminée déjà fumante. Maxence rentre dans la chambre et me tend draps rouges et blancs ainsi que des peaux de loups. L'idée de dormir en compagnie de poils de bêtes tuées ne m'enchante pas vraiment mais si ça peut m'empêcher de mourir de froid... 

    -Si vous avez besoin de quoi que ce soit, demandez, dit-il avant de refermer la porte derrière lui.

    Je dépose les draps sur le lit mais je n'ai pas envie de les mettre maintenant. Je m'allonge sur le lit et goûte à la douceur des oreillers et du matelas. On dirait un futon, tellement il est doux ! Je prends le deuxième oreiller et le met sur le premier pour plus de confort. Sans m'en rendre compte, je m'endors, hypnotisée par le matelas douillet.

     

    Chapitre 4 : Mordred

    En me réveillant, rien n'a changé. Le feu crépite toujours dans la cheminée mais je ne pense pas avoir beaucoup dormi car le soleil n'a pas bougé. Comme je m'ennuie, je me lève et sors de la pièce afin de peut-être trouver Merlin ou faire un tour dans le château. Lorsque je passe dans un couloir désert, j'entends une voix un peu familière et me cache derrière le mur pour mieux entendre. Je tends l'oreille mais n'arrive pas à distinguer assez la voix pour me rappeler à qui elle appartient. Alors que j'allais sortir de ma cachette pour confirmer mes théories, quelqu'un me fonce dedans. Je me prends son menton dans le front et m'affale contre le mur, la main collée sur ma tête douloureuse. Qui est l'abruti qui...

    -Louise... ?! s'écrie la personne.

    Je rouvre les yeux et me pince dans le dos, persuadée que je rêve...
    Des yeux gris froid, des cheveux en bataille châtains, une peau rose de bébé et un visage parfaitement dessiné. Amaury, mon meilleur ami d'enfance, disparu il y a un an. Que Diable fait-il à Camelot ?!

    -A..., je commence

    Mais il me coupe en m'enveloppant dans ses bras. Il me serre si fort que j'en ai mal mais je sens dans son geste qu'il n'espérait jamais me revoir et qu'il est heureux. Je lui rends donc son étreinte puis au bout d'un moment, il me lâche. Ses yeux brillent, je sens qu'il est ému. Je ne lui en veux pas, je suis sur le point d'éclater en larmes, moi aussi.

    -Amaury, fini-je enfin.

    On se regarde encore un moment dans les yeux puis je lui demande.

    -Que fabriques-tu ici ?

    Il regarde autour de lui et me prend le bras.

    -Pas ici. Suis-moi.

    Il m'emmène jusqu'à sa chambre, pareille à la mienne, sauf que ses draps sont bleus et un mannequin tient une armure rouge ainsi qu'une épée dans un fourreau de la même couleur. Il ferme la porte à double tour. Je ne comprends pas bien son attitude. Il se retourne vers moi. C'est parti, la très longue discussion est ouverte !

    -Comment tu as fait pour te retrouver ici ? demandé-je.

    -Simple, j'ai lu un bouquin de...

    Il hésite puis pousse un soupir et avoue :

    -...De la librairie de ton oncle...

    Je suis stupéfaite. Amaury a lu le Grimoire de Merlin, lui aussi ?! J'ose à peine y croire.

    -Mais... Tu n'as pas disparu avec le grimoire ?

    -Non. Mais je n'y ai jamais fait attention. Tu l'as avec toi ?

    -Oui. Merlin l'a emporté.

    Il fronce légèrement les sourcils, comme si il avait une idée derrière la tête. Ca m'inquiète, mais j'essaie de faire comme si je n'avais rien vu. Je me lève et marche machinalement dans la pièce. 

    -Tu devrais rentrer Louise, me dit-il, ta place n'est pas ici.

    -Et toi alors ! m'exclamé-je, ça fait un an qu'on te cherche partout, on a cru que tu étais mort !

    Je me souviens très bien du jour où Amaury a disparu. C'était un matin d'automne, assez frais. Je me rendais au lycée avec mes amies Carla, Marion et Lucas (entre autre le meilleur ami d'Amaury) et quand nous sommes arrivés à l'école, nous n'avons pas trouvé Amaury. Toute la journée, il n'a pas pointé son nez une seule fois. Alors, j'ai pensé qu'il était malade, un petit rhume. Mais quand sa mère m'a appelée le soir même, complètement paniquée et des sanglots dans la voix, j'ai compris qu'Amaury n'étais pas malade : il avait disparu. Le lendemain, comme il ne revenait pas, ses parents se sont rendus au commissariat de police. J'ai subi un interrogatoire, mais ce que j'ai dit n'a pas beaucoup aidé les policiers. On a attendu quarante-huit heures, mais rien. Une semaine plus tard, la mère d'Amaury a pété les plombs et elle allée au commissariat en hurlant contre les policiers qu'ils étaient incompétents et que la France avait honte d'avoir de pareils... idiots. Son mari avait réussi à l'apaiser mais la rage se sentait dans son regard; si doux d'habitude. Finalement, personne ne l'a jamais retrouvé et ses parents, au bout de très longs mois, ont décidé que leur fils était mort. Ils sont demandés à arrêter l'enquête, puisqu'elle était close. Lucas avait trois théories : soit il s'était suicidé, soit il a quitté le pays, soit il a été enlevé puis tué. La première théorie me paraissait impossible, Amaury n'évoquait aucun signe d'envie de suicide ; la seconde aurait pu être plausible si je ne m'étais pas rappelé qu'Amaury n'a jamais su où était son passeport ; et la troisième était totalement irréel parce que 1) la dernière fois qu'on l'a vu c'est chez lui et il n'y a aucun signe d'effraction, 2) la police aurait retrouvé le corps et le meurtrier (au bout d'un an quand même, on est à Strasbourg !) et 3) Amaury était ceinture marron de karaté et ceinture orange de judo, son kidnappeur ne serait pas allé bien loin avec lui. Bref, on a tous fini par abandonné et alors que j'avais oublié Amaury, il refait surface. En fait, c'est son nom que j'ai vu dans le Livre du Destin. Ca me semblait incroyable. 

    -Je sais, continue-t-il, mais j'ai une mission ici.

    -Moi aussi !

    -Pardon ? Attends, qu'est-ce qu'on t'as dit de faire ?

    -Je dois protéger Arthur !

    Je lui dit ça les bras croisés, le regard hautain et le menton en l'air. Il est sidéré, j'ai comme l'impression que, pour lui, ce n'est pas une excellente nouvelle. 

    -Tu, commence-t-il, tu... oh bon sang...

    -Je n'aime pas ton expression, Amaury...

    -Ecoute, Louise... Je vais tout t'expliquer en détails. Mais laisse-moi parler et ne dis rien avant que j'ai terminé ; d'accord ?

    Je hoche la tête et m'assois sur le lit. Je suis impatiente d'entendre sa version de l'histoire. Il pousse un soupir puis se lance enfin.

    -J'ai emprunté le grimoire la veille de ma disparition. Le soir même, je l'ai lu et là, une lumière m'a envoyé et je me suis réveillé dans une grotte. J'ai regardé autour de moi. Il y avait une espèce de gros globe bleu au milieu qui brillait. Puis, une femme est apparue. C'était Morgane. J'ai essayé de me barrer mais elle m'en a empêché. Elle m'a expliqué d'une voix calme et douce que j'étais là pour une bonne raison. Elle m'a dit et je cite : "Arthur a tué tous ceux que j'aimais. Il m'a humiliée devant toute la Cour alors je suis partie en jurant de me venger. Aujourd'hui, tu es mon héritier et celui qui nous vengera, moi et ma famille !" Au début, j'ai cru qu'elle était folle. Mais, petit à petit, j'ai compris que cet Arthur avait détruit la vie de Morgane alors, pendant un an, je me suis entraîné. Elle m'a envoyé à Camelot où j'ai été adoubé chevalier. Puis, j'ai gagné la confiance d'Arthur. Maintenant, je vais pouvoir l'assassiner.

    Il se tait. Je ne pensais pas qu'il était aussi stupide. Je lève des yeux méchants vers lui.

    -Elle t'as fait un putain de lavage de cerveau, dis-je.

    -Qu'est-ce que tu racontes ? demande Amaury.

    -Elle t'a raconté des conneries ! Que des conneries ! Morgane ne veut se venger que parce qu' Arthur a refusé de l'épouser !

    Amaury ouvre des yeux ronds comme des soucoupes.

    -Quoi ?! Ce n'est pas ce qu'elle m'a raconté... !

    -Mais tu ne comprends pas qu'elle se sert de toi ! Tu n'es que sa marionnette ! Et quand tu en auras fini avec Arthur, elle en profitera pour te poignarder dans le dos car tu ne lui servira plus à rien ! Réveille-toi, un peu !!

    Je crois bien que j'ai semé le trouble dans l'esprit d'Amaury. Il met sa tête entre ses mains et réfléchit un moment.

    -Non ! s'écrie-t-il, tu ne sais pas ce qu'elle m'a dit ! Et elle ne pourra pas me tuer ! 

    -Pourquoi ?! Parce que tu penses qu'elle s'est "attachée" à toi ! Mais tu rêves, mon vieux ! Elle n'a aucune estime pour toi, elle n'en a rien à foutre de toi !

    -Je ne parle pas de ça ! Je sais bien qu'elle s'en fout ! Je dis juste qu'à un moment ou un autre, on devra s'entretuer tous les deux !!

    Aucun son ne peut sortir de ma bouche. J'ai trois-milles trucs qui envahissent mon cerveau. Nous entretuer ? Mais pourquoi ? Amaury a complètement débloqué ! 

    -Ca veut dire quoi, ça... ?

    -Morgane m'a parlé de Merlin. Lui aussi a un héritier. Je parie que c'est toi. Je l'ai toujours su ! 

    -Et alors... ?

    -Tu ne comprends rien, bon sang ! Morgane et Merlin sont les pires ennemis ! Et leurs deux héritiers...

    Il laisse sa phrase en suspens. J'ai très bien compris ce qu'il vient de dire. Si les deux sorciers se déclarent la guerre, nous aurons, Amaury et moi, chacun notre camp. Alors, nous n'aurons pas le choix. Je devrais tuer mon meilleur ami ou/et vice-versa.

    -Mordred..., dis-je, c'est comme ça que tu te fais appeler ici, pas vrai ?

    -Oui. Dans la légende, le chevalier Mordred, espion de la fée Morgane, tue Arthur et l'envoie à Avalon. Ici, même Morgane ne sait pas que je m'appelle Amaury, en réalité. Ecoute, ça fait très longtemps que je suis ici et j'ai pris ma décision.

    Je baisse les yeux, intimidée et, surtout, embarrassée. Si il a prit sa décision, on s'entretuera. 

    -Donc... Tu es prêt à me tuer...

    Il essaie de rattraper sa gaffe, mais je ne suis pas convaincue.

    -Non ! Je veux dire que... Mais... Oh, excuse-moi, Louise.

    Il pose ses mains sur mes épaules et tente de me regarder dans les yeux mais je refuse de le regarder. Je sais qu'il n'est pas sincère. Tout ce qui l'importe, c'est de tuer Arthur parce qu'il est obnubilé par le pouvoir de Morgane. Enfin, j'espère qu'il n'y a aucun autre rapport entre lui et la fée. Je veux dire... je ne suis pas jalouse, mais Amaury est mon meilleur ami ! Bon, il l'était... Je suppose que plus rien ne sera comme avant maintenant. Je tente quand même le coup de lui demander si... il a de l'"estime" pour Morgane. 

    -Amaury..., commencé-je en relevant les yeux vers lui, est-ce que... est-ce que tu... avec Morgane... ?

    Il écarquille soudain les yeux retire ses mains de mes épaules pour les monter jusqu'à mes joues, ce qui me fait légèrement rougir.

    -Non ! Louise, Morgane n'est pour moi qu'une sorcière qui m'a donné un objectif ! Bref, tu vois... Mais il n'y a rien ! Rien du tout !

    Tiens, c'est bizarre ; dès qu'on parle de sentiments, il a tout de suite l'air plus sincère. Mais bon, l'important, c'est qu'il dit vrai. Je crois. Mais peu m'importe. Dans notre ancien monde, Amaury est mon meilleur ami, que je connais depuis toujours. C'est le genre de mec qui me défendais contre les méchants garçons, qui m'aidait pour faire mes devoirs et qui m'emmenait toujours à l'infirmerie quand je n'allais pas bien. Mais ici, c'est différent. Ici, Amaury est Mordred. Mon pire ennemi, mon rival, ma bête noire. Et c'est un traître. Alors autant se débarrasser de lui maintenant. Je m'écarte un peu de lui et sors furtivement un surin de ma ceinture. Je sens que Mordred a un instant de préoccupation, j'en profite pour l'attaquer à la gorge. Mais je suis trop lente, ou alors lui, trop rapide. Il esquive mon coup en faisant un pas sur le côté. Il attrape mon poignet et me pousse sur le lit.
    Seulement, il trébuche et pose ses mains sur le matelas pour ne pas m'écraser. Sauf que nous sommes face contre face, nos visages à quelques centimètres à peine l'un de l'autre. Son regard translucide et froid est planté dans mes yeux verts émeraude. Sa main glisse doucement vers la mienne. Je ne sais pas pourquoi, mais ses yeux sont doux. Amoureux... Alors que, à ma connaissance, Amaury a toujours eu cette chose froide et intimidante dans ses yeux gris, même si je trouve, encore aujourd'hui, que c'est un garçon magnifique. Au collège, quand je surprenais mes copines le regarder avec des joues roses, j'avais un tic qui trahissais ma jalousie que je n'admettais pas du tout : je me mordais les lèvres et faisait nerveusement claquer les nombreux bracelets élastiques que j'avais à l'époque et que je ne porte plus maintenant. Personne ne s'en rendait compte... sauf Amaury. Lui, voyait tout. Le moindre de mes gestes, le moindre des mes mouvements de sourcils. Nous étions étrangement connectés ; je pouvais sentir son coeur battre alors qu'il pouvait être à plusieurs centaines de mètres de moi. Tous ces stupides cours de SVT et de Physiques-Chimie sur le corps humain n'étaient pas fondés. Moi, j'ai toujours pensé que connaître notre corps et celui des autres (humains comme animaux) ne nous servirait à rien. Pourquoi n'étudions-nous jamais, que ce soit en français, en philosophie ou en toute autre matière, les vrais sentiments, les vraies questions que l'on ne se pose pas assez souvent ? Je ne demande pas à faire du spiritisme, de l'occultisme ou une autre activité débile pour entrer en contact avec un autre monde et éveiller notre corps ; je veux juste que les humains (y compris les enfants) prennent conscience qu'ils vivent et pourquoi. Quand je serai écrivain (parce que je veux le devenir), j'écrirais des livres sur la raison de vivre. Mon proverbe à moi sera "Toute forme de vie naît avec un but précis, à la fois unique et très différent : mourir en ayant le sentiment d'avoir fait ce qu'il voulait.". C'est ce que je pense. Je suis née parce que je veux mourir en écrivant des livres que j'aurais aimé écrire et que je serai fière de faire lire aux gens qui partagent le même état d'esprit que moi. La musique, le chant, la danse, l'écriture, l'art, le sport, ... Dans mon monde, les Hommes tracent eux-mêmes leur vie jusqu'à la fin. Et personne ne les oblige à rien. En tout cas, personne ne les oblige à faire quelque chose qu'il n'aimerait pas et qui leur ferait regretter la vie à la mort. Pour moi, cela devrait être un crime.
    Le visage de Mordred se rapproche du mien. Je réagis en reprenant mon surin, tombé juste à côté de moi, et re-tente le coup à la gorge. Il m'attrape par le col de ma tunique, me relève et me plaque contre le mur. Il prend mes bras et les colles au mur. Je lâche un cri de douleur. Je n'ose pas me défendre, j'ai trop peur qu'il me déboîte les bras. Je ferme les yeux, mais les rouvre de surprise quand les lèvres d'Amaury se posent sur les miennes...

     

    Chapitre 5 : Morgane

    Comme si le temps s'est arrêté, notre baiser s'éternise. C'est en tout cas l'impression que j'ai eu. Ses mains se desserrent de mes poignets. Libre de mes mouvements, je passe mes mains dans ses cheveux en bataille, jusqu'à sa nuque pour l'attirer contre moi. Il pose ses doigts chauds sur mes joues et m'embrasse encore plus fort. C'est un baiser doux, calme et plein d'amour que nous partageons. Il retire ses lèvres et me regarde dans les yeux, sans s'écarter. Il pose son front contre le mien en me chuchotant un "je t'aime" qui sonne tout sauf faux. Je lui réponds par le même "je t'aime" qui le fait sourire. 
    Soudain, quelqu'un frappe à la porte et nous fait sortir d'une autre dimension où nous étions, Amaury et moi. Je reste où je suis, pendant qu'il ouvre la porte. C'est une servante qui vient lui apporter des draps propres. Il referme la porte et jette les draps sur le lit. Durant plusieurs minutes, nous ne parlons pas, nous ne faisons rien. Je romps le silence.

    -Je pense qu'il vaut mieux ne pas en parler à Merlin pour l'instant...

    -Je me tairai à propos de ça devant Morgane, réponds Mordred. 

    Je fais des ronds de bras, car il m'a fait affreusement mal quand il m'a plaquée contre le mur. Je sens tout à coup mon épaule craquer et grimace. Mordred se tourne vers moi.

    -Je t'ai fait mal... ? demande-il.

    Quel imbécile...

    -Bien sûr que tu m'as fait mal ! J'ai cru que tu allais me déboîter les épaules !

    -Comment puis-je te soigner ?

    Je lui lance un sourire légèrement provocateur.

    -Comme ça.

    J'attrape sa nuque d'une main pour l'obliger à m'embrasser. Il passe un bras autour de ma taille. En plein milieu de notre baiser, je m'écarte.

    -Tu sais où je peux trouver un cheval et une arme de chasse ? lui demandé-je.

    -L'écurie est dans la cour royale et l'armurerie est à côté du donjon, répond-il. Pourquoi ? Tu comptes aller chasser ?

    -Peut-être...

    Je lui lance un baiser de loin et sors de sa chambre, toute heureuse. Dans les couloirs, j'aperçois Merlin au loin qui discute avec Arthur et un jeune homme brun. Je n'y prête pas attention et continue de chercher les écuries et l'armurerie. J'arrive, après avoir traversé quelques autres couloirs, à trouver les écuries et tombe sur un beau cheval couleur crème. Je l'équipe avec une simple selle ; ayant déjà fait du cheval, je suis confiante. Surtout que cette bête a l'air d'un naturel calme. Je me rends ensuite à l'armurerie, à côté du donjon, comme Mordred me l'a dit, et trouve une arbalète et une épée. Je retourne ensuite vers mon cheval, monte dessus et galope directement vers la forêt. Le temps est clair, sans le moindre nuage à l'horizon. Mais la forêt est luxuriante et les arbres sont si nombreux que le soleil peine à rentrer. Je m'enfonce rapidement dans l'obscurité, sans voir un seul animal. Pourtant, en cette saison, le gibier ne se fait pas rare. Mais soudain, je vois un troupeau de lapins détaler dans ma direction. Mon cheval commence lui aussi à paniquer. Quand les petits animaux disparaissent, je continue lentement ma route. J'arrive jusqu'à une clairière où le soleil passe enfin. Tout à coup, je tombe de ma monture qui détale à toute allure en sens inverse. Génial. J'ai perdu mon cheval et... mon arbalète ! Et merde ! Heureusement, j"ai toujours mon épée qui pend à ma ceinture. Je regarde autour de moi. Je sens que je ne suis pas toute seule et qu'il y a quelqu'un pas très loin. Je sursaute quand j'entends une voix féminine face à moi :

    -Oh ! Mais qui voilà ?

    Je sors mon épée. 

    -Qui est là... ? demandé-je.

    Je suis ridicule. J'ai beau avoir une arme, je suis terrorisée.

    -Tu ne sais pas qui je suis ? Réfléchis un peu... 

    J'ai beau réfléchir, je ne vois pas. La peur me paralyse.

    -Laisse-moi te donner un indice, continue la voix, mon espion est à Camelot et Arthur se fait bêtement avoir ! Quel imbécile !

    Sa voix est haineuse, comme si elle détestait la personne dont elle parlait. Serait-ce... 

    -Vous... Vous parlez de Mordred ?

    -Bien sûr. Merlin a son élu, j'ai le mien. Il faut être au moins deux pour jouer à la guerre.

    -La guerre ? C'est ça que vous voulez ? Seriez-vous... ?

    -... Morgane. Tout à fait.

    La sorcière sort de l'ombre. Elle a beau être une sorcière, c'est une femme très belle, avec de longs cheveux noirs bouclés, un peu comme Guenièvre, et des yeux de la même couleur pleins de colère. Elle et vêtue d'une longue robe noire . Bref, c'est une sorcière. Elle ne bouge pas mais j'ai l'impression qu'elle avance tout doucement vers moi. Après quelques minutes à nous regarder en chien de faïence, je veux savoir quelles sont ses intentions.

    -Qu'est-ce que vous allez faire ? Me tuer ?

    -Oh, non, bien sûr que non ! Ce serait de la triche ! Je voulais simplement te rencontrer. Tu es l'élue de Merlin, c'est important de te connaître. Mais je suis fatiguée. Je te laisse rentrer, tu connais le chemin. Ce fut un plaisir, Louise...

    Je pourrai l'attaquer, la planter dans le dos. Mais, instinctivement, je sais qu'elle est trop forte pour moi. Je baisse les yeux et les relève l'instant d'après pour me rendre compte que la jeune femme a disparu. Sans chercher d'explications, je fais demi-tour pour rentrer à Camelot. Sur le chemin, je retrouve mon arbalète. Quelques minutes plus tard, j'entends un cri inhumain derrière moi. Quand je me retourne, je vois le cauchemar : un serpent géant me court après. J'arme mon arbalète et lui tire dessus. Mon carreau l'atteint mais ne lui fait pas grand-chose. Je lâche mon arme et cours sans réfléchir. Je slalome entre les arbres, saute par-dessus les branches, tout en regardant chaque seconde le monstre derrière moi. Mais à mon grand malheur, la bête me rattrape et sa griffe blesse mon bras gauche. Je m'effondre dans la poussière, la boue et le sang. Soudain, j'entends le serpent hurler de douleur. Je me retourne pour le voir s'écrouler par terre, une épée plantée dans le ventre. Je m'écroule par terre et j'ai juste le temps de voir un jeune homme en armure s'approcher du monstre et retirer son arme avant de m'évanouir. 

    Je me réveille avec une douleur atroce à la tête et à l'épaule. De chaque côté du lit sont assis un homme. Mordred est à ma gauche et à droite, le garçon qui a tué le serpent. Il a dû me ramener à Camelot après que je me sois évanouie. Il a des cheveux châtains ondulés, un peu comme Mordred et des yeux noisettes. Je me lève mais me fige à cause de la douleur. Mordred me prend la main et je n'ai plus mal. C'est dingue !

    -Bouge pas, me dit-il, le venin coule encore dans tes veines. Il faut que tu restes tranquille.

    -Oh... J'ai une de ces migraines... 

    Je tourne la tête vers l'autre garçon.

    -C'est vous qui m'avez sauvée ?

    -Je suis Lancelot. Je crois que ceci est à vous.

    Il pointe du doigt la table où je découvre mon arbalète. Je souris à Lancelot.

    -Alors merci, Lancelot.

    -C'est un plaisir. Bon, je dois vous laisser, j'ai des bottes à faire cirer !

    Il se lève et sors de la chambre. Je le trouve marrant ce Lancelot. Je me retourne vers Mordred qui a les yeux perdus dans le vide. 

    -Ca va ? lui demandé-je.

    -Oui, oui... C'est Merlin qui t'a soignée.

    -D'accord.

    Mordred ne dit rien, je me tais. 

    -Lancelot m'a dit que tu n'avais pas de cheval.

    -Euh... Je suis tombée et il s'est mit à courir ; je n'ai pas pu le rattraper. 

    -Il s'est passé quelque chose ?

    Je n'ai jamais menti à Amaury. Ca a toujours été notre crédo. Mais je ne peux pas lui dire que j'ai vu Morgane. Alors pour la première fois je lui ment.

    -Non. Il n'y a rien eu. Je suis juste un peu dégoûtée de ne pas avoir trouvé de gibier.

    Je suis la pire des menteuses. Pour ne pas avoir à supporter le regard de Mordred, je me lève et marche en direction de la porte. Mais je suis rattrapée par Mordred qui agrippe mon bras intact.  

    -Je peux savoir où tu vas ? me demande-t-il.

    -Je vais prendre l'air, lui répondis-je sèchement.

    -Tu es encore faible. Tu retournes te coucher et tu ne sors pas de cette pièce avant que Merlin revienne...

    L'instant d'après, le sorcier entre dans la chambre. Je regarde Mordred avec l'air de dire : "Je peux y aller maintenant ?" puis il me lâche. 

    -Mordred, dit le magicien, veux-tu bien nous laisser un moment ?

    -Bien sûr.

    Mordred sors sans rien dire d'autre. Merlin se tourne vers moi.

    -Louise ; n'aurais-tu pas vu Morgane dans la forêt ? 

    Bon sang, mais comment le sait-il ??

    -Je ne veux pas que tu t'approches de lui, réplique-t-il.

    Super. Suis-je destinée à rester seule jusqu'à la fin de ma quête dans ce monde de bizarreries ?

    -Mais...

    -Il ne devrait même pas être ici. Qui sait ce qu'il peut te tendre comme piège.

    -Il ne pourra jamais me faire de mal. C'est mon meilleur ami.

    -Dans ton ancien monde, peut-être. Mais j'ai la sensation que tu ne sais pas trop qui il est ici.

    -Je le sais très bien.

    -Et tu es prête à côtoyer un traître ? Un partisan de Morgane ?

    -Vous ne nous pousserez pas à nous entretuer.

    -C'est ce qu'on verra.

    Je n'ai pas aimé sa dernière réplique. Il claque presque rageusement la porte. Je m'effondre sur le bord du lit et commence à pleurer silencieusement. Mes larmes vont de mes yeux au sol, jusqu'à ce que Mordred rentre. Il s'assoit à côté de moi et me prend les mains, puis je pose ma tête sur son épaule. 

    -Je ne veux pas te tuer..., dis-je.

    -Personne ne tuera personne. Je te protégerai.

    J'aimerais tellement qu'il dise vrai, que ce soit aussi simple, et que ce monde arrête de tourner autour ne nous deux ! Mais pourquoi fallait-il que ça se passe comme ça ? Pourquoi parmi les sept milliards d'humains sur Terre, il fallait que ces tocards choisissent deux meilleurs amis qui finissent par tomber amoureux l'un de l'autre. Que ce soit dans les films français (qui sont, d'après moi, les meilleurs en passant par les sentiments) ou les films américains, c'est TOUJOURS sur ceux qui s'aiment que le malheur tombe ?! Peut-être que les gens que les dieux détestent le plus sont les amoureux... Eh bien qu'importe. J'aime Mordred. A moins que je sois amoureuse d'Amaury... Je ne sais plus trop où j'en suis. Mais l'important n'est-il pas d'aimer tout simplement ? Je sais que nous trouverons une solution ! Je trouverai le moyen de rentrer à Strasbourg sans avoir fait la guerre et sans nous être entretués ! Juste, si ça pouvait être un peu plus facile...
    Voyant que je pleure encore plus fort qu'avant, Mordred pose sa main derrière ma tête et la caresse plusieurs minutes pour m'apaiser. 

    -Tu me fait confiance ? me demande-t-il en baissant la tête vers moi.

    Je souris faiblement et m'approche de lui pour l'embrasser mais il pose un doigt sur mes lèvres et me dit :

    -Je serai là à minuit.

    Puis il se lève et me laisse seule dans la chambre. Je tombe en arrière sur mon lit et, malgré mes récentes larmes, je ne peux m'empêcher de sourire. Il m'aime, un peu, beaucoup... J'ai déjà été amoureuse d'autres garçons (je me souviens de Nathan, en 6ème, qui était le meilleur copain d'Amaury à cette époque et qui embrassait comme un pied ; Alexis en 4ème, qui aurait tué le moindre garçon qui se serait approché de moi ; ou Romain en 2de qui était un petit copain très classique) mais Amaury... c'est Amaury. 
    Je sens que ce soir va être important... Oh mon Dieu ! J'ai des idées dans la tête, ça y est ! Je me fiche de ce que pense Merlin. J'aime Mordred, un point, c'est tout. Je tuerais Morgane et nous rentrerons dans notre monde comme si de rien n'était. Les parents d'Amaury seront bien contents de le revoir. 
    Comme j'ai envie de visiter le château, je sors de la pièce et commence à explorer l'immense bâtiment. Je commence par la salle du trône où j'ai rencontré Arthur et Guenièvre. Je ne m'en étais pas rendue compte mais cette salle est gigantesque. Je m'approche du couple de sièges royaux. Le tissu est doux et soyeux, le bois est dur et lisse. Alors que je suis du doigt les courbes de l'accoudoir, la voix du roi se fait entendre.

    -Cela te plaît ?

    -Oui, beaucoup, répondis-je. 

    -Tu n'es pas la filleule de Merlin venue d'Irlande, pas vrai ?

    Mais c'est pas croyable ! Pourquoi tout le monde sait tout sur moi ?!
    Je me fige. Le roi s'avance de moi et plante ses yeux bleus dans les miens. Les siens ne sont pas comme ceux de Mordred? Ceux-là sont plus gris, plus froids. Tandis que ceux d'Arthur sont profonds et opaques. Sa mâchoire carrée lui donne un air sévère et ses cheveux châtains clairs parfaitement coiffés lui barrent le visage. 

    -D'où viens-tu Louise ? 

    -Voyons Sir, je ne saurai vous mentir !

    -Pourtant, c'est ce que tu es en train de faire.

    Je suis fichue ! C'est ça ? Il est bien trop coriace pour moi !

    -Arthur ! intervient la reine.

    Sauvée !
    Guenièvre tourne le dos à son mari pour me transpercer de son regard émeraude. Ses longs cheveux noirs sont coiffés en un joli chignon tressé. Son visage est doux et amical. 

    -Ce ne sont pas des manières, continue-t-elle, nous ne l'avons pas invitée pour lui faire subir un interrogatoire ! 

    Elle saisit d'un geste calme et lent l'une de mes mèches de cheveux brune. -Regardez cette jeune fille. N'est-elle pas une belle Irlandaise ?

    Le roi hoche la tête en levant discrètement les yeux au ciel. 

    -Son accent sonne français, réplique-t-il.

    Aïe ! Grillée !
    La reine se retourne vers moi, mes cheveux toujours dans ses doigts fins. Elle comprend ma détresse et dit sèchement à son époux.

    -Non. Bien sûr que non. Cette femme est une pure Irlandaise, point. 

    -Mes ancêtres ont vécus en France, dis-je pour ne pas rester muette, il est donc possible que mon accent puisse avoir une déformation française. Je m'en excuse.

    Arthur acquiesce et Guenièvre sourit puis s'exclame.

    -Mais ne t'excuse pas, voyons ! J'ai toujours eu un faible pour la France ! Ce pays est d'une beauté ! 

    Après une pause, elle reprend.

    -Bien ! Venez Arthur, nous avons un tas de choses à faire !

    Elle lâche mes cheveux et prend son mari par le bras. La reine l'entraîne hors de la salle. J'ai une sacrée dette envers cette femme. 
    J'embrasse une dernière fois la pièce du regard et continue ma visite. Je fais une halte à l'infirmerie où je rencontre Anne et Maurice, le jeune couple de médecins. Nous avons discuté un moment et, alors que je parlais de ma blessure à la jambe, Anne m'apporta une crème qu'elle appelle "crème miracle". Je ne crois pas beaucoup aux remèdes miracles mais, depuis que je suis ici, j'ai arrêté d'être sceptique. 
    Je découvre la salle de la Table Ronde où la table est bien plus grande que je ne le pensais. Il doit y avoir au moins cinquante chaises autour d'elle. Je m'avance vers le fond de la pièce noyé dans l'obscurité. Je pousse un rideau de velours rouge. Derrière se trouve le tableau d'un objet d'or semblable à une coupe. Le Saint Graal, trésor convoité par les chevaliers du roi Arthur, qui est censé conférer l'immortalité à son possesseur. 
    Après cette surprenante découverte, j'enchaîne avec les cuisines, les sous-sols, les catacombes, la salle de garde, la buanderie, la forge, la salle de bal, ... Mon après-midi est entièrement consacré à la visite du château. Mais je ne revois pas une seule fois Merlin ou Mordred. Lorsque le soleil se couche, je me rends à la bibliothèque que je n'avais pas encore eu le temps de visiter. Je pousse la porte en bois et découvre les multiples étagères qui feraient fantasmer mon oncle. J'avais déjà vu de vieux manuscrits sur le site de la Bibliothèque Nationale Française mais je n'en ai pas lu énormément chez Merlin. Je parcours les étagères de plusieurs mètre de hauteur et effleure les couvertures de cuir. J'ouvre plusieurs livres  pour observer les pages de parchemin jaunâtre. J'entends soudain un bruit sec qui me fait sursauter. J'avance lentement et tombe nez à nez avec une fille à peine plus vieille que moi. Elle a de longs cheveux blonds très raides et de jolis yeux verts foncés cachés derrière de petites lunettes. Elle est accroupie devant une pile de manuscrits qu'elle a fait tomber, d'où venait le bruit que j'ai entendu. Elle lève la tête vers moi.

    -Oh bonjour ! Je peux vous aider ?

    -Je te retourne la question, répondé-je, tu as besoin d'aide pour ramasser tout ça ?

    -C'est gentil mais ne vous embêtez pas, dit-elle avec un charmant sourire révélant de magnifiques dents blanches et parfaitement alignées, mais mon assistant va s'en occuper. Eustache, s'il te plaît !

    Peu après, un jeune garçon aux cheveux châtains sort d'un couloir. Il fait au moins deux têtes de plus que moi, contrairement à la petite blonde qui m'arrive à peine au menton. Le garçon s'empare des livres et repart comme il est venu en m'adressant un sourire poli. La fille à lunettes me tend une main pâle et sèche.

    -Je m'appelle Alice, je suis la bibliothécaire et généalogiste de la Cour.

    Je lui rends sa poignée de main. J'ignorais quel était le rôle d'un généalogiste mais cette gamine me plaisait. 

    -Tu m'as l'air bien jeune, remarqué-je.

    -Oui, ça peut surprendre de savoir que je fasse un tel métier du haut de mes quinze ans. Vous êtes ?

    -Oh ! Je suis Louise, je suis une invitée du roi.

    -Merveilleux ! Je vous présente Eustache, mon frère et assistant !

    Je tourne la tête vers Eustache qui me fait un signe de la main. 
    Je discute avec Alice pendant une petite demi-heure, jusqu'à me rendre compte que je suis en retard pour le dîner. Je cours jusqu'à la salle à manger et la découvre vide et débarrassée. J'ai bien raté l'heure ! J'entends tout à coup des pas dans la salle. La silhouette de Mordred se détache de l'ombre. Il m'adresse un sourire ravageur. Son regard s'incruste dans le mien tandis que, doucement et silencieusement, il s'avance vers moi. Il lève les mains pour prendre mon visage. Il me regarde avec passion, ses lèvres entrouvertes d'amour. Ses lèvres. Roses foncé, fines et lisses, invitantes au baiser. Alors que j'allais l'embrasser, je me souviens de ce qu'il m'a dit : "A minuit". Or, il n'est pas encore l'heure. Je recule, le regarde, me retourne et, tel Orphée, le regarde encore une fois pour repartir juste après. Je marche rapidement jusqu'à ma chambre, fais un peu de rangement et attend l'heure, le coeur battant. 
    Juste avant minuit, je souffle calmement. Puis, quand les cloches retentissent, ma porte s'ouvre en silence. Sa ponctualité est inouïe mais j'y prête à peine attention. Maintenant, tout de suite, va se dérouler l'un des moments les plus importants de ma vie. Je sens le regard brûlant de Mordred dans mon dos, qui me déshabille. Il enlève sa chemise de cuir, la jette sur la table et s'approche de moi. Je me retourne vers lui et agrippe sa peau de mes mains froides qui se perdent sur son torse. Il prend mon visage dans ses mains chaudes et me regarde avec cette extase que je ne lui connaissais pas. J'approche mes lèvres des siennes et l'embrasse fougueusement. Je passe mes mains derrière sa tête tandis que ses bras agrippent ma taille. Notre baiser dure si longtemps que je dois m'arrêter pour reprendre mon souffle. Mais même si il est aussi essoufflé que moi, Mordred ne me laisse pas une seconde de répit. Il continue. Il fait glisser ses mains vers le haut de mon dos pour défaire les cordons de ma tunique qui tombe au sol. Il m'attire contre lui, son torse et ma poitrine nus sont collés. Il me soulève, me dépose délicatement sur le lit. 
    Durant toute la nuit, j'ai eu l'impression que Mordred faisait l'amour sans s'en rendre compte, car tout ce qu'il l'intéressait, c'était nos baisers et mes yeux. Ses lèvres se pressaient partout sur mon visage et mon cou, sans jamais s'arrêter. Et, pour la première fois, je voyais dans son regard non pas la froideur habituelle de cette couleur grise mais une chaleur douce et pleine d'amour. 
    Ma rencontre avec Amaury, je m'en souviens comme hier : c'était au printemps, quand j'étais en troisième année de primaire. Le professeur avait fait rentrer un élève en classe que personne ne connaissait. Un petit garçon tout chétif, aux cheveux noirs bataillés et aux yeux gris froid : Amaury. Nous avions des tables pour trois et entre un autre garçon et moi, il n'y avait personne. Le destin a donc fait en sorte qu'Amaury se retrouve juste à côté de moi. A cette époque, avec ses joues roses de hamster et ses petites mains encore potelées, il était adorable. J'avais l'habitude de poser mon sac sur la chaise à côté et de rêvasser en cours. Si bien que je n'avais pas remarqué qu'il attendait que je libère la chaise. 

    -Ah pardon !! m'étais-je exclamé quand j'avais enfin senti sa présence.

    J'ai enlevé mon cartable en vitesse et l'ai laissé s'asseoir. Pendant toute la journée, Simon, le garçon assis avec nous n'avait pas cessé de le bousculer et de faire tomber sa trousse, raison pour laquelle je m'étais déplacée d'une place. J'avais de la peine pour Amaury. Je lui avais expliqué les cours qu'on suivait et lui ai prêté mes livres. A la récré, je l'ai vu se faire intimider par Simon et sa ridicule bande de copains. Ayant toujours été une bagarreuse, j'ai déclaré la guerre à Simon et suis remonté en classe avec une punition et quelques bleus. Simon a changé de place et Amaury était très gêné. Depuis ce jour, je ne l'ai plus quitté d'une semelle, j'ai supplié mes parents de m'inscrire à la cantine, j'ai réussi à faire peur à Simon pour de bon et Amaury était désormais mon petit protégé. Jusqu'en sixième où nos rôles se sont inversés. C'est lui qui est devenu mon garde du corps et je me demande si ce n'est pas à cette époque qu'il a craqué pour moi. En tout cas, ça a toujours été un garçon unique et incroyable.

     

    Chapitre 6 : Déclaration de guerre

    Au petit matin, quand je me réveille, je suis seule dans le lit. Je surprends Mordred assis à la table, déjà habillé, en train de manger un pain et me fixant d'un regard provocateur. Je suis nue, mais sans aucune pudeur, je me lève et m'approche de lui puis l'embrasse en guise de bonjour. Je saisis mes vêtement et commence à les enfiler sous l'oeil amusé de Mordred.

    -Dommage, tu étais si belle, plaisante-t-il.

    -Parce-que vêtue, je ne le suis pas ? lui répondé-je.

    Il baisse les yeux sans s'arrêter de sourire. Il se lève de sa chaise et s'avance.

    -Je ne voulais pas te vexer, dit-il m'attrapant par la taille rapidement, tu es toujours sublime. Mais nue, je te comparerais bien à Aphrodite.

    Je ris, finis de m'habiller puis l'embrasse vivement avant de sortir de ma chambre et partir à la recherche de Merlin. Lorsque je traverse un petit couloir, j'entends sa voix m'interpeller. Je m'arrête sans bouger.

    -Je t'avais défendue de t'approcher de lui.

    Je me retourne et croise les bras. 

    -Et qui allait m'en empêcher ? demandé-je. Vous ?

    -Pourquoi pas ?

    -Parce que je l'aime. Nous nous aimons !

    -Arrête de rêver Louise. Certes, tu es à Camelot, mais cela ne fait pas de ta vie un conte de fées ! Ouvre les yeux, tôt ou tard Mordred te trahira !

    -Ca suffit !! hurlé-je.

    Le vieux sorcier me regarde de ses yeux bleus acier puis disparait. Non mais ! Ce n'est pas un vieux rabougri qui allait pouvoir me contrarier ! Mordred ne pourra jamais me faire de mal. Jamais.
    Agacée, je descends aux écuries, monte sur un cheval noir et m'élance dans la forêt. Quand j'ordonne à ma monture de ralentir, je remarque que je n'ai pas d'armes. Super ! Je suis seule et désarmée au milieu d'une forêt où j'ai déjà été attaquée ! Mais peu importe, je continue ma promenade sans me soucier du danger. 
    Inconsciemment, je m'enfonce dans la forêt, mais il ne se passe rien de dangereux ou suspect. Lorsque le soleil devient encombrant, je comprends qu'il est midi et décide faire demi-tour en prenant le même chemin, au galop. Mais très bientôt, je comprends que je tourne en rond et commence à paniquer. Je me suis lamentablement perdue ! Et lorsque j'entends un craquement de feuilles, sans réfléchir, je descends de mon cheval et saisis un grand morceau de bois, prête à frapper quiconque s'approchera de moi. Le bruit se rapproche encore, encore... Je distingue plus tard une ombre entre deux arbres et m'écrie.

    -Ne bougez pas ! Je suis armée !!

    La silhouette se rapproche encore et je m'apprête à abattre mon arme quand une voix familière interrompt mon geste.

    -Toi ? Armée ? Excuse-moi mais tu ne risques pas de blesser qui que ce soit avec ce bout de bois. 

    -Lancelot ? demandé-je.

    Le chevalier apparut devant mon regard soulagé. Son sourire était affreusement ironique mais charmeur et ses longs cheveux bruns et bouclés le rendait plus jeune qu'il ne l'était. Ses bleus vert pointés vers moi sont profonds et on y voit la confiance et la gentillesse.

    -Lâche ça, me dit-il.

    J'obéis et retourne auprès de mon cheval. 

    -Qu'est-ce que tu fais ici ? me demande-t-il.

    -Je décompresse. J'ai horreur qu'on me fasse la morale.

    -Je vais te raccompagner à Camelot.

    Je prends les rennes de l'étalon et suis Lancelot à travers la forêt. Etrangement, il prend le même chemin que j'ai essayé, puis nous arrivons sans encombre à l'orée des bois. J'en conclus donc que je n'ai aucun sens de l'orientation. Seulement, quand j'observe le beau château, j'aperçois de la fumée près des remparts.

    -Lancelot regardez !! m'écrié-je.

    Le soldat écarquille les yeux quand il voit la fumée s'échapper de l'enceinte du village. 

    -Monte sur ce cheval bon sang ! ordonne-t-il.

    Je m'exécute tandis que Lancelot s'assoit derrière moi et claque les rennes de mon cheval pour qu'il se mette au galop. Nous arrivons très rapidement au village mais un horrible spectacle nous attend : des villageois apeurés sont réunis en arc-de-cercle pour observer le corps ensanglanté d'un homme en lévitation. Le feu s'est éteint, mais je distingue quelques blessés qu'Anne et Maurice sont en train de soigner. Soudain, apparaît Morgane, plus cruelle que jamais, à côté du villageois. 

    -Habitants de Camelot ! crie-t-elle, je suis Morgane ! Si jamais vous croisez le roi Arthur, remettez-lui ceci !

    Elle jette sur le sol une enveloppe noire puis disparaît. L'homme s'écrase au sol sous nos yeux affolés, les gardes ne sont pas arrivés à temps pour l'empêcher de toucher la terre. Les deux médecins s'empressent de l'examiner. Je m'approche pour ramasser la lettre laissée par Morgane sans l'ouvrir. Je la range dans une poche puis me rend auprès du blessé. 

    -Comment va-t-il ? demandé-je.

    -Il est mort, répond Anne. 

    J'observe le défunt. Il doit avoir trente ans, le teint blême, les cheveux blonds et un petit corps. D'après ce que dit sa famille, il s'appelait Gascelin. Une jeune fille aux yeux noirs rougis par les larmes et aussi blonde que lui s'approcha.

    -Je m'appelle Roseca, dit-elle timidement, je suis sa soeur. 

    Je pose une main sur son épaule en passant près d'elle et lui offre un regard compatissant de chagrin. Morgane a voulu donner un exemple à Camelot en tuant un innocent. Morgane... Et si ? Non ! Il n'aurait jamais pu faire ça !
     Je m'élance à travers tout le village puis fouille tout le château, bousculant les passants en ignorant les critiques. 
    Je m'arrête, épuisée, dans la salle du trône vide. Mais je ne veux pas abandonner. 

    -Mordred !!

    J'hurle son nom plusieurs fois, rageuse et impatiente. Ce sale lâche s'est enfui avec Morgane ! 

    -Louise ? 

    Je me retourne ; Mordred me dévisage. 

    -Qu'est-ce qu'il se passe ? demande-t-il. 

    Sans lui répondre, je saisis une hache accrochée au mur et saute sur ce traître. Il esquive d'un coup et se place derrière moi, m'attrapant les bras pour les mettre dans mon dos. Je pousse un petit cri, sentant mes coudes et mes épaules craquer. Amaury me tient fermement.

    -Calme-toi un peu ! 

    -Où tu étais quand elle a attaqué ? Hein ? Où tu étais ?!

    -Arrête de crier et laisse moi t'expliquer !

    Je grogne puis lui fait comprendre que je me suis calmée. Il me lâche, je croise les bras, difficilement, ceux-ci me font mal. Il me regarde sérieusement ; j'ai un peu honte de m'être emportée.

    -Morgane ne m'avait rien dit, commence-t-il, je l'ai maudite en la voyant s'attaquer au villageois. Quand à l'endroit où je me trouvais, j'étais à la forge, mon épée était dans un sale état.

    C'est étrange... Chaque fois qu'il essaye de me convaincre, je le crois mais en même temps, j'ai du mal à lui faire confiance. Bordel, Louise, tu as perdue ta virginité avec ce garçon alors tu devrais l'avoir la confiance ! Je soupire, j'accepte de le croire. Il s'approche de moi et pose ses mains sur mes joues.

    -Cesse de douter... Je t'en prie..

    Ses paroles me font mal au cœur, comme si ça le vexait que je ne lui accorde pas toute ma confiance. Je prends ses mains dans les miennes, essayant de lui sourire.

    -Ne t'inquiète pas. Je sais que tu ne me trahiras pas..

    Sur ces mots, je me blottis contre lui. Il a l'air frustré mais je n'y fait pas d'avantage attention. J'espère vraiment qu'il est sincère...

    CHAPITRE 7 : Nouvelle recrue

    Excepté le jeune Gascelin, il n'eut aucune autre victime, heureusement. Assise sur mon lit à réfléchir, je regarde la table où j'ai déposé l'enveloppe noire de Morgane, à destination d'Arthur. Je me lève et la regarde. Je n'ose pas l'ouvrir, je préfère laisser ce soin au Roi. Je sors de ma chambre, traverse les couloirs, salue des serviteurs et entre dans la salle du trône où Arthur fait les cents pas. Il me remarque, son regard bleu me transperçant.

    -Qu'y a-t-il, Louise ? me demande-t-il.

    Sans lui répondre, je lui tend l'enveloppe qu'il hésite à prendre. Il tend enfin une main tremblante et saisit la lettre. Il l'ouvre, puis la lit. Je peux voir son visage pâlir et des gouttes de sueur froide perler sur son front. Il relève la tête pour regarder sa femme qui ne comprend rien, puis moi qui commence à comprendre.

    -C'est la guerre, dit-il d'un coup.


    Quelques minutes plus tard, la Cour entière est réunie à la demande d'Arthur. Debout près des souverains, je peux apercevoir Merlin pointer le bout de son nez au fond de la salle. Arthur est plus que troublé, son expression de panique se lit sur le moindre recoin de son visage. Enfin, recevoir une déclaration de guerre ne vous fait généralement pas sauter de joie, il est vrai. Je vois Mordred se glisser entre deux serviteurs. Son regard est ferme et sérieux. Je le regarde un moment, dans l'espoir qu'il me remarque, mais jamais son regard ne croisa le mien, comme si je n'existais pas. Cela me déçoit un peu. Arthur prit la parole.

    -Mes amis, le malheur s'abat aujourd'hui sur notre royaume car la guerre nous est déclarée. Morgane veut ma mort et la chute de Camelot. Mais nous pouvons être plus forts qu'elle ! Nous ne laisserons pas cette sorcière s'emparer de ce qui nous est le plus cher ! Dès maintenant, je vous demande tout votre courage, votre loyauté et votre force ! Personne, je dis bien personne ne prendra possession de nos terres ! Dès à présent, nous nous battrons pour Camelot !!

    La foule applaudit et cria. Son discours est plus destiné aux soldats mais encourager le reste du peuple peut être aussi utile. Il lui avait redonné espoir et je trouve ça admirable. C'est pour moi la principale qualité d'un roi. Mordred m'adresse enfin un regard. Un regard qui dit comme "On est prêts !". Un regard que je lui rends, accompagné d'un sourire confiant. Après quelques minutes d'euphorie, la Cour se calme enfin et se dispersa, la salle se vidant. Le Roi se rendit sur le balcon et demanda à ce qu'on réunisse les chevaliers et le reste du peuple. Il leur fit le même discours. Certes, certains avaient peur, mais la majorité acclamait Arthur et semblaient confiants. Peu après, j'appris qu'une fête serait organisée ce soir, histoire de décompresser un peu avant la guerre et de retrouver une dernière fois le goût de la bière. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai un mauvais pressentiment...

    En entrant dans mes appartements, je trouve sur un mannequin une très belle robe rouge foncé, cintrée par une ceinture d'or. Elle laissera mes épaules nues. Elle est splendide, bien plus belle que toutes celles que j'ai pu voir dans Game of Thrones ou Kaamelot. J'aurai certes préféré du vert, ma couleur préféré, mais je ne peux me plaindre d'un tel trésor. Alors que je la contemple, une servante rousse entre dans ma chambre. C'est elle qui va s'occuper de me préparer. Ca me gêne un peu de de voir me déshabiller devant une inconnue, mais je ne dois pas être la première. J'enlève donc mes vêtements, pendant qu'elle prend la robe et me la présente. Je vais le plus doucement possible pour l'enfiler, ce serait bête de la déchirer maintenant. La servante l'attache dans mon dos avec une délicatesse surprenante. Elle ferait un carton chez un kinésithérapeute. J'enfile des chaussures assorties à mon vêtement et laisse la jeune femme s'occuper de mes cheveux. En me regardant dans une glace, je découvre le magnifique chignon tressé qu'elle m'a fait, identique à celui que portait Guenièvre. Je ne sais pas comment on peut être aussi doué... Elle attache ensuite à mon cou un collier d'or où pend un petit rubis ; à mes poignets de petits anneaux dorés et à mes oreilles, de petites boucles rouges, sans doute aussi faites de rubis. Je dois m'exercer plusieurs fois pour m'habituer aux petits talons sous mes chaussures, comme je n'en ai jamais porté. Après quelques efforts, j'arrive à marcher correctement, sous l'oeil amusé de ma servante. Elle sort de petits flacons et, à l'aide d'un pinceau, applique très légèrement une poudre rose sur mes joues. Le blush de l'époque ! En voyant mon reflet, je remarque qu'elle en a mis assez pour faire croire que mes joues sont roses naturellement. Il est beaucoup plus beau que les blushs de chez moi ! Je m'observe une dernière fois entièrement. Je ne suis pas de nature narcissique, mais je ne me suis jamais trouvée aussi belle. Au fond de moi, j'avais toujours rêvé de porter ce genre de robe. La servante me salue puis sort de la chambre. Je ne tarde pas à le faire moi aussi quelques révérences plus tard. En ouvrant la porte, je sursaute joyeusement en voyant Mordred qui m'attend devant la porte. Toujours aussi ponctuel !

    -Belle damoiselle, dit-il en me faisant un baise main. 

    -Gent damoiseau, réponds-je pour le taquiner.

    Il rit et m'embrasse longuement. Puis il me tend un bras que j'accepte aussitôt. 
    Nous entrons dans la salle de bal bondée. Les gens s'arrêtent pour nous regarder avec des regards envieux. Je rougis, et Mordred m'attire contre lui. Je l'observe un peu plus en détails. Il porte une chemise outremer sous une longue cape plus foncée et un pantalon de cuir blanc. Ses cheveux sont adorablement décoiffés et, malgré ses yeux glacés, ceux-ci sont doux et chaleureux. Nous avançons jusqu'au couple royal. La Reine porte une belle robe de soie orangée décorée çà et là de motifs blancs. Sa chevelure n'est plus coiffée en chignon comme moi, mais en une complexe tresse. Arthur porte un simple ensemble rouge (un rouge un peu agressif à mon goût) orné de doré. Ils nous saluent d'un signe de tête, nous faisons de même. Les musiciens entament une mélodie gaie et entrainante. Je suis un peu nerveuse, je ne sais pas du tout danser (si on oublie que le limbo est une danse) mais Mordred me tire au milieu de la salle. A ma grande surprise, il danse aussi bien que si il avait fait ça toute sa vie. Je le savais être un dieu du hip-hop mais jamais je ne l'avais vu exercer ce genre de danse. Ses pas sont tellement vifs et précis que j'ai du mal à le suivre. J'arrive tant bien que mal à ne pas tomber ou à écraser ses pieds. Ma tête tourne si vite que j'ai l'impression que je vais vomir. Mieux vaut effacer cette pensée... 
    Quand la musique se calme pour laisser place à une douce mélodie, Mordred passe ses mains autour de ma taille, et je passe les miens derrière sa nuque. Nous entamons un slow, une danse très peu connue encore à l'époque, raison pour laquelle tout le monde nous regarde, intrigué. Cela nous est égal. Je me sens plus qu'en sécurité dans ses bras.
    Quelques heures plus tard, après danses, boissons et discussions endiablées, la fête se termine au regret de nombreuses personnes. Arthur réclame l'attention. 

    -Chers amis ; demain, l'armée sera en route pour la bataille. Et dès à présent, elle va accueillir un nouveau membre : Louise Brelynton !

    Les regards se dressèrent sur moi. Le Roi a-t-il trop bu ?! Moi, participer à la guerre ?! J'ouvre la bouche pour protester quand Mordred s'écria :

    -Sire, je proteste ! Il est hors de question que cette jeune fille parte affronter l'armée de Morgane !

    Le Roi lève un sourcil, étonné que son meilleur soldat prenne ma défense.

    -Amaury..., murmure-je.

    -Que t'arrive-t-il Mordred ? demande Arthur, où est le problème ?

    -Le problème ?! dit-il avec de l'incompréhension dans la voix, elle n'a jamais combattu ! Elle sait à peine tenir une épée et n'a pas suivi notre entraînement !

    Je suis pétrifiée. Si j'avais su qu'il tenait autant à moi je... 
    Il se place derrière moi, posant ses deux mains sur mes épaules. Son regard en direction du roi est identique au mien : suppliant. 

    -Regardez-la..., reprend-il. Elle est si belle ; si jeune... si fragile...

    Arthur nous regarde à tour de rôle, les paroles de Mordred ne lui faisant ni chaud ni froid. 

    -Gauvain, prépare-lui une armure et une épée.

    Mordred me lâche soudainement et s'avance vers le roi d'un pas brutal et décidé, avec rage et haine. 

    -Vous ne pouvez pas faire ça !

    Arthur tourna son regard bleu vers Mordred.

    -Et pourquoi donc ?

    -Vous l'envoyez à la mort !! hurla-t-il.

    -JE SUIS LE ROI ! répondit Arthur avec violence. Et demain, Morgane tremblera lorsqu'elle nous verra !

    La moitié de la Cour était déjà sortie, le reste se dispersa nerveusement. Guenièvre entraîna son mari hors de la pièce, ne laissant que moi et Mordred, planté comme des piquets. Dans quelques dizaines d'heures, je mourrai. Tel est mon destin. Avec un peu de chance, Morgane mourra avant. Sans le regarder, je demande à Mordred.

    -Pourquoi maintenant... ?

    Il soupire et se retourne.

    -Parce que j'étais prêt. Il y a quelques jours, Arthur m'a dit : "je te considère comme un frère". J'ai alors su que le moment était venu et que j'avais réussi.

    -Tu n'as pas encore réussi ; tu n'as pas encore tué Arthur...

    -Louise.., commence-t-il.

    -Tu ne comprends pas que nous ne pouvons pas nous en sortir ? Je vais devoir te tuer, et toi aussi !

    Son expression est douloureuse et triste. Mes yeux sont rougis et ma vision floue, je sens les larmes arriver. Il s'approche un peu de moi, sans me quitter du regard.

    -Je ne pourrai te tuer...

    -Je suppose que tu as dit la même chose à Arthur ?

    Ca y est, je l'ai dit. Cette phrase qui fait l'effet d'un coup de poing dans le ventre... ou d'un coup d'épée dans le dos. Mordred écarquille les yeux et me saisis pas les épaules.

    -Louise ! 

    -Morgane ne te laissera jamais rester sans rien faire. Elle rêve de nous voir nous entretuer !

    -Mais je t'aime !!

    Je le fixe, de l'eau salée coulant de mes yeux. Il me prend dans ses bras, sa respiration est saccadée, je crois que lui aussi sanglote. Il essaye de me rassurer, mais plus les secondes passent, plus la confiance que j'ai en lui disparaît. Ca me fait terriblement mal au coeur, mais nous n'avons pas le choix. On va mourir. Tous les deux. Et on ne rentrera jamais à Strasbourg. 
    Mordred me lâche et me propose d'aller dormir mais je secoue la tête, lui demandant de me laisser seule. Il obtempère à contre coeur et quitte la pièce. Je suis immobilisée au centre de la pièce, comme si mes pieds s'étaient ancrés dans le sol. Mes hoquets raisonnent dans la salle vide. 

    -L'avenir est gravé dans la pierre, Louise.

    Je vois Merlin sortir de l'ombre. Il est plus jeune, son visage est celui d'un homme de trente ans. 

    -Que voulez-vous dire.. ? articule-je difficilement. 

    -Sais-tu combien de versions de cette histoire existe-t-il ?

    Je secoue la tête. Je n'ai pas la force de réfléchir. Mais où veut-il en venir ?

    -Des dizaines. Et la fin est toujours la même.

    Je fronce les sourcils, ne comprenant pas.

    -C'est pour cela que tu es là aujourd'hui. Pour changer cette fin classique que nous connaissons tous ! 

    -En tuant l'homme que j'aime ?!

    -Tel en a décidé l'avenir !

    -Alors que l'avenir aille au Diable !!

    Le sorcier me regarde durement. Il comprend, bien sûr, mais pour lui, Mordred n'est rien de plus qu'un traître. Je lui tourne le dos et m'enfuit. Je remonte dans ma chambre, claque avec toute ma force la porte, ce qui fait trembler les murs, me change rageusement et m'effondre sur le lit. Je pleure longuement, me demandant ce que j'ai bien pu faire pour mériter un pareil sort. J'avais déjà imaginer mon futur de nombreuses fois. Je rêvais de m'installer dans un petit appartement à Brest, en Bretagne (où je suis née) et d'être romancière. Je ne voulais pas écrire des sciences-fictions ou des foutaises de magie et d'autres trucs. Non, je voulais écrire des romans policiers. J'ai toujours adoré ce suspens qui dure tout au long du livre comme dans "La fille de Brooklyn" de Guillaume Musso, l'un de mes auteurs préférés. En fait, avant d'atterrir ici, je travaillais déjà sur un projet. Et je sais maintenant que je ne pourrais jamais le terminer. En repensant à cet avenir que je m'étais construit des milliers de fois, je m'endors, épuisée.

    CHAPITRE 9 : Préparation de guerre

    Je me réveille au beau milieu de la nuit, dérangée par un affreux cauchemar. J'étais au bord d'un lac immense dont l'eau était si claire qu'on en voyait presque le fond. Mordred était de l'autre côté, il me regardait avec un sourire cruel. A ses côtés se tenait Morgane, ainsi qu'Arthur, sanglant et agonisant. Puis une jeune femme sortit de l'eau. Ses cheveux sont faits d'eau, son teint est clair et ses yeux et sa robe ont la couleur de l'eau du lac. Puis plus rien. C'est le noir. Le vide. Je suis trempée de sueur, horrifiée par ce que j'ai vu. Je me lève, fais quelques pas dans ma chambre en reprenant mon souffle et m'adosse au mur avant de me laisser glisser contre. Je réfléchis longtemps, si longtemps que j'en ai mal à la tête. J'ai dû me rendormir car je suis réveillée vers l'aube par ma porte contre laquelle on tape.

    -Ou-oui.., dis-je difficilement, sortant de mon sommeil. 

    Un chevalier brun en armure entre. Je me lève et m'approche de lui en m'étirant. Il tient un sac en toile et en sort une armure à ma taille et une longue épée dans un fourreau. Je remonte les yeux vers le soldat, que je connais. Il a de beaux yeux verts très clairs.

    -Merci Gauvain.

    Il me sourit ; je lui rend son sourire.

    -Avez-vous besoin d'autre chose madame ?

    "Madame..."

    -Non je te remercie.

    Il s'incline légèrement avant de repartir. Je me change et enfile l'armure. Elle est plutôt lourde, mais sûrement moins qu'une armure d'homme. Aurait-elle été spécialement faite pour moi ? A cette époque, les femmes ne combattaient pas. Elle a dû être fabriquée dans l'urgence. J'attrape un élastique et attache mes cheveux en une grossière tresse, mais qui reste jolie. Je sors l'épée de son fourreau et l'observe. Grande, brillante, la poignée semble en or. Lancelot entre soudain dans ma chambre. Il est déjà en armure. Il m'observe de la tête aux pieds.

    -Tu sembles prête, me dit-il.

    -Oui, réponds-je en hochant la tête, mais...

    -Tu as peur.

    Lancelot devine mes pensées. Excepté Arthur, il est le seul chevalier à me tutoyer. Après tout, nous sommes devenus amis. En échange du fait qu'il savait que je venais d'ailleurs, il m'avait avoué qu'il a le béguin pour Alice, la jolie bibliothécaire. 
    J'avais donc rencontré Gauvain et j'avais un peu discuté avec Perceval lors de la fête. C'est un jeune homme à la peau et aux cheveux bruns. Il est très gentil et ses compagnons m'ont appris que son coeur est plus mou qu'une guimauve. C'est très étonnant car son caractère ne colle pas du tout avec son physique. En effet, il a une vraie carrure de brute épaisse. Grand, musclé, une grosse voix grave et un visage assez autoritaire. C'est apparemment un vaillant et talentueux soldat. 

    -Suis-moi, reprends Lancelot. 

    Nous sortons de ma chambre, le chevalier brun devant moi. Nous marchons jusqu'à la cour où sont déjà réunis tous les chevaliers. Ils sont plusieurs centaines. J'espère que l'armée de Morgane sera équitable, même si c'est peu probable... Je me place entre Lancelot et un autre homme qui doit avoir la trentaine. Il a des cheveux noirs très courts et un visage neutre, presque blasé. Ses bras sont croisés dans son dos et sa poitrine est légèrement bombée. Sa posture démontre qu'il est fier. De quoi ? Je ne sais pas. 

    -C'est Yvain, me chuchote Lancelot.

    Yvain... J'en avais déjà entendu parler en cours de Français. Il est le chevalier au Lion. 
    Arthur s'avance en face de nous, Mordred, Merlin et Guenièvre à ses côtés. Mon sang se glace lorsque je croise le regard du petit préféré du Roi. Après le rêve que j'ai fait et les évènements récents, ai-je raison de lui faire encore confiance... ?
    Le Roi prend la parole en nous annonçant une chose importante : Guenièvre porte en son ventre le futur prince. Cette nouvelle me fait sourire. Je n'ai jamais pensé à avoir des enfants, mais je me demande ce que ça fait d'être une mère... Arthur nous dit que si il mourrait au combat, les chevaliers encore vivants veilleraient sur l'héritier. Après quelques encouragements et d'autres remerciements, nous pouvons partir. On me présente un cheval noir. J'attache mon sac sur sa selle. Celui-ci contient le matériel nécessaire pour la bataille : remèdes, papiers à lettre et encre (au cas où nous aurons besoin de renforts ou de donner des nouvelles), petites armes, poisons, et j'ai même trouvé avec stupéfaction une grenade dedans. On est d'accord que les grenades n'existent pas à cette époque ? Merlin est un voyageur du temps, il me l'a sûrement ramenée. Je vois Arthur embrasser une dernière fois la Reine, celle-ci me fait de la peine, elle a les larmes aux yeux. Merlin reste à ses côtés, la rassurant. Mordred monte sur son cheval, une belle jument à la robe couleur châtaigne. Je monte sur le mien et m'approche du jeune garçon. 

    -Je vais devoir partir dans très peu de temps, me dit-il.

    Je regarde ailleurs ; son regard est trop lourd. 

    -Tu connais l'issue de ce combat, Amaury.

    Après une pause et un minuscule soupir, il me dit froidement :

    -Cesse de m'appeler Amaury. 

    Je prends sa remarque comme une claque. Je sens du regret dans sa phrase mais je vois bien qu'il ne veut pas l'avouer. C'est comme si notre ancienne vie à Strasbourg n'existait plus. Comme si il avait tout oublié... Cette pensée me mets les larmes aux yeux mais je m'essuie immédiatement les yeux, il est hors de question qu'Amaury ou un autre chevalier le remarque. Après tout, je suis un soldat désormais...

    CHAPITRE 10 : Départ

    Le voyage est long jusqu'au champ de bataille. Mais il l'est encore plus à cause du silence des chevaliers. Ils ne disent mot, comme si toute parole leur était interdite. Certains ferment les yeux, d'autres marmonnent des mots inaudibles. Je m'approche de Lancelot.

    -Que font-ils ? lui demande-je.

    -Ils prononcent leurs dernières paroles avant la bataille. Ils remercient Dieu de leur avoir offert la Vie et Lui demande de leurs accorder joie et amour lorsqu'ils rejoindront Avalon.

    -Avalon ?

    Ce nom me dit quelque chose, mais je n'arrive à m'en rappeler. Lancelot me rafraîchit la mémoire.

    -C'est notre Paradis. Celui où tout Homme est conduit à sa mort. 

    Après un silence et quelques regards vers les chevaliers priant, le guerrier reprend. 

    -Je suis content que tu sois là.

    Je lui réponds par un sourire. 

    Nous sommes encore loin de notre point d'arrivée quand le soleil se couche. Arthur, qui est en tête du cortège, ordonne que l'on monte un campement pour la nuit. Nous sommes dans un lieu désert, je ne sais même pas où nous nous trouvons exactement. Pendant que je monte ma tente son sans galère, les autres font quelques feux. L'armée est regroupée en plusieurs groupes qui ont chacun leur secteur. Pour ma part, je suis avec Arthur, Lancelot, Mordred, Gauvain, Yvain et d'autres chevaliers que je ne connais pas trop. Nous avons un feu par groupe et celui-ci est très petit pour ne pas attirer les bêtes et les ennemis. Nous avons installé des rondins d'arbres pour nous assoir. Je suis assise seule sur le mien, observant parfois le feu qui crépite, parfois les chevaliers qui discutent et rient ensemble. Je me demande comment on peut rire alors qu'on sait que la mort est proche. Peut-être ont-ils l'habitude ? Peut-être sont-ils insensibles... ? Je remarque enfin Lancelot qui s'est assis à côté de moi. Il rompt notre silence. 

    -Je suppose que tu es morte de peur.

    -Seuls les fous n'ont pas peur de la mort, réponds-je en regardant les soldats rire.

    -Ils dédramatisent. S'acharner et pleurer sur son sort ne fait qu'aggraver son cas. 

    J'essaie de croire Lancelot mais c'est au-dessus de mes forces. Je n'ai vraiment pas le moral à rire alors que je sais que je vais mourir et tuer mon meilleur ami... enfin, mon petit ami, je suppose. 

    -C'est comment dans ton monde ? demande le brun.

    Je prends une inspiration.

    -C'est banal, commence-je. Les gens sont aveuglés par leurs problèmes. Notre monde est devenu une machine et tout le monde pense comme on lui dit de penser. C'est un monde où on se détruit un peu plus chaque jour. On ne peut même pas appeler ça un monde. 

    Je pense parfaitement ce que je dis. Lancelot ne semble pas choqué ou autre chose. Il me regarde simplement, comme si il comprenait. 

    -C'est difficile de vivre là-bas ? reprend-il.

    J'hausse les épaules.

    -Un peu. Il faut juste ne pas devenir une machine soi-même. Sinon, on s'en sort bien. L'important est de prendre ses propres décisions, de penser comme on veut et de défendre ses idées. 

    Il semble passionné. Je ne sais pas si il s'attendait à ces réponses mais je n'ai pas le temps de lui poser la question que nous levons la tête pour voir Mordred en face de nous. Mon ami se lève et me salue avant de rejoindre ses compagnons. Mordred me regarde durement. Je baisse les yeux, soumise, ses yeux sont beaucoup plus froids que d'habitude. Il croise les bras.

    -Tu as l'air de bien t'entendre avec Sir Lancelot. 

    Je n'y crois pas. Mordred est jaloux ? Alors que j'ai tout fait pour lui prouver mon amour ? Alors que je suis allée jusqu'à perdre ma virginité avec lui ?! Sans compter que Lancelot a déjà une option. Je soupire et me lève.

    -Il est amoureux d'Alice, dis-je pour me défendre. 

    Il fronce les sourcils.

    -Mais bien sûr.

    Je suis sidérée. La colère commence à monter.

    -Tu affirmes que je mens ? Va lui demander !

    J'essaie de ne pas parler trop fort pour que les autres ne nous entendent pas. J'attrape le bras du soldat et le tire violemment dans un coin éloigné où il n'y a personne. Je reprends mon petit discours. 

    -Le problème, c'est que tu es dévoré par ton ego Amaury ! dis-je en appuyant bien sur son véritable prénom. Je fais tout pour trouver un moyen de rentrer chez nous sans problèmes mais toi tu restes là sans rien faire, à obéir sagement à Morgane et à croire qu'il n'y a qu'une seule solution !

    Il pousse un soupir et me regarde dans les yeux. Son regard devient un peu plus triste. 

    -Tu n'as pas encore compris...

    Je croise les bras puis son visage vire soudain à la nargue et à la méchanceté.

    -Dans les livres, les films, les séries... Peu importe, il y a toujours Mordred, Merlin, Morgane, Arthur... Mais est-ce que tu as déjà vu UNE seule fois où une petite Louise Brelynton débarque de nulle part à Camelot pour entraver les plans de Morgane ?!

    Ce qu'il me dit me fissure le coeur mais je ne compte pas le laisser me mettre la pression. 

    -C'est justement pour ça que je suis là.

    -Pour changer la fin de l'histoire ? 

    -C'est ce que croit Merlin. 

    -Mais toi, Louise, qu'est-ce que tu crois ?

    Sa vois devient de plus en plus tremblante. Il semble troublé. 

    -Je crois que je suis ici pour toi...

    Mon amour pour lui passe devant la colère. Il ne dit rien et se retourne lentement pour s'éloigner mais je le rattrape et lui prend le bras pour l'obliger à me regarder. 

    -Mais quand est-ce que tu comprendras que je fais tout ça par amour pour toi ?! Je t'aime, Amaury ! Et demain, tout s'arrangera !

    Il essuie une larme qui coule sur ma joue et me sourit. Il prend mon visage entre ses mains et m'embrasse très doucement. Après ce baiser et une écourte étreinte, nous entendons Arthur demander à tout le monde d'éteindre les feux et d'aller dormir. Il se fait tard et la journée de demain sera... chargée... Enfin, pour ceux qui ne mourront pas les premiers. Mordred m'embrasse une dernière fois puis rentre dans sa tente. Je dis bonne nuit à Lancelot et entre dans la mienne. Je pose mon armure et me glisse dans mes bras froids. 

    Je me réveille doucement au milieu de la nuit en sentant une main glisser de ma taille jusqu'au haut de mon dos. Je me retourne d'un coup en poussant un cri étouffé quand la main se pose sur ma bouche. C'est Mordred... 

    -Chut c'est moi ! chuchote-il.

    Je reprends ma respiration et retire sa main de mes lèvres. Il m'embrasse sur le front et m'attire contre lui et, entre nous, il n'y a plus que le mince tissu de nos vêtements. Il lâche mon dos pour faire descendre ma tunique. Je pourrai le laisser faire mais je me rappelle que demain sera une dure journée. Pour ne pas le repousser trop violemment, je le taquine. 

    -Mordred, il fait déjà assez froid comme ça.

    Un sourire ironique mais charmeur traverse mon visage. Je le regarde rougir ; il est adorable. 

    -Tu ne sais pas que dormir nu permet de mieux repousser le froid ? 

    Il sourit lui aussi. Il marque un point. Je ne lâche pas prise.

    -Laisse moi dormir...

    Simple, efficace (?). 

    -Ca ne va pas durer longtemps, je te le promets..

    Sa voix devient plus douce et sensuelle. J'en meurs d'envie moi aussi mais je suis crevée et ce n'est ni le moment, ni l'endroit. Il fait glisser ma tunique un peu plus bas.

    -Laisse mes vêtements à leur place.

    Je commence à parler plus sèchement. Ca commence à devenir agaçant... Mais lui ne m'écoute pas. Ma poitrine est désormais nue. Je regarde Mordred dans les yeux et lui dit.

    -Tu es sorti de ta tente uniquement pour m'embêter ?

    -Tu avais froid.

    -Alors arrête de me déshabiller.

    Je lui fais un clin d'oeil. Il pousse un petit soupir puis rit. J'ai gagné ! Il me lâche enfin et commence à se lever. Je lui prend la main.

    -Par contre, tu veux bien dormir avec moi.. ?

    Je n'ai peur de rien, je veux simplement qu'il reste à mes côtés. Il acquiesce et se rallonge, me prenant dans ses bras. Je remets mes vêtements en place puis me rendors contre lui. 

    CHAPITRE 11 : Guerre

    Un cri me fait sursauter à l'aube. Je sors dehors et vois les soldats réunis autour d'un chevalier ensanglanté qui ne respire plus. Morgane nous envoie un message. Gauvain s'approche de lui et tâte son pouls. 

    -Sire Pélinor est mort, dit-il difficilement. 

    Le message est clair : Morgane sera sans pitié. 
    Après avoir fait nos adieux à Sir Pélinor, nous reprenons nos affaires puis notre route. Il nous reste peu de temps avant d'arriver au champ de bataille. Je repense soudainement à la femme aux cheveux d'eau sortant d'un lac que j'ai vu dans mon "rêve". Et si il s'agissait d'un présage ? Une fée, une déesse ? Perdue dans mes pensées, je ne remarque Arthur que lorsqu'il s'adresse à moi. 

    -Nous arriverons dans un peu plus d'une heure. Tu es prête ?

    Je ne lui réponds pas. Dois-je lui rappeler que c'est à cause de lui que je suis ici ? 
    Tout à coup, les soldats en tête du cortège stoppent leurs chevaux et interpellent le Roi. Quelque chose vient de tomber mystérieusement du ciel. Je prends Arthur d'avance en descendant de ma monture bien avant lui. C'est.. le grimoire. Il s'est écrasé au sol. Maintenant que j'y pense, c'est vrai que je n'ai pas pensé à le prendre. Merlin me l'aurait envoyé ? Je le saisis et le feuillette. Rien de spécial. A part une petite fiole contenant un liquide mauve. Sur une étiquette accrochée au bouchon est écrit "Au cas où ; choisis bien". J'hausse légèrement les épaules, ne sachant pas trop à quoi m'attendre, et glisse la bouteille dans ma poche. Je range le grimoire dans la sacoche attachée à la selle de mon cheval. 

    -Nous pouvons repartir ? demande Arthur.

    J'hoche la tête et remonte sur l'étalon. 

    -Nous ne sommes plus très loin, annonce-t-il, hâtons-nous !

    Il partit au galop. Tout le cortège le suit, y compris moi. Mon cheval est très rapide et dépasse rapidement tout le monde. Je jette un regard derrière moi. Lancelot me sourit. Je ne vois pas Mordred. Soit il est derrière soit... il est.. parti... Cette pensée me fend le coeur mais je suppose que je n'y peut rien. Comme dirait Merlin, tel en a décidé le destin.
    Trente minutes plus tard, nous nous arrêtons dans un endroit désert pour poser nos chevaux. Nous n'aurons apparemment pas besoin d'eux. Puis nous marchons encore un quart d'heure nous jusqu'à un immense cercle de terre desséchée qui doit bien faire plusieurs dizaines de kilomètres de diamètre. Il n'y sans doute nulle âme qui vive. Pas un serpent ou un scorpion, pas un arbre, pas une fleur. Je contemple cet endroit désolé. 

    -Est-ce vraiment ici que nous allons combattre.. ?

    -Ouaip, répond Lancelot. Plutôt désolant mais c'est le meilleur endroit pour une bataille. Prépare-toi, les troupes de Morgane peuvent arriver d'un instant à l'autre. 

    Je sors mon épée et fait quelques mouvements pour m'échauffer. Les autres font de même. En eux-mêmes, ils se préparent psychologiquement. Les plus jeunes, sûrement les nouveaux, semblent trembler de peur. Je remarque que mes jambes flageolent. Bien sûr que j'ai peur.. Lancelot pose une main sur mon épaule pour me rassurer. Arthur nous observe et fronce les sourcils.

    -Où Diable est passé Mordred ?

    Mon sang ne fait qu'un tour. Je ne l'ai même pas vu partir. Mais il est s'est décidé... Ca me déçoit mais je suppose qu'il n'a pas eu le choix. Morgane ne l'aurait jamais laissé rester. Les chevaliers regardent d'abord autour d'eux. Eux ne savent pas que je sais secrètement qu'il ne reviendra pas. Il est déjà de l'autre côté du champ de bataille. Nous allons tous les deux nous entretuer... Après quelques vaines recherches, le Roi et nous-mêmes abandonnons l'espoir de retrouver notre compagnon. C'est idiot de se dire que notre meilleur guerrier a disparu comme par magie mais des bruits peu rassurants se font entendre. 

    -EN POSITION !! s'écrie Arthur.

    Les chevaliers se mettent soudain en rangées puis en ligne, formant une sorte de carré. Je les rejoint et me positionne entre eux. Arthur nous fait face. 

    -Mes chers compagnons ; c'est un honneur pour moi de me battre à vos côtés. Morgane est cruelle, perfide et puissante. Mais aujourd'hui, elle a fait l'erreur de s'en prendre à Camelot. C'est pourquoi je vous demande votre force ! Votre courage ! Votre ardeur ! Ensemble, nous l'arrêterons !!

    -POUR CAMELOT !!! s'écrient les chevaliers. 

    Le Roi nous regarde avec fierté. Je vois aussi qu'il a peur, mais comme tout le monde. Il ferait n'importe quoi et donnerait sa vie pour le royaume. Est-ce ça que ressent toute l'armée ? Cette chose que je ne peux pas comprendre. Je ne suis pas d'ici et, à la base, je me contrefous du sort de ce pays. J'ai l'impression au fond de moi que c'est Mordred qui me donne envie de sauver cet endroit et ces gens. Pourquoi ai-je accepté une telle quête... ? 
    Tout à coup, nous entendons des cris de guerre à quelques kilomètres à peine de nous. Je vois ce que nous redoutons depuis des heures. Morgane chevauche une grosse bête noire aux longues dents. Sa repoussante armée se tient derrière elle, composée de diverses et affreuses créatures plus ou moins humaines ou animales. Leurs armes sont immenses.. Et ils sont bien plus nombreux que nous... Je ne quitte pas des yeux ce cauchemar qui fonce sur nous. Je ne me rends même pas compte que tout mon corps tremble. 

    -CHARGEEEEZ !!! hurle Arthur. 

    Nous nous élançons en hurlant, épée, lances et masses d'armes aux mains. Les archers restent en retraits, préparant leurs flèches qu'ils s'empressent de lancer sur les ennemis. Le regard de la sorcière est plus que cruel. Je me jette sur un centaure et lui entaille l'épaule de mon épée. Le sang gicle sur mon visage et son cri me déchire les oreilles, mais je continue de me battre tandis que mes compagnons tombent les uns après les autres. La bataille est rude. Je me prends des croches-pieds, des coups de poing et d'autres attaques physiques. J'essaie de ne pas m'occuper de la douleur. Arthur se bat ardemment contre Morgane qui esquive tous ses coups sans difficulté. Un sourire machiavélique est fixé sur son visage. Le Roi est épuisé mais ne perd pas son acharnement. J'essaie de prendre exemple sur lui mais il est trop tard. Je vois l'espace d'un instant Mordred rejoindre Morgane et embrocher Arthur. Mais.. ça ne peut pas être vrai... C'est beaucoup trop flou et trop rapide... Mon regard se perd dans celui de mon amant durant un instant encore plus court et soudain, tout est noir. Je reçois la poigne d'une épée dans l'arrière de la tête. Mon heaume est tombé, je m'effondre contre le sol desséché. Les hurlements des soldats qui tombent me font encore plus souffrir. J'ai un mal de crâne horrible et le goût du sang métallique me cisaille la bouche. Quand, dans un effort surhumain, je rouvre les yeux, j'ai l'impression que tout est au ralenti. La bataille, les ennemis, le chevaliers, ... Je suis en train de mourir, sans doute. Puis, une lumière blanche me barre la vue, comme quand le grimoire m'a emmenée dans ce maudit royaume. 

    CHAPITRE 12 : Excalibur et la Dame du Lac

    Je suis au bord d'un lac dont l'eau est si claire qu'on peut presque en voir le fond. A côté de moi, il y a le grimoire et la fiole de liquide mauve que m'a envoyé Merlin. Bizarrement, ma tête ne me fait plus mal. Suis-je au Paradis ? Ou plutôt à Avalon ? Je m'assois en tailleur sans trop de difficultés et contemple le lieu où je me trouve. Une forêt forme un cercle autour du lieu. Le lac est au centre, il est immense. Ses reflets remplacent les étoiles invisibles dans le ciel. Le vent est doux, frais, et le ciel justement d'un bleu aussi profond que les yeux d'Arthur... Bon sang ! Arthur ! Je me relève en vitesse  et regarde autour de moi. Je m'apprête à sauter dans les bois quand une jeune voix familière m'interpelle.

    -Attends Louise ! 

    Je me trouve face à Merlin qui, comme pour me prouver ses pouvoirs à notre rencontre, se retrouve à avoir mon âge. 

    -Où est Arthur ? lui demande-je.

    -J'allais te poser cette question, me répond-il.

    Je l'observe rapidement sous cette jeune forme. Il a des cheveux blonds, des yeux noirs intenses, un nez retroussé adorable et une peau rose, comme un enfant. Tout l'inverse de Mordred... Il est presque aussi beau. 

    -N'es-tu pas censé tout voir ? 

    C'est étrange pour moi de le tutoyer mais.. je pense que je peux maintenant.

    -Morgane a détruit mon bâton, dit-il avec un soupir. Ma magie ne fonctionne plus.

    -Elle a trouvé sympa l'idée de te transformer avant ?

    -J'avais déjà repris cette forme en arrivant. 

    Ses mains sont effectivement vides. Je regarde à nouveau autour de moi.

    -Où sommes-nous exactement ? 

    -Ce lac est juste à côté de la forêt de Brocéliande. 

    -Mais alors..

    -Nous sommes de retour à Camelot, répond-il en hochant la tête.

    -Alors tout est fini ?

    Je souris mais le magicien n'a pas l'air aussi enjoué. 

    -Loin de là Louise. A l'heure qu'il est, les deux camps se battent encore férocement.

    -Mais que faisons-nous encore là ?

    Je ne comprends pas bien. Déjà, pour quelle raison m'a-t-on amenée ici ? Que fait Merlin avec moi ? Que fais-je dans cet endroit avec lui alors que je dois aller me battre ?

    -Tu ne comprends pas.. C'est ici que l'histoire va se terminer. Ou se répéter. C'est ici que nous allons sceller nos destins. 

    J'allais ouvrir la bouche pour répondre mais une voix féminine et sombre derrière moi m'interrompt. 

    -Et cette histoire se répètera indéfiniment. 

    Je me retourne pour voir Morgane. Quelques taches de sang salissent son armure. Elle s'approche de nous. Son regard est plus vicieux que jamais. Merlin se met entre elle et moi en écartant les bras. Cherche-t-il à me protéger ? La sorcière ricane.

    -Oh Merlin ! dit-elle, tu es dénué de pouvoirs mais tu es quand même prêt à te battre ? Pour l'amour de cette môme ?

    Mon cerveau s'embrouille soudainement. Pour mon amour ? Mais.. Je ne comprends rien... Je regarde Merlin, dans l'espoir de trouver une quelconque réponse. Mais lui fixe Morgane de ses yeux brûlants de haine. Je la regarde à mon tour, reprenant le contrôle de mon esprit.

    -Où est Mordred ? demande-je d'une voix tremblante mais ferme. 

    Je me souviens du très court regard que nous avons échangé avant que je ne m'évanouisse. A moins que j'ai eu une illusion ? Morgane un regard de pitié, ironique et destiné à se moquer de moi j'imagine.

    -Oh ma pauvre enfant ! dit-elle sur un ton théâtral, n'as-tu pas encore compris que ton cher amour n'est rien de plus qu'un traître depuis le début ? Un vile félon ? Il a assassiné Arthur de sang froid, sans le moindre remord.

    Je me fige sur place. Je ne peux pas croire cette sale manipulatrice. Elle ment, j'en suis certaine. 

    -Non, il n'a pas fait ça ! m'écrie-je. 

    -Tu veux lui demander ? questionne la jeune femme avec un sourire sadique.

    Mes yeux s'écarquillent d'horreur quand je vois le corps ensanglanté d'Arthur apparaître. Il agonise.. Du sang lui coule de la tête. Comme dans mon cauchemar. C'était bel et bien un présage ! 
    J'entends le Roi émettre un son de douleur. Je ne peux pas me permettre de penser que Mordred ait fait une chose pareille. Mais ma confiance en lui s'effondre d'un coup quand je le vois apparaître près de Morgane. Nos expressions sont identiques si on écarte que la sienne est plus dure, plus froide. Elle est trompeuse... Qui dois-je croire ? A qui puis-je faire confiance.. ?! Je regarde la sorcière tendre une belle et grande épée à son héritière. C'est Excalibur, l'épée enchantée d'Arthur ! 

    -Bon, dit Morgane, finis-en avec la gamine et achève Arthur. Je m'occupe du "vieux". Et fais vite ; nous avons un royaume à aller récupérer ! 

    Sur ces mots, elle disparaît, Merlin avec lui. Le Roi tombe au sol. Je suis épouvantée.. Blessée... Je lève le regard vers mon... ennemi. Il tient fermement l'arme. J'essaie de le supplier du regard. Je tente de le ramener à la raison et d'apaiser les tensions.

    -Pourquoi lui obéis-tu ? Nous pouvons tout arranger !

    -Tu le penses ?

    Sa voix tremble, comme la mienne. J'ai l'impression qu'à chacun de nos mots, elles se fissurent un peu plus. Bientôt, elles se briseront en milles éclats. 
    Je lui tends une main en essayant de lui sourire. Il s'approche très lentement de moi mais s'arrête soudainement. La rage s'empare de lui. 

     -Louise, je DOIS te tuer !

    Ses mots me fendent le coeur. 

    -Pourquoi.. ? Pourquoi dis-tu cela..? Personne ne t'oblige à rien... Nous sommes chacun libre de notre destin.

    Des larmes roulent sur mes joues. Cela attriste Mordred qui se rapproche et les essuie d'un revers de main. Ses yeux brillent, lui aussi a les larmes aux yeux.

    -Je.., dit-il, je ne fais pas ça par plaisir.. C'est juste que.. il doit en être ainsi. On n'a pas le choix.

    -Dans la vie, on a toujours le choix. Il est plus facile de croire qu'on ne l'a pas.

    Oui, je suis une amatrice de philosophie. Je sens que mes paroles ont apaisées Mordred car son visage redevient douceur. Il tend alors la main vers la mienne qui est toujours tendue. Je me blottis contre son torse. Son coeur bat un peu plus vite. Mais sa chaleur reste la même. 

    -Louise.., commence-t-il.

    Je relève la tête et vois avec effroi qu'il s'apprête à me frapper la tête avec Excalibur qu'il tient de ses deux mains derrière sa tête. Je ferme les yeux en poussant un cri. Quelques secondes plus tard, voyant qu'il ne s'est rien passé, je rouvre les paupières et remarque que les mains de Mordred sont vides. Derrière moi, un bruit retentit. Je me retourne pour voir Excalibur couler dans l'eau du lac. Il l'a jetée.. Je suis sidérée. J'étais sûre qu'il n'était pas le traître que tout le monde s'imaginait. Enfin, tout le monde, c'est moi, Morgane et Merlin. Je recule de quelques pas. Je suis désormais dos à la forêt.

    -Que.., commence-je, qu'est-ce que tu as fais.. ?

    Il me sourit en marchant vers moi. 

    -J'ai fais ce que je voulais. Ne sommes-nous pas maîtres de notre destin ? 

    Je ris et me jette dans ses bras. 

    -On va enfin pouvoir rentrer.., dis-je, Merlin s'est sûrement débarrassé de Morgane à l'heure qu'il est. 

    -Oui..

    Sa voix tremble encore plus, elle est carrément cassée. Quelque chose ne va pas. Je m'écarte et découvre avec horreur que mes mains sont tachées de sang. Je lève le regard vers Mordred et pousse un cri d'effroi quand je remarque enfin la lame d'Excalibur lui transpercer le ventre. Quand il s'effondre sous mes yeux figés, j'aperçois une femme qui se tient au-dessus de l'eau. Ses cheveux sont faits d'eau, sa robe et ses yeux ont la couleur de l'eau du lac. Je ne l'avais pas reconnue dans mon cauchemar. Viviane... la Dame du Lac.. Elle a assassinée Mordred... Mais.. Depuis quand cela se produit dans la légende ? Je m'emplis soudainement de rage et de haine. Je lâche un énorme hurlement dont l'écho court jusqu'à Viviane et fait voler les feuilles des arbres et trembler l'eau. Lorsque l'écho travers la Fée, elle explose en une centaine de petites étoiles qui meurent dans le lac. J'ai la gorge et les yeux en feu. Mes jambes m'abandonnent et je me retrouve à genoux. Je pleure, supplie, crie. Mais rien... Je n'ai droit à rien. 
    Je retire Excalibur du corps inerte de mon amour puis plonge la lame dans l'eau pour la nettoyer du sang carmin qui la souille. Celui-ci se répand dans l'eau qui devient rouge. Ce dernier est presque le même que celui de ma robe. Celle que je portais pour la fête. Ce souvenir m'entaille le coeur qui est déjà bien amoché. En me retournant, Morgane est debout près de Mordred. Elle semble choquée.

    -Morded !! crie-t-elle. 

    Son visage renferme toute sa haine. Elle est désormais seule.

    -Sale gamine ! hurle-t-elle, MEURS !!!

    Elle se jette sur moi, une sorte de bulle noire flottante dans sa main. Sans lui laisser le temps de faire autre chose, je lui plante Excalibur dans la poitrine à la vitesse de la lumière. Son cri raisonne jusqu'à ce qu'elle explose, comme Viviane, mais en laissant tomber des petites étoiles noires. Une épée classique ne l'aurait même pas picoter. Mais Excalibur, étant une épée magique, tue les vivants comme les morts. Les faibles comme les puissants. Et je la possède. J'ai tué Morgane. Son armée a dû disparaître en même temps qu'elle. J'ai.. tué quelqu'un.. Une personne sans grande once d'humanité mais quelqu'un quand même. J'ai en moi un petit sentiment de remords. Je sais que ce n'est pas la meilleure solution de tuer des gens mais.. avais-je seulement le choix ? Je suis pathétique. N'est-ce pas moi qui ai dit quelques temps plus tôt que l'on a toujours le choix ? Quelle idiote je fais.. Et Amaury, qui git à mes pieds. Ma seule raison de vivre, disparue, envolée. J'aimerais tellement mourir, le rejoindre. Je ne veux pas rentrer chez moi sans lui. 
    Merlin, toujours aussi jeune, apparaît enfin devant moi. Il comprend que Mordred est mort et qu'il n'y a plus rien à faire. Sur mon visage, il n'y a aucune expression. Je n'ai plus la force de pleurer, plus l'envie de rire ou sourire. Il allait s'adresser à moi quand nous tombons à la renverse. Le sol tremble sous nos pieds ; serait-ce un séisme ? Je vois des tas d'animaux forestiers détaler un peu partout, effrayés. Je relève la tête et voit un immense dragon aux écailles d'émeraude et aux yeux d'argent se poser entre nous. Ses dents dépassent de son énorme gueule et son regard est meurtrier. Il pousse un cri, je me bouche les oreilles tant il est puissant. Sa patte griffe le sol. Je regarde avec un frisson dans tout le corps la terre et l'herbe être arrachées du sol. Fera-t-il la même chose avec ma peau ?! Je suis terrorisée, bien que la bête soit belle. Je me relève et recule. Le dragon ouvrit la gueule d'où sortent de grosses flammes rouges. Je sens sa chaleur alors que je suis plusieurs mètres en bas. Je suis partagée entre la peur et l'admiration. Ce monstre est si majestueux, si beau, si..

    -Louise ! me crie Merlin, prend Mordred et sauve-toi ! 

    Sur le coup, j'obtempère directement. Je range Excalibur dans mon fourreau et hisse Mordred sur mes épaules. Bon sang, ce qu'il est lourd ! Mais à mon avis, son imposant poids est plus constitué de muscles que de graisse.. Je saute dans la forêt, jetant un dernier regard à Merlin qui tente de calmer le dragon. Je me sens lâche de l'abandonner maintenant mais il m'a donné un ordre, et je suppose que je ne peux le contredire. Je cours jusqu'à perdre haleine, pendant de longues dizaines de minutes. Ma jambe blessée me lâche quelques fois, me faisant trébucher, mais je me relève toujours. Parfois, j'entends des vois familières au loin et des bruits de pas. Sont-ce les chevaliers de Camelot qui sont à notre recherche ? Je n'en doute pas mais je n'ai aucune envie de les voir, ou de rentrer au village. Je veux simplement disparaître avec ce garçon et ne plus jamais les revoir. 
    Je ne sais pas combien de temps j'ai couru, mais je suis épuisée et le soleil est sur le point de se coucher. Je m'effondre, morte de fatigue, à cause de ma course sans arrêt et du poids sur mes épaules qui fait souffrir tout mon dos. De la sueur ruisselle tout le long de mon corps tandis que j'essaie tant bien que mal de reprendre mon souffle. J'ai du mal à respirer correctement. Ma jambe me fait atrocement mal, j'ai l'impression qu'on est train de me l'amputer. J'ai peur que mes poumons m'abandonnent, ainsi que mon cœur, tant celui-ci bat à une vitesse qui m'est inconnue. Je m'assieds contre le tronc d'un arbre, la tête de Mordred posée dans la naissance de mon cou. Je caresse doucement ses cheveux en fermant les yeux, exténuée.

    CHAPITRE 13 : Retour de vie

    J'ai souvent le réflexe de mettre ma main dans ma poche, dans l'espoir de trouver de l'argent, un bonbon ou une clef. Et quand je fouille la poche de mon pantalon, j'en sors une petite fiole remplie d'un liquide mauve. Celle que Merlin m'a envoyé avec le grimoire ! Je l'observe pendant quelques minutes, réfléchissant en même temps. Il y a encore cette mystérieuse étiquette dessus. Je dévisse alors le bouchon de liège et regarde Mordred. Sa peau commence à refroidir. Je me redresse un peu et pose une main derrière sa nuque puis entrouvre sa bouche. Ses lèvres sont bleues... Elles qui étaient d'un adorable rose, toujours humides et pleines de vie. Une larme coule sur ma joue suite à cette pensée mais je me hâte de faire couler le liquide dans la gorge de Mordred. Je prie pour que ce "médicament" coule dans son sang, ses veines, tout son corps, et fasse quelque chose, n'importe quoi. J'attends une heure comme ça, à le regarder fixement, en attendant que sa poitrine se soulève, que son souffle chaud traverse ses lèvres et que ses yeux gris s'entrouvrent. Rien ne se passe. "Choisis bien"... Je suppose que la potion était attribuée à Arthur... Désespérée, je prends Mordred dans mes bras et me rendors, toujours épuisée. 

    J'ai l'impression qu'on me tire très légèrement les cheveux. C'est ce qui me tire de mon sommeil. J'ouvre lentement les yeux et les écarquille quand je vois Mordred, assis à côté de moi, occupé à me tresser les cheveux. Je ne peux pas bouger, je suis figée sur place. C'est impossible.. C'est un fantôme.. Pourtant, ses yeux.. ils semblent si vivants. J'entends son coeur battre de là où je suis. Il lève le regard et me regarde en souriant. Ses iris grisâtres s'encrent dans les miens, bruns. Mon cerveau ne répond plus à mes appels, je suis incapable de sauter dans ses bras, d'hurler ma joie et de l'embrasser à pleine bouche. 

    -A.., commence-je, Amau...

    -Salut, m'interrompt-il. 

    Sa voix est toujours aussi claire et chaleureuse. J'ouvre la bouche pour parler, j'y arrive enfin.

    -Comment tu te sens.. ?

    -Mieux que jamais ! Je pète la forme. 

    Il prend la fiole vide dans sa main et la fait tourner entre ses doigts, ma tresse dans son autre main.

    -Ce truc fonctionne vraiment bien ! C'est Merlin qui l'a créé ? 

    Je ne peux pas lui répondre.. Je n'y arrive pas. Mais après un silence infini, je pose une main sur la sienne, l'empêchant de continuer de me tresser, et pose une autre sur sa joue pour la caresser doucement. Je verse une larme alors qu'il me regarde fixement avec amour. 

    -Tu es vivant..., dis-je.

    Il me sourit et me prends dans ses bras, sans lâcher ma tresse pour ne pas la défaire. Il me serre calmement mais fermement, comme si il avait peur que je parte. Mais non, c'est décidé, plus jamais je ne le laisserai. 

    -Dors maintenant.., me dit-il. 


    Un gros craquement de branches me fait sursauter. Le ciel est plus clair, le jour va bientôt arriver. Amaury dort à côté de moi, je me lève avec grande précaution pour ne pas le réveiller. J'entends encore ces bruits apeurant et m'en approche avec prudence. Je me retient de crier quand je vois une silhouette armée. Elle se rapproche, se rapproche encore.. Je pousse un énorme soupir de soulagement en voyant Lancelot un peu estropié, une épée couverte de sang séché à la main. Quand il m'aperçoit, il a l'air très surpris. 

    -Louise ! s'écrie-t-il.

    Il court vers moi ; je tends les bras et il m'étreint fortement. Il devait être vraiment inquiet.. Mais je l'étais aussi pour lui. Pour tout le monde, en fait. Je sens son coeur taper contre le mien. Ses bras commencent à m'étouffer. Je m'écarte afin de reprendre mon souffle. L'inquiétude se lit encore dans ses yeux.

    -Mais où était-tu ? demande-il. Quand tu as été blessée, j'ai voulu t'aider mais tu avais disparu.. Et quand Arthur a été attaqué..

    Il s'interrompt, essoufflé et baisse la tête. Je lui ébouriffe les cheveux et lui sourit.

    -Je suis là, et je vais bien. Ne t'inquiète plus.

    Il me rend mon sourire et regarde autour de nous. 

    -Tu es toute seule ?

    -Euh..

    Une voix m'interromps.

    -Louise !

    Je vais le frapper cet idiot... Il se met à côté de moi sous l'oeil sidéré de Lancelot. Je vois la colère déformer les traits de mon ami.

    -Qu'est-ce qu'il fout là lui ?!

    -Lancelot, je peux t'expliquer..

    -Il a tué Arthur !

    Il attrape Mordred par le col, le fusillant du regard. 

    -Lancelot écoute !

    Avant que je puisse faire quoi que ce soit, Lancelot donne un violent coup de poing à Mordred. J'entends un craquement. Lui aurait-il cassé le nez ?!    Au fond de moi, je me méfie toujours un peu de mon amant mais je suis certaine que Morgane s'est servie de lui, qu'elle l'a embobiné, qu'elle lui a retourné le cerveau.. Je ne peux pas croire qu'il ait fait ça de tout son gré. 
    Mordred esquive chacun des coups de Lancelot avec une précision et une agilité impressionnante. Commençant sans doute à se lasser, il sort son épée et se jette sur son camarade qui s'arme lui aussi.  Je les vois avec horreur foncer l'un sur l'autre et décide d'intervenir sans réfléchir. Je me positionne entre les deux chevaliers et ferme brutalement les yeux, prenant conscience de ce que je suis en train de faire. Je rouvre les yeux, voyant qu'il ne se passe rien et remarque que les deux armes se sont arrêtées juste devant mes paumes de main que j'avais tendues. Les deux hommes ont l'air surpris de mon geste et baissent leur épée. 

    -Louise.., murmure Mordred.

    -Rangez vos armes tout de suite, dis-je fermement.

    Ils obéissent directement, ils semblent effrayés par le ton de ma voix qui, j'avoue, n'est pas très rassurant. 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


    votre commentaire
  • "J'ai écrit ce texte il y a plus d'un an et demi et j'en suis toujours aussi fière. C'est le premier que j'ai terminé, même si il est très court, je l'aime toujours autant. J'espère qu'il en sera de même pour vous aussi."

     

                                                          

                                                                                           La Gare d'Ellia

     

     

    Lagua SNCF, la plus grande gare du monde

    Été 2003, ce sont les vacances. Les familles se bousculaient pour arriver à temps à leur train. De New York à Rio, de Paris à Madrid, peu importe, tous les gosses étaient pressés. Leur cartable abandonné jusqu'à la rentrée, les profs soufflent et profitent de l'été. Durant l'année, tout s'est bien passé, les trois trimestres sont terminés. Il est enfin l'heure de partir, certains cahiers de vacances vont s'ouvrir. Et les enfants vont grandir. Et se perdre dans cette gare immense à cause de leur insolence... ou de leur inquiétude indécente. Ellia avait sept ans. En compagnie de ses parents, ils ne pressaient pas le pas, ils avaient le temps. Ellia n'a jamais aimée la solitude. Mais pour avoir toujours quelqu'un à ses côtés, elle devait avoir bonne attitude. Si elle est seule, elle se perd et déprime. Malheureusement, son sourire était si infime que peu de gens la regardait. Et elle se perdait et souffrait. Son père, soudain, se rappela avoir oublié leurs billets de train. Chose ridicule et désespérée pour Ellia et sa mère. Ses parents, n'ayant pas le choix, durent la quitter et la laisser plantée là. Ne voulant pas prendre de risques, ils confièrent la petite à une femme d'une vingtaine d'années de la surveiller. Une demi-heure passa. La dame s'excusa, car son train était là. Elle partit en courant, se retourna plusieurs fois et disparue dans l'énorme foule. Ellia était seule. Et elle n'aimait pas ça. Ce n'est pas qu'elle n'aimait pas, c'est qu'elle avait peur. Personne n'était là. Pour elle. Tout le monde l'ignorait. Devant elle, les gens se pressaient. Sans la voir. Elle restait dans cette gare, plantée là comme une idiote, à attendre. Elle s'assit sur le sol sale et glacé... et attendait... attendait... et attendait toujours... 1 heure. 2 heures... 3 heures... Les enfants ne sont jamais patients. Même quand ils attendent les gens, ils sont impatients. Je me demande si les scientifiques ont déjà fait des recherches sur cela. Si c'est parce-que les enfants sont pressés de vivre ou qu’attendre leurs paraît inutile et embêtant. Mais Ellia se lassa moins vite. Au bout de quatre heures, assise sur le sol, au même endroit sans bouger, elle ne se demanda pas où étaient ses parents. Et encore moins... où était la sortie. Elle se leva, jambes engourdies, mais poings serrés, et fit le tour de la gare. Pour s'occuper. Faire passer le temps et attendre ses parents était une chose difficile. Si ses parents reviennent, ils ne la trouveront pas. Bah ! Ils demanderont à l'accueil. Mais il y a une chose que Ellia ne savait pas et qu'elle ne saura probablement jamais : ses parents ne reviendront jamais. Alors, elle s'assit contre un mur. Elle avait faim. Elle trouva dans sa poche quelques pièces, de quoi s'acheter peut-être un casse-croûte. Elle avait soif, aussi. C'est pareil ; les enfants ont toujours faim, également. Peut-être que comme ils sont petits, leur estomac est autant plus étroit. Son déjeuner à la main, elle se rassit là où elle était. Et mangea. Elle attendait, comme vous le savez, vous et moi. Au loin, elle vit une femme, d'une cinquantaine d'années, prier. Elle s'approcha, toujours son casse-croûte à la main. Elles parlèrent. La dame lui raconta qu'elle était ce qu'on appelle une SDF.

                                                       Une SDF ? C'est quoi ?

                                            Ca veut dire ''Sans Domicile Fixe''.

                                               Vous n'avez pas de maison ?

                                                       Eh, bien, non...

                                                          Pourquoi ?

                                            Je n'ai pas les moyens, jeune fille.

                                       C'est pour ça que vous avez les mains jointes ?

                                         Oui. Je mendie de l'argent aux âmes pures.

                                         Beaucoup de gens répondent à vos prières ?

                                    Non, pas vraiment. De nos jours, les gens sont égoïstes...

                                                  Pourquoi les gens changent ?

                                    Je ne sais pas. Jeune fille, aurais-tu quelques pièces ?

                                   Non, mais si j'en trouve, je vous en apporterai un peu.

                                                                  Merci...

    Ellia quitta la femme et finit son déjeuner.

    6 mois passèrent. Ellia attendait. A chercher de l'argent par terre, partageant ses maigres possessions avec les SDF. Au bout d'un moment, Ellia grandit. Elle grandit toujours autant. Ses vêtements étaient au bord de la déchirure. Alors, elle se leva, et scruta la gare de fond en comble (sans bien sûr remarquer la sortie) et sur le quai, elle trouva de grands chiffons à sa taille. Elle dépassa une ligne rouge et s'avança sur le quai. Elle ramassa les chiffons, quand soudain... le train arriva à toute vitesse... Un policier de la gare se jeta sur elle.

                                   Eh ! Qu'est que tu fais ici !? Où sont tes parents !?

                                                        Je les attends...

                Hein... ? Bref, tu ne sais pas qu'il est interdit et dangereux de dépasser la ligne !?

                                           Désolée, je ne le referai plus.

                         Et qu'est ce qui ce serai passé si tu avais été blessée ?!

                                                          

         On aurait recherché tes parents pour manque de vigilance et de responsabilité.

                                      J'avais besoin de ces chiffons...

                                         Comment tu t'appelles ?

                                                 Heu... Ellia...

                   Je vais lancer un appel dans la gare pour alerter tes parents. Viens !

    Ellia suivit le policier, mais soudain, il disparut dans la foule comme cette dame qui l'a laissée il y a 6 mois. Ellia s'enferma dans une cabine de toilettes et fit ce qu'elle pouvait avec les chiffons. Lorsqu'elle sortit, ses nouveaux vêtements étaient un peu trop grands, mais mieux vaut trop grand que trop petit. Elle se rassit dans son petit coin. Et attendait...

    Après 1 an entier d'attente, Ellia n'avait pas encore perdue sa patience. Je pourrai presque dire qu'elle ne la perdra jamais. Et qu'elle attendra aussi longtemps qu'il le faut. La vendeuse de nourriture et de gâteaux chez qui Ellia se rendait souvent commençait à se demander pourquoi Ellia venait aussi souvent vers elle... et seule.

                                                       Dis, Ellia ?

                                                          Oui ?

                               Comment se fait-il que tu viens autant de fois... ?

                                Parce-qu'il faut manger pour vivre, bien sûr !

                                                     … Seule ?

                                                         

                                   Tu as perdue tes parents ? Ils travaillent ici ?

    Ellia s'enfuit en courant. Elle n'avait rien à dire sur ses parents qu'elle attendait depuis déjà un an. Elle se rassit avec son sandwich. Sur le sol, à côté d'elle, elle vit un petit oisillon blessé. Ayant pitié, Ellia décrocha un bout de pain et le donna au volatile. Après l'avoir mangé, il sautilla dans sa direction, mais soudain... Un grand pied l'écrasa. Ellia était terrifiée. Tétanisée et choquée par ce qu'elle venait de voir. Elle leva doucement la tête et vit un homme d'affaires fumer une cigarette. Non seulement Ellia a été traumatisée, mais en plus, l'odeur de la cigarette lui encombrait désagréablement les narines. Elle s'éloigna et se mit à pleurer. Et s'endormit. C'est un contact chaud et petit sur son visage qui la réveilla. Elle ouvrit les yeux et vit un petit bébé lui pincer gentiment le nez. Ensuite, le petit lui prit les mains et s'amusa à lui pincer les phalanges et à suivre ses lignes de main. Tout à coup, la mère arriva en courant. Elle ramassa son bébé et le scruta comme pour voir si il n'avait rien eu. Elle lança une insulte blessante à Ellia et pressa le pas jusqu'aux toilettes. Elle se rendormit, ne sachant que faire d'autre.

    4 ans de plus à attendre pour rien. Ellia avait 12 ans. Elle a eue ses règles, mais dans l'impossibilité de s'en protéger. Ses vêtements étaient plus sales et plus dégoûtants que jamais. L'odeur du sang séché repoussait tout le monde (sauf ses amis les SDF) et se mit donc en quête de nouveaux vêtements. A la place d'être rouge, la ligne était verte. Elle passa et ramassa les tissus et les chiffons qu'elle dénicha. Lorsqu'une voix alerta que la ligne allait redevenir rouge, elle se dépêcha d'ouvrir une cabine de toilettes et de s'y changer. Elle sortit de sa poche quelques pièces car elle avait faim. Se souvenant de ce qui s'était passé 4 ans plus tôt, elle avait changée de boutique. Elle s'acheta un maigre déjeuner et courut pour aller le partager avec son amie la SDF, qui après avoir commencée la voyance, se faisait appeler Mamie Lune.

                                         Mamie Lune ! Regarde ce que j'ai pour toi !

                                                           Merci, Ellia.

                                             On en aurait presque assez pour trois !

                                Oui ! D'ailleurs, pour te remercier, je vais lire ton avenir !

                                           Ouah, génial ! Merci, Mamie Lune !

                                                Alors... Hm ? C'est étrange....

                                            Qu'est-ce que tu vois ? C'est flou ?

          Non, mais... Je vois une gare vide... Une jeune fille d'une quinzaine d'années... Et...

                                                Et quoi, Mamie Lune ?

                                      Un homme... Et de la lumière... Une sortie...

                                                         C'est tout ?

                                                        C'est tout...

    Ellia réfléchit longuement à ce que lui a prédit Mamie Lune. Peut-être que cela signifiait que ses parents allaient revenir. Mais pourquoi une gare vide ? La gare va-t-elle fermer ? En ayant cette pensée, Ellia se dit qu'elle allait devenir dépressive. Mais elle garda son calme tout de même. On ne peut pas lutter contre le cours du temps...

    En tout, 7 ans ont passés. Ellia avait 14 ans. Elle vivait toujours de la même manière. Ramassant des chiffons sur le quai, cherchant de quoi se payer à manger par terre. Et... Non... Ses parents ? Ellia avait tout oublié... Ses parents, son âge, et même son prénom. Il ne lui avait pas été prononcé depuis  plusieurs années... Même Mamie Lune, après 2 ans, l'oublia. Les policiers, les vendeurs, les autres SDF, … Tout le monde avait oublié le prénom ''Ellia''. La seule chose dont Ellia se souvenait, c'est la prédiction de Mamie Lune il y a 2 ans. La gare vide, l'homme, la sortie et la lumière, la jeune fille... Parfois, cette prédiction la soulageait. Parfois, elle lui faisait peur. Alors qu'elle mangeait un beignet, deux adolescents se plantèrent devant elle. Ils lui sourirent méchamment, lui arrachèrent le beignet des mains, l'insultèrent et lui donnèrent quelques coups de pieds avant de s'enfuir. Mais Ellia ne pleura pas. Mamie Lune lui avait déjà dit que les gens changent. Elle en faisait l'expérience souvent. Des couples qui parlaient d'elle en la regardant de travers, des adolescents qui la frappait, des enfants qui se moquaient d'elle. Après, il y a de quoi se moquer et mal la regarder : ses cheveux ont poussés jusqu'à ses genoux, sales et crasseux, son corps empestait la cigarette et la poubelle, et ses ongles étaient grands, sales et mal faits. Ellia avait déjà remarquée quelques lames rouillées sur le sol. Mais, de peur d'attraper le tétanos, elle préférait garder ses ongles de sorcière. Alors, Ellia s'endormit. Elle dormit. Toujours et encore. Sans jamais se réveiller. Quand elle ouvrit enfin les yeux, il n'y avait...

                                                       PLUS RIEN...

    La gare était...

                                                           VIDE...

    Ellia scruta la gare de fond en comble, cherchant quelqu'un. Mais il n'y avait plus rien ni personne. Même Mamie Lune était partie. Les vendeurs, les policiers, les SDF, … Le commerce s'était arrêté. Les trains s'étaient figés. Les passagers avaient disparus. Tout était vide. Seuls quelques oiseaux chantaient encore sur le plafond au bord de l'effondrement. Au début, Ellia se demandait si elle rêvait. Ensuite, elle se dit qu'il y a eu un problème et que la gare aurait due être évacuée. Et finalement, elle se dit... qu'elle avait dormit des années. Pourtant, elle n'avait pas changée. En se regardant dans le miroir, son visage était le même, ses cheveux avaient la même longueur. Et il n'y avait plus rien. Ellia resta là, plantée dans le sol comme le jour où ses parents l'ont abandonnée. Des larmes coulèrent sur son visage, mais elle ne s'en rendit même pas compte. Soudain, Ellia eue un déclic. Elle avait peut-être tout oublié, mais c'est cette gare qui l'avait protégée pendant 7 ans. Sept ans à vivre dans cette gare. A attendre pour rien. Alors, Ellia se dit que cette gare était devenue sa maison. Son chez-elle. Elle s'était attachée à cette gare. Elle y tenait. Mais, même si elle ne se souvenait pas de son prénom, il le lui venait tout de même à l'esprit. Et décida de baptiser cette gare :

                                                         LA GARE D'ELLIA

    C'est uniquement ce prénom qui lui venait au cerveau. Ellia... Le problème, c'est qu'il n'y avait plus de commerces. Ca veut dire : plus de nourriture, plus rien à boire. Elle allait s'ennuyer : ses amis n'étaient plus là et regarder passer les TGV était devenu un loisir pour elle. Elle n'avait plus de quoi se créer des vêtements. Alors elle attendit toujours autant. Mais cette fois-ci, sans savoir pourquoi. A son réveil, la gare était comme elle l'a trouvée. Vide, silencieuse. Mais... Ellia entendit des pas sur le sol de la gare. Elle se méfia. Qui pouvait bien venir dans une gare vide ? Mais... Les passagers ? Les policiers ?! Les commerçants ?! Peut-être que la gare allait de nouveau fonctionner ! Mais... Non. Tout ce que vit Ellia, ce fut un jeune homme, d'environ 25 ans, un ordinateur portable et une valise à la main. Il avait de courts cheveux noirs, presque bleus. Il portait des lunettes rectangulaires, un costume noir et une cravate. Lorsqu'il vit Ellia, il s'accroupit devant elle.

                                Eh ! Qu'est-ce que tu fais ici ?! Cette gare est fermée, il me semble !

                                              Que fais-tu dans ''La Gare d'Ellia'' ?

                                              Pardon ? Tu... Tu t'appelles Ellia ?

                                                            Je sais pas...

                  T'es bizarre comme fille... ! Sérieusement, qu'est-ce que tu fais là ?

                                                           J'attends...

                                                      Tu attends quoi ?

                                                        J'en sais rien...

                                    Tu sais ; tu n'as jamais pensée à sortir d'ici ?

                         Non, mais cette gare, c'est chez moi, et je ne la quitterais pas.

                                                             Chez toi ?

                     Même si des fois, j'aimerais bien sortir. Ca fait 7 ans que je suis ici...

                                                   Sept ans ?! C'est pas vrai ?!

                                 Si...Sept ans d'attente pour je ne sais même plus quoi...

                            Si tu veux sortir... c'est simple, la sortie, c'est juste devant.

    Ellia eue le plus gros choc de sa vie. Vraiment ? La sortie était là, juste devant ? Cette porte était vraiment celle de la liberté ? De la vie ? De la vraie vie ? Ellia ne put se retenir. Elle se leva, poussa le jeune garçon (du nom de Loïc) et fonça vers la porte. Elle l'ouvrit et pour la première fois, respira de l'air pur. Pas cet air que lâchent les trains lorsqu'ils passent à toute vitesse. Non... Cet air là, il est... plus doux... Plus frais... Plus agréable. Ellia marchait sur un vrai sol. Pas le sol froid et lisse avec ces carreaux et ces pierres travaillées. Non... Ce sol là, il est... plus irrégulier... plus naturel... même si il raclait les pieds d'Ellia comme si elle marchait sur des ronces ou des lames de couteaux pointues. Sur le sol, Ellia remarqua un vieux journal. Très vieux. Qui devait avoir au moins six ou sept ans. Elle le ramassa. Ellia tenta de déchiffrer les lettres minuscules. Elle savait lire, mais sa vue était brouillée et le texte était bourré de mots compliqués. A la moitié du journal, Ellia lut attentivement l'article qui parlais d'un accident de voiture en 2003. L'année où elle a été abandonnée.               

                                                                             UN ACCIDENT DE VOITURE DEVANT LA GARE DE

                                                                         LAGUA SNCF QUI A COÛTÉ LA VIE DE DEUX ADULTES

     

       "Le mardi 6 juillet à 16h45 environ, une voiture (une Hyundai) a renversée deux adultes qui semblaient être un couple devant la plus grande gare du monde. Le père (37 ans) et la mère (35 ans) ont reçus tous deux les mêmes dommages : hémorragies, et perte d'un rein. Ils ont été conduits à l'hôpital, mais sont décédés dans l'ambulance. Le conducteur (18 ans) dit ne pas les avoir vus traversés, car il était sur le point de se garer, et parlait avec sa petite amie pendant que le couple traversait le parking en galopant. Le conducteur ayant été traumatisé, a été condamné dans une prison psychiatrique pour sept ans et a payé 30 000 euros pour conduite non attentionnée plus 6 points de conduite qui lui ont été retiré. Il se retrouve donc sans permis, ayant déjà perdu les derniers après avoir grillé quelques feux rouges."

    En bas du texte, il y avait la photo du couple et celle du conducteur. Ellia n'en revenait pas. Des larmes coulèrent par milliers sur son visage. Le conducteur, c'était Loïc... et le couple... c'était ses parents... Loïc sortit de la gare. Il vit le journal entre les mains d'Ellia. Il fut terrifié et se sentit coupable à mort. Ellia se souvenait de tout, désormais. Mais elle se rendit compte qu'elle avait attendue sept ans pour rien... Sept ans à attendre des gens dont la vie avait été arrachée. Ellia avait mal. Elle ne savait pas où, mais elle avait mal. Pas la douleur qu'elle ressent quand ces adolescents la frappent ou quand elle trébuche et qu'elle se rappe les genoux. Non. C'est celle qu'elle a ressenti quand elle a été abandonnée. Une douleur qui fait plus que mal. Qui tue. Ellia s'effondra sur le sol, s'endormit comme toujours, et n'ouvra plus jamais les yeux...

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

         SI L'HISTOIRE VOUS PLU, N’HÉSITEZ PAS A LIRE LES AUTRES LIVRES QUI

                            SONT EN PLEINE ÉCRITURE ET SORTIRONT BIENTÔT !

                     

                    Numéro 0                                                                                Une nuit au manoir, ...

      Elena vit dans un monde                                                                         Aïla, lycéenne, doit partir en                                              

      où les gens doivent vivre                                                                        voyage scolaire dans un ma-

      avec un numéro particu-                                                                        noir. Les autres élèves disent

      lier. Mais à sa naissance,                                                                       qu'il est hanté, mais Aïla

      son numéro est le 0. Chi-                                                                      n'en croit pas un mot. Quand

      ffre de la liberté. Alors                                                                       ils arrivent sur place, la journée

     que dans ce monde, il n'y                                                                     se passe bien, mais juste avant

     a plus de liberté.  Alors,                                                                         de partir, elle se fait enfermée

     quand son village est attaqué                                                              dans le sous-sol par deux élèves

      par un dragon, son meilleur                                                               et le bus repart sans elle. La

      ami se fait tuer par une sor-                                                               voilà seule dans le manoir, mais

     cière qui dit qu'Elena est une                                                              quelque chose est étrange. Les

     Crieuse. Ceux qui utilisent la                                                             portes s'ouvrent, les objets vo-

      force des dragons. Elena se                                                              lent, … Ses camarades avaient-

     fait recueillir par Marly, une                                                              t-ils raison ?

     Crieuse qui lui dira de cher-

     cher la force des cent derniers

     dragons sur terre. Et c'est bien

     ce qu'Elena compte faire...

     

    Mais que se passe-t-il chez les Langouanier ?                             Il était une fin

     Les Langouanier vivent une vie bien tranquille                           Gabriella a des problèmes respira-

     dans leur belle demeure. Mais un jour, Mme                               toires depuis ses trois ans. Alors qu'

     Langouanier croit voir... des fantômes ! Son                               elle se dispute avec son meilleur a-

     mari, qui n'y croit guère, compte bien résoudre                           mi, ses problèmes s'aggravent et en

     le mystère de cette histoire à dormir debout. Ils 

    décident  d'appeler des détectives privés                                     chemin, elle rencontre un nain du nom de Tracassin        

    qui ne sont en fait que des débutants. Mais                                  signer un contrat qui la guérira un

     ce n'est pas ce qui les arrêtera ! Les enfants, de                           jour. Mais elle tombée dans le piège

     leur côté, sont prêts à prouver que ces détectives                        de Tracassin. Le monde est sous le

     ne leurs serviront à rien et qu'ils pourront très vite                      règne du nain et son ami Gabriel est

     rebrousser chemin...                                                                     devenu un rebelle. Mais Gabriella

                                                                                                           compte bien retourner dans son

                                                                                                           monde...

    Frère et sœur 

    Les parents de Clarisse sont

    au bord du divorce et ne

    veulent pas faire souffrir leur

    fille. Ils la confient à des inco-

    nnus et commence une nouvelle

    vie. Elle ne s'entend pas avec son

    frère et lorsqu'elle apprend que son

    père biologique s'est suicidé par de-

    pression, ses parents lui interdisent

    d'aller à l'enterrement. Elle fugue alors,

    mais son son frère, qui tient à elle, la

    recherche à travers la ville.

     

        

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

                                                          

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

                                                 La Gare d'Ellia 

                               

                  Alors qu'elle n'a que sept ans, Ellia se fait abandonner dans la plus grande

                gare du monde. Pendant sept ans, elle attendra ses parents, sans se rendre   

               compte qu'elle attendait pour rien. Elle ramasse par terre de l'argent pour se

               payer à manger, cherche des chiffons sur les quais pour ses vêtements et se lie

                   d'amitié avec les SDF. Mais un jour, la gare cesse toute activité. Les

             commerces s'arrêtent, les passagers disparaissent. Et Ellia se retrouve seule.

              Mais un jeune garçon, Loïc, va entrer dans ''La Gare d'Ellia'' et montrer la

                                                  sortie à la jeune fille...

     

     

     

     

     

                     Le tout premier chef-d’œuvre de Margot Pereira avec une composition 

                       et une écriture très originale ! Quatre pages, un contenu extraordinaire 

                      qui nous apprend qu'il est bien d'être patient, mais de prendre garde aux

                                                   attentes inutiles... 

     

     

     

     

     

                     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

                                                                                                                

             


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires